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Culture - Festival de musique

Puisqu’au Liban rien n’a changé, « Les Cordes de l’espoir » reviennent !

Dans un pays qui vient de « fêter » en demi-teinte ses trois ans de révolte, les Musicales de Baabdate reviennent cet automne pour leur sixième édition, du 19 octobre au 12 novembre, avec neuf concerts, toujours sous le thème des « Cordes de l’espoir ».

Puisqu’au Liban rien n’a changé, « Les Cordes de l’espoir » reviennent !

Les musiciens des Musicales 2022. Photo DR

Les Musicales de Baabdate, c’est l’histoire d’un piano à queue dans la maison familiale de Sleiman Corbani, fondateur et directeur artistique du festival, « dont il fallait faire quelque chose », lui dira sa professeure de musique. C’est donc dans cette maison familiale, à Baabdate, village perché dans les montagnes à une vingtaine de kilomètres au nord de Beyrouth, qu’aura lieu quelques mois plus tard un concert, en petit comité, avec Liana Harutyunyan au piano et Ihab Jamal au violon (qui d’ailleurs seront au programme de cette année).

L’idée germera du « sentiment magique de voir et d’avoir ses amis, ces personnes de l’école de musique si épris de cette initiative, qui n’avait rien de planifié ». Ce sera de ces émotions, qui ne disparaîtront ni du cœur ni de l’esprit du fondateur, que naîtront Les Musicales de Baabdate. Ces valeurs musicales, ces escapades joyeuses, malgré les événements, sont restées les mêmes depuis 2016, et seront de nouveau présentes pour cette sixième édition, afin d’assouvir notre « besoin de rêver, de partager », confie Sleiman Corbani à L’Orient-Le Jour au nom de l’association, mais aussi, et malheureusement, afin de couper et de s’évader...

Comme (si) rien n’a(vait) changé

En 2020, en réaction à l’explosion du 4 août de la même année et à la période charnière qui suivra et qui dure encore, Les Musicales de Baabdate gardent le cap et décident de continuer à faire résonner leur musique porteuse d’espoir qui, cette année-là, comptait un bon nombre d’instruments à cordes. L’effondrement du pays du Cèdre fera s’adapter l’équipe du festival, d’où l’apparition d’un sous-titre, d’un slogan : « Cordes de l’espoir », qui malheureusement, aussi poétique soit-il, perdure année après année… Car au Liban, rien n’a changé.

Malgré tout, aujourd’hui, mercredi 19 octobre 2022, le festival des Musicales de Baabdate réaffirme l’importance d’assurer la pérennité de la vie culturelle et musicale du pays, et lance sa sixième édition… Comme si au Liban rien n’avait changé.

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Comme si… car si, au Liban, tout a changé. Alors le festival s’est adapté, a revu sa mission en 2020 (car durant la thaoura en 2019 les dix concerts avaient été annulés), « à un moment où la musique ne comptait pas ou peu, où il y avait d’autres priorités, d’autres urgences dans le pays », confient les organisateurs de l’événement à L’Orient-Le Jour.

Le festival, en plus de sa dimension « divertissante », qui aujourd’hui se transforme peu à peu en une dimension apaisante, permettant une escapade, une coupure ponctuelle avec certaines réalités pour repartir avec un peu d’optimisme, a aujourd’hui inclut dans sa programmation, depuis la date fatidique du 4 août, une dimension pédagogique.

Ainsi, un partenariat avec le Goethe Institute créé il y a deux ans permet à dix élèves du Conservatoire national du Liban (qui a été très affecté par la situation), d’intégrer un programme de mentorat avec des artistes du Deutsches Symphonie-Orchester (Orchestre symphonique allemand) de Berlin. Les professeurs leur donnent des cours en ligne pendant trois mois, puis se rendent ensuite au Liban pour animer un atelier de travail durant une semaine à l’issue duquel les élèves présentent un concert dans le cadre du festival (cette année le samedi 12 novembre, en clôture). Cette initiative, comme l’affirme Corbani, donne de l’espoir « aux jeunes qui sont étreints par des problèmes financiers et à ceux qui veulent quitter le pays, qui ne croient plus en un avenir au Liban ».

Les lieux du festival. À gauche, l’église Saint-Joseph des pères jésuites à Beyrouth où aura lieu le concert du 21 octobre. À droite, les musiciens autrichiens lors de leur concert l’année dernière dans la nouvelle église de Baabdate, où aura lieu le reste de la programmation. Photo DR

Une révolution culturelle est en marche

La thaoura a été une mobilisation aux retombées politiques minimes, qui s’est rapidement transformée en un immense rassemblement culturel, un immense festival, en une révolution de fête, à l’image de ce qu’est encore le pays aujourd’hui : un échec politique, un succès culturel. Alors que tout le reste s’effondre, pour le fondateur des Musicales de Baabdate « le Liban est en train de vivre une révolution culturelle, pour l’instant ».

« Rien ne se passe au Liban, il n’y a aucune réaction (à la situation), c’est un statu quo. Sauf dans le domaine culturel où en ce moment il y a une effusion d’événements, une vraie éruption de production qui émane des passionnés, des gens qui veulent s’exprimer par le moyen de choses qu’ils savent faire. (