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Lifestyle - La Mode

Emergency Room, à l’assaut des frontières

À travers sa nouvelle collection présentée à la Semaine de la mode arabe de Dubaï, la marque libanaise Emergency Room explose les cloisonnements de notre monde.

Emergency Room, à l’assaut des frontières

Passeports d’un côté, drapeaux de l’autre. Photo Emergency Room

La question des frontières et des cloisonnements artificiels que celles-ci ont formé sur le globe terrestre au cours de l’histoire interroge de plus en plus la nouvelle génération de créateurs, dans tous les domaines de l’art. Non seulement la mode n’est pas en reste, mais elle est la première concernée par cette problématique, le vêtement étant le principal indicateur générationnel, identitaire et social dans un monde en mouvement. Au-delà de la communication virtuelle que la Toile a prodigieusement affranchie, la circulation des personnes est limitée par de nombreuses contraintes dont font surtout les frais les citoyens des pays pauvres et en proie à des conflits endémiques. La notion d’un monde global reste en ce sens très relative.

Pour sa nouvelle collection, l’intention de la jeune marque Emergency Room qui porte les initiales de son fondateur Éric Ritter est d’exposer cette injustice, de mettre en lumière de manière de plus en plus radicale le scandale de la surproduction et de la pollution tueuse d’avenir que celle-ci engendre et d’appeler à un monde réconcilié et solidaire. Nouveau directeur de l’école de mode de l’Académie libanaise des beaux-arts, Ritter est désormais en position de responsabilité pour œuvrer activement à consolider ces valeurs dont la génération Z est la vigilante gardienne.

Toutes les équipes sur un même pull. Photo Emergency Room

« Une dimension parallèle »

« Le samedi 15 octobre, nous avons présenté notre collection Borderline lors de la Semaine de la mode arabe à Dubaï. Cette nouvelle collection suit les traces de Neverland, une collection présentée à la fin de 2021 qui explore l’idée d’une dimension parallèle existante, une hétérotopie dans laquelle l’inaperçu et le banal sont mis en lumière et célébrés », explique Éric Ritter. « Avec Borderline, nous remettons en question l’existence et le contrôle des frontières, des documents de voyage, des restrictions de voyage et de la liberté de mouvement (ou de son absence). Nous nous sommes aventurés à concrétiser notre pays imaginaire, ici, un royaume, en créant son identité visuelle, en commençant avec un emblème placé sur un passeport et utilisé pour annoncer la collection. Bordeline est un témoignage de notre engagement en tant que marque durable qui se concentre sur une production écoconsciente et éthique qui recycle ou minimise les déchets, tout en mettant en lumière les injustices et les inégalités sociales », insiste-t-il.

Éric Ritter en finale du défilé. Photo Emergency Room

L’étreinte et le silence

Il nous raconte la mise en scène du défilé présenté à Dubaï : « Nous avons ouvert le défilé avec une série de pièces blanches imprimées à la main avec différents tampons de visa représentant les différents pays que nous avons visités, ainsi que notre propre Neverland hétérotopique. Certains sont beaucoup plus tamponnés que d’autres, tous représentant différentes pages de différents passeports », poursuit Ritter. « Le deuxième groupe de la collection se concentre sur l’association de pièces en denim recyclé avec des tissus en coton blanc et la présentation de notre passeport emblématique sur des vestes de tailleur bordeaux, une couleur qui rappelle celle souvent utilisée pour les couvertures de ces documents de voyage. Le recyclage occupe la dernière partie de la collection. L’idée était de rassembler des éléments utilisés pour séparer les gens en groupes ; pensez aux maillots de sport colorés, aux écharpes de sport tricotées et aux drapeaux en polyester, qui refleurissent partout à l’approche de la Coupe du monde de la FIFA, captivant notre société de consommation. En déconstruisant et en réassemblant ces matériaux de seconde main, nous souhaitons donner une vision : celle d’un monde où les gens ne sont plus divisés mais unis, celle d’un monde où les drapeaux sont obsolètes. » Lors du final, après s’être mis en deux files séparées, les mannequins se sont rejoints en s’étreignant un instant, dans un silence total. Le créateur a alors déroulé une bannière sur la passerelle, laissant les participants réfléchir à une question existentielle : « Qui a tracé les frontières de notre monde ? »

Bordeaux, comme la couverture d’un passeport. Photo Emergency Room

Prouver sa pertinence en créant du désir

Fondée en 2018, Emergency Room, comme toutes les jeunes marques de mode et de design créées au Liban, a réussi à survivre et à se développer malgré les multiples épreuves vécues depuis ses débuts, des révoltes de 2019 au Covid, à la double explosion au port du 4 août 2020, au dramatique effondrement économique dont le Liban ne voit pas encore l’issue. Finaliste de prix prestigieux tels que Fashion Trust Arabia et Vogue Prize, malgré son court parcours, Emergency Room continue à chaque collection à prouver sa pertinence en créant du désir. En parfaite adéquation avec les attentes des nouveaux consommateurs, elle fait sens, brouille les lignes du genre, s’oriente résolument vers la communauté en procurant du travail à des couturières défavorisées ainsi qu’aux petits marchands des souks de Tripoli. Enfin, elle met le travail éthique et le surcyclage au cœur de sa philosophie, n’utilisant que des matériaux en déshérence, stocks et invendus, en les détournant brillamment de leur fonction première. Quand vous verrez des draps de lit transformés en chemises, des rideaux en robes et des tapis de prière en manteaux, vous comprendrez qu’ici, rien ne se perd, tout se recrée avec une touche de magie et énormément d’humour.

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