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Culture - Beyrouth Livres

Des signatures et des rencontres d’auteurs en mode déambulations à Gemmayzé et Mar Mikhaël

C’est à une sorte de jeu de piste que ce sont livrés samedi les amoureux de la lecture et les curieux de culture, d’art et de patrimoine partis en itinérance à travers d’emblématiques lieux des vieux quartiers de la ville.

Des signatures et des rencontres d’auteurs en mode déambulations à Gemmayzé et Mar Mikhaël

Chez Rebirth, l’affluence aux signatures de Dima Abdallah et Georgia Makhlouf est notable. Michel Sayegh

Découvrir un livre, un auteur et, tout à la fois, un lieu patrimonial, une demeure ancienne, une galerie, un artiste… Redécouvrir tout un quartier (en l’occurrence Gemmayzé et/ou Mar Mikhaël) sous un jour nouveau. Celui d’une joyeuse déambulation culturelle, une heureuse flânerie de lecteur (trice) à travers ses rues, ses ruelles, ses impasses au fil des séances de signatures et des rencontres avec des écrivains…

Une véritable bouffée d’oxygène dans une ville autant asphyxiée par toutes sortes d’émanations potentiellement dangereuses que par la toxicité des idées régressives qui tentent de s’y diffuser ! Voilà ce qu’offrait samedi l’«Itinéraire littéraire » initié par l’Agenda culturel en collaboration avec l’Institut français du Liban.

Un événement proposé dans le cadre de Beyrouth Livres qui remplace, après 4 ans d’interruption, le traditionnel Salon du livre francophone de Beyrouth dans un format nouveau, incontestablement plus convivial, plus ouvert sur les différentes régions du pays et plus adapté à la situation de crise du pays. Un format qui fait la part belle aux retrouvailles et aux échanges directs entre lecteurs et auteurs. Ces derniers allant cette fois eux-mêmes à la rencontre de leur public à travers notamment des signatures disséminées dans différents lieux et villes.

Georgia Makhlouf. Photo Michel Sayegh

La balade des lecteurs heureux

Samedi dernier, c’étaient les lecteurs beyrouthins qui avaient rendez-vous avec leurs auteurs favoris. Et c’est en petits groupes de gens heureux qu’on les voyait se balader dans la rue Gouraud, l’artère principale de Gemmayzé, au gré de leurs envies de rencontres et de découvertes d’un écrivain ou d’une histoire dispensée par un lieu… En suivant, comme dans un jeu de piste, l’affiche de Beyrouth Livres placardée en signalétique à l’entrée des divers espaces de signature, ou même en se laissant dériver vers des ruelles inexplorées au fil de bâtisses patrimoniales aux plaies fraîchement pansées…

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Un parcours qui commence par la libraire Samir, une institution dédiée au livre de jeunesse, qui a mis à disposition de ses jeunes lecteurs ses murs nouvellement reconstruits et repeints à Gemmayzé pour qu’ils y fassent des dessins. L’idée a enchanté les enfants comme Mila, 7 ans, qui s’en est donné à cœur joie et qui, croisée avec ses parents, a brandi fièrement ses mains tachées de peinture comme preuve de sa grande réalisation artistique.

Un peu plus loin, chez Art Scene – la dernière-née des galeries beyrouthines qui vient d’ouvrir ses portes au rez-de-chaussée de l’immeuble Pigier –, c’est certainement le plus jeune lecteur que l’on découvre dans la foule qui se presse pour la dédicace de Zeina Abi Rached. Kenzo, un an, sagement lové dans les bras de Nour sa maman, semble lui aussi patienter pour recueillir quelques mots de la bédéiste sur Le grand livre des petits bruits, ouvrage illustré que sa mère lui a choisi. Celle-ci est venue avec sa propre mère Hala avec qui elle partage, dit-elle, son goût des livres mais aussi et surtout « le bonheur de se promener dans la ville et d’y découvrir simultanément différentes formes d’art et de culture ».

Du bonheur. Voilà le mot qui revient autant chez le public que chez les auteurs. Un mot que l’on n’avait plus entendu depuis belle lurette prononcé par les Libanais.

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Un mot que Michèle Stanjovski répète dans un large sourire, tout en alignant sans se ménager les dédicaces dessinées, à Dar Beyrouth, l’ancienne Ahwet el-Ezez, où elle signe en même temps que Carmen Boustany et Yolande Gueutcherian. Pour l’auteure, bédéiste et illustratrice, « participer à cet événement qui apporte un souffle de vie culturelle à Beyrouth et ses habitants dévastés est une vraie source de joie ».

Même son de cloche du côté d’ArtHaus où plusieurs auteures de différents registres reçoivent chacune ses fans. Salma Kojok, Caroline Torbey, Mona Moukarzel et May Khalil (la seule qui présente ses romans en langue arabe) prennent le temps de discuter et d’échanger avec leurs visiteurs. « Outre le plaisir de se retrouver dans un si beau cadre, il y a une atmosphère de convivialité qui me ravit et qu’on n’aurait pas pu avoir dans un Salon classique », souligne Moukarzel.

Hyam Yared. Michel Sayegh

Dans la belle maison Dagher, l’une des plus anciennes demeures de Gemmayzé, c’est tout autant la curiosité pour l’architecture des lieux que pour les ouvrages des auteurs signataires qui font affluer les visiteurs. Marianne Barakat, Roger Bejjani, Ibrahim Gemayel, Mohammad Taan, Karim Tabet reçoivent certes leurs amis et leurs fidèles lecteurs, mais les personnes qui déambulent de pièce en pièce, têtes en l’air et regards fixés sur les murs et plafonds peints, ne sont pas rares. Sur le balcon, une vieille dame en foulard appuyée sur une canne ressasse ses souvenirs du quartier d’avant-guerre. « J’ai profité de cet événement pour revenir sur les traces de mon passé, dans ce quartier où je n’ai plus mis les pieds depuis l’enlèvement de mon frère », confie-t-elle à L’OLJ la voix chargée d’émotion.

