« Et maintenant on va où ? » La question est sur toutes les lèvres depuis que Michel Aoun a quitté le palais de Baabda, dimanche dernier, laissant derrière lui un vide inédit au niveau du pouvoir exécutif. D’autant plus que toutes les pressions exercées par le tandem Michel Aoun-Gebran Bassil sur le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, pour l’amener à former un gouvernement de dernière minute – avant la fin officielle du mandat Aoun dans la nuit de lundi à mardi – n’ont pas porté leurs fruits. Le cabinet sortant continuera donc de facto à expédier les affaires courantes, en attendant l’élection (qui paraît lointaine) d’un nouveau président de la République.
Plus que jamais conforté dans sa position, M. Mikati tient à paraître comme celui qui n’a pas de temps à perdre. Quelques heures avant la fin du mandat, il a pris l’avion pour Alger où il représente le Liban au sommet arabe. Il est accompagné par les ministres des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, et de l’Énergie, Walid Fayad, comptés pourtant parmi les plus fidèles proches de Gebran Bassil qui avait agité le spectre d’un boycottage du cabinet sortant par ses membres « couleur orange ».
Sauf que le duo Aoun-Bassil n’est pas du genre à se laisser faire. Quelques heures avant la fin du sexennat, il a joué une dernière carte face au Premier ministre sortant. Antoine Choucair, directeur général de la présidence de la République, s’est entretenu lundi avec M. Mikati. Une source au sein du CPL confie à L’OLJ que M. Choucair a proposé à son interlocuteur de signer le décret de formation d’un gouvernement, qui ne serait autre que le cabinet sortant, considéré démissionnaire depuis mai dernier. « Nous avons opté pour cette démarche pour que le pays ne soit pas complètement paralysé », explique à L’OLJ Eddy Maalouf, ancien député du Metn. « Mais comme il ne veut pas former un nouveau gouvernement, Nagib Mikati a refusé notre proposition, en imposant la condition d’obtenir notre confiance », déplore l’ex-parlementaire.
Ce même obstacle lié à la confiance avait mené le Hezbollah, allié de longue date du CPL et un des plus grands soutiens à M. Mikati, à freiner sa médiation en vue de faciliter la formation du gouvernement. « C’est fini. Le cabinet sortant expédie les affaires courantes envers et contre tout », dit un proche du Premier ministre désigné, dans une pique au chef du CPL, dont les ministres pourraient boycotter toute réunion du Conseil des ministres en période de vacance présidentielle. Mais il s’agit là d’une carte que M. Mikati, passé maître dans l’art de l’arrondissement des angles, entendrait éviter, « pour ne pas provoquer qui que se soit », pour reprendre ses propos tenus hier dans une interview à une chaîne du Golfe. Il faisait ainsi allusion au camp aouniste, représentant le plus large des chrétiens au sein du gouvernement sortant, et qui dit se battre pour empêcher la mainmise du Conseil des ministres présidé par un sunnite sur les prérogatives du chef de l’État maronite.
La séance et le dialogue de Berry
Dans ce contexte d’impasse, le Parlement devrait se réunir demain à 11 heures place de l’Étoile, pour donner lecture du message que lui avait adressé Michel Aoun juste avant son départ de Baabda. L’ancien président y demande de retirer à Nagib Mikati son statut de Premier ministre. Une démarche de pure forme, dans la mesure où la page de la formation d’un nouveau gouvernement a été définitivement tournée avec la fin du sexennat.
La réunion se tiendra quand même à l’heure où la Chambre est considérée comme un collège électoral depuis le 21 octobre (dix jours avant l’expiration du mandat). « La Chambre peut tout faire. C’est ma propre jurisprudence », avait tonné Nabih Berry dans une déclaration à L’OLJ dimanche dernier. Le chef du législatif est donc conscient que sa démarche enfreint l’article 75 de la Constitution. Ce texte rappelle que le Parlement, devenu collège électoral, ne peut plus légiférer ou effectuer toutes autres démarches. Lundi, le leader des Kataëb Samy Gemayel a posté sur Twitter cet article de la Constitution, donnant l’impression de se diriger vers un boycottage de la réunion de jeudi. « Aucune décision officielle n’a été prise jusque-là », affirme toutefois une source haut placée au sein du parti. Hier, les députés Kataëb se sont réunis à Saïfi avec un parterre de parlementaires indépendants et d’autres représentant le mouvement de contestation. À l’issue de la rencontre, ils ont exhorté le Parlement à se réunir pour élire un président, « une priorité absolue », peut-on lire dans le texte. Cette position, ces parlementaires comptent l’exprimer demain à l’hémicycle. Idem pour les Forces libanaises. « Nous participerons à la séance pour souligner le caractère inutile du message de Michel Aoun et insister pour que l’élection présidentielle se tienne le plus rapidement possible », souligne Ziad Hawat, député FL de Jbeil, à notre journal.
Mais Nabih Berry persiste et signe : pas d’élection sans entente préalable autour du futur chef de l’État. Et c’est pour paver la voie à un tel accord qu’il compte convoquer les chefs de file politiques à un dialogue national. « Il est clair qu’avec les équilibres politiques de la nouvelle Chambre, aucun camp ne peut imposer son candidat. Il faut donc dialoguer et s’entendre au sujet du prochain président », souligne à L’OLJ Mohammad Khawaja, député berryste de Beyrouth. Pourquoi le chef du législatif n’a-t-il toujours pas fixé de date ? « M. Berry prépare le climat propice à la tenue de ce dialogue, surtout que certains protagonistes s’y sont opposés », dit M. Khawaja. Une allusion à peine voilée aux FL dont le leader, Samir Geagea, a appelé récemment à ce que la question de la présidentielle soit débattue lors d’une séance parlementaire consacrée à l’élection d’un nouveau président.
Boukhari : Riyad reconsidérera sa relation avec Beyrouth si un président souverainiste est élu
L’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, a affirmé hier que son pays reconsidérera sa relation avec le Liban si un président souverainiste et modéré est élu. « L’Arabie saoudite n’abandonnera pas le peuple libanais et nous espérons que les prochaines échéances aboutiront à des initiatives équilibrées, caractérisées par la modération et avec une approche de sauvetage au Liban », a déclaré le diplomate saoudien lors d’une tournée dans la vallée de la Békaa. « À ce moment là, il y aura une révision » de la politique de l’Arabie au Liban, a-t-il fait savoir. Il a aussi espéré que ces échéances « donneront des garanties à la communauté internationales et au royaume » saoudien.
L’ambassadeur a été encore plus clair, dans des déclarations à l’issue d’une réunion avec des dignitaires locaux et religieux : « Les relations libano-saoudiennes s’amélioreront après la formation d’un nouveau gouvernement et l’élection d’un président souverainiste et modéré qui puisse regagner la confiance de l’Arabie et des pays concernés par le dossier libanais », a-t-il dit, selon des propos rapportés par notre correspondante dans la Békaa Sarah Abdallah.
commentaires (8)
Ya aamé envoyez donc une délégation, soutenue par le fin négociateur okel-tiin, chez nos ennemis-tout-récement-partenaires-pétroliers pour prendre des leçons d'élections et de démocratie ou au moins que le hézb envoie des drones intellos pour dénicher le secret de leur démocratie ...
Wlek Sanferlou
20 h 27, le 02 novembre 2022