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Nos Lecteurs ont la Parole

Les propos du ministre de la Culture une honte et un déni pour la culture et la liberté de pensée

Depuis une vingtaine d’années, j’accompagnais un ami libanais de confession chiite chez sayyed Mohammad Hussein Fadlallah. Mon ami lui a posé une question sur une possibilité de collaboration avec des juifs, la réponse du maître résumait tout : « Depuis quand l’islam est l’ennemi des juifs. »

Le ministre vérifiant les notes sur des éminents écrivains et penseurs a trouvé que certains étaient juifs, le reste est servi comme plat de résistance.

Monsieur Mohammad Mortada, spécialiste en islamologie et juge respectable, s’est prononcé de manière cavalière et a considéré, avec précipitation, des auteurs participant au Festival du livre comme favorables au sionisme. L’argent et le gaz l’étant moins ? !

Éric-Emmanuel dans son livre Paradis perdus, publié chez Antoine, « Prix Spécial Liban » a vu se réveiller son héros Noam, dans la grotte de Jeïta. Noam commence à visiter les cités, Beyrouth, Byblos… et découvrir les petits quartiers, en même temps que l’histoire du Liban. Des Grecs d’Alexandre, la dynastie Ptolémée, les Romains, les Arabes musulmans, les chrétiens d’Europe, les Turcs, les Italiens, les Français, les Anglais, les Palestiniens, les Syriens… Il se rend compte que les fruits aussi sont de confessions différentes, le raisin catholique, l’olive orthodoxe, la pomme maronite, l’orange sunnite, le tabac chiite et la figue druze. Il admire ce pays dont le destin consiste à toujours frôler l’abîme et ne jamais y tomber. Noam s’éloigne sur la pointe des pieds, Beyrouth s’accroche au surnaturel pour se prémunir contre le désespoir.

Un élan d’amour pour le Liban de Éric-Emmanuel Schmitt est ainsi empreint d’esprit sioniste pour notre ministre.

Je suppose que Monsieur le Ministre ne connaît pas Sélim Nassib et n’a pas lu son livre Le Tumulte, et n’a pas aussi jeté un regard sur son livre Fou de Beyrouth.

Sélim Nassib a dû quitter le Liban, sans jamais le quitter dans son cœur et son vécu, pour s’installer en France, suite à la guerre de 1967. Journaliste, écrivain, son attachement pour le Liban s’est renforcé au fil des jours. En tant que juif et libanais, il a brossé des tableaux des relations, amour-amour et amour-haine, qu’entretiennent toutes les confessions libanaises entre elles, sans jamais aboutir à une rupture. La nostalgie qu’il garde pour ce pays se manifeste par sa volonté de se voir enterré dans ce pays, auquel il est resté tant attaché et qu’il a tant aimé. Volontairement ou pas, notre ministre le considère comme « persona non grata ».

La France, l’ambassade de France au Liban, l’Académie Goncourt ont voulu redonner vie et espoir au peuple libanais et au Liban, que les responsables politiques du monde entier ont déserté. « Le Festival international et francophone du livre de Beyrouth » est un événement auquel la France, l’Académie Goncourt et tous les éminents auteurs et penseurs français ont voulu participer, pour donner de l’espoir à ce peuple, à qui il ne reste que peu de chance d’accéder à un bouillonnement de culture, et ce sur tout le territoire et à si peu de frais.

Tahar Ben Jelloun adore le Liban, combien de Libanais ont dévoré ses livres depuis leur tendre jeunesse.

Pascal Bruckner est un philosophe et un penseur, il peut être controversé, c’est la vocation naturelle de la liberté de penser.

Ni Bruckner ni Assouline n’ont de projets sionistes dans la pensée et dans la pratique au Liban.

Le peuple libanais endeuillé et meurtri avait besoin de se réchauffer le cœur. Une lueur d’espoir et d’ouverture au monde lui manquait tant, faute de moyens.

La générosité de la France, de l’Académie Goncourt et de l’ensemble des écrivains participant à cet événement exceptionnel le faisaient pour l’amour du Liban et de sa vocation du vivre en commun.

S’attaquer à une élite de penseurs ensemble en leur attribuant une vocation arbitraire, qui ne leur appartient pas, ne sera certainement pas à l’honneur du Liban. La presse française bienveillante et amicale à l’endroit des Libanais jugera méchamment l’attitude du ministère de la Culture.

Monsieur le Ministre, l’ambassade de France au Liban et l’Académie Goncourt ont déployé des efforts colossaux pour faire participer toutes les villes libanaises à ces rencontres de savoir, d’échange et de découvertes.

Au nom du plus grand nombre de Libanais, nous disons à la France et à l’Académie Goncourt et à tous les éminents participants au Festival du livre de Beyrouth « merci, choukran, thank you », et à Sélim Nassib, Tahar ben Jalloun, Éric-Emmanuel Schmitt, Pierre Assouline et Pascal Bruckner « excusez-nous, sorry, Monsieur le Ministre s’est trompé de noms » !

Élie JABRE

Conseiller en communication

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Depuis une vingtaine d’années, j’accompagnais un ami libanais de confession chiite chez sayyed Mohammad Hussein Fadlallah. Mon ami lui a posé une question sur une possibilité de collaboration avec des juifs, la réponse du maître résumait tout : « Depuis quand l’islam est l’ennemi des juifs. » Le ministre vérifiant les notes sur des éminents écrivains...

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