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« J’ai des amis qui ont déjà mes livres, qui sont juste venus me saluer, et qui ont profité de l’occasion pour redécouvrir la ville différemment, se replonger dans une ambiance culturelle. On sent le besoin des gens de faire des choses différentes. Et je trouve que cette idée de continuer à infuser cette envie de livres et de culture que porte cet événement est à saluer », affirme pour sa part Karim Tabet. Claude, l’une de ses lectrices assidues, confirme ses dires. « Je trouve que cette formule est plus intéressante que le Salon traditionnel même si c’était pratique d’avoir toutes les librairies et leurs offres réunies dans un même espace. Là, par exemple, j’ai pris un roman de Karim Tabet que je n’avais pas lu, mais auparavant j’étais passée chez Rebirth juste pour voir la belle exposition de Frédéric Husseini. »

Le plus jeune lecteur de Zeina Abi Rached dans les bras de sa maman. Photo Michel Sayegh

Bouffée d’oxygène et souffle d’espoir

Chez Rebirth, justement, l’affluence aux signatures de Dima Abdallah et Georgia Makhlouf est notable. « Je n’imaginais pas qu’il y aurait autant de monde, avoue cette dernière en dédicaçant son ultime volume disponible. Je n’avais pas ramené énormément d’exemplaires de mes livres, pensant qu’avec les conditions que traverse le pays, il n’y aurait pas autant de gens qui viendraient. On a baissé les prix bien sûr, mais je suis ravie et extrêmement touchée de voir une autre frange sociale que les fêtards, qui ont envie de redécouvrir leur ville. Et en particulier ces quartiers où depuis l’explosion beaucoup de personnes n’avaient plus envie de s’y rendre. »

Chez Art District, séance dédicace de la romancière Hyam Yared. Photo Michel Sayegh

Certes, parmi les chalands qui se déplacent de lieu en lieu nombreux sont ceux qui viennent redécouvrir ce quartier au charme particulier qui a su préserver et reconstituer (après la tragédie du port de Beyrouth) une architecture typiquement beyrouthine. C’est le cas par exemple de Dia Mrad, le photographe amoureux du Beyrouth d’antan qui, avoue-t-il, n’a jamais mis les pieds dans un Salon du livre classique, alors que là, au cours de sa balade, il vient d’acheter une bédé de Zeina Abirached.

Pour Hyam Yared, qui signe avec Geneviève Damas, chez District Art : « Cette itinérance est essentielle. On change de l’aspect figé du Salon d’avant. Et puis, au niveau des événements, il faut saluer cet effort du bilinguisme proposé par cette manifestation. On sort enfin des clivages linguistiques. Sans oublier qu’elle a lieu dans un endroit qui, il y a deux ans, était à terre. C’est symboliquement très fort. »

Michèle Standjovski, dédicace en dessin. Photo Michel Sayegh

Ravie elle aussi de cette initiative, la jeune poète Sana Richa Choucair qui signe (ainsi que Michel Abou Khalil) sur la terrasse du café Ginette, estime que « par les temps qui courent et avec leur pouvoir d’achat réduit, le fait que tant de gens aient fait le déplacement, qu’ils soient venus à notre rencontre, qu’ils aient envie d’échanger autour d’un livre, d’une exposition, d’une architecture suffit à redonner de l’espoir dans la persistance de la culture au Liban ».

Idem pour Gisèle Khayata Eid « très contente de cet événement parce que vraiment on avait besoin d’une bouffée d’oxygène, même si le Salon dans sa forme classique est irremplaçable parce qu’il offre une concentration sur une dizaine de jours de rencontres avec des écrivains ».

À la maison Dagher, des visiteurs férus de livres et curieux de decouvrir cette ancienne demeure beyrouthine. Photo Michel Sayegh

« Il y a dans ce Beyrouth Livres une ambiance festive très agréable », dira pour sa part, satisfait d’avoir tout écoulé, Ralph Doumit, auteur et illustrateur de livres jeunesse qui partageait avec Raphaël Ruffier (auteur de L’ennemi intérieur, biographie de l’ancien auditeur de la banque suisse UBS devenu lanceur d’alerte ), le cadre Art déco de la galerie Art on 56th… Qui fête, elle, ses dix ans d’existence avec un bel accrochage de peintures de Wissam Beydoun célébrant Beyrouth encore et toujours.

Ce lundi à Beyrouth Livres

Lundi 24 octobre

- Un quart d’heure de lecture nationale dans tout le Liban à 11h15.

- Ouverture de l’exposition « Badass » – galerie des expositions de l’Institut français du Liban, Beyrouth, à 15h.

- Grand atelier Serge Bloch – salle Montaigne de l’Institut français du Liban, Beyrouth, de 15h30 à 17h.

- Rencontre et lecture avec Wajdi Mouawad et ses invités – salle Montaigne de l’Institut français du Liban, Beyrouth, à 19h30.

Découvrir un livre, un auteur et, tout à la fois, un lieu patrimonial, une demeure ancienne, une galerie, un artiste… Redécouvrir tout un quartier (en l’occurrence Gemmayzé et/ou Mar Mikhaël) sous un jour nouveau. Celui d’une joyeuse déambulation culturelle, une heureuse flânerie de lecteur (trice) à travers ses rues, ses ruelles, ses impasses au fil des séances de signatures et...

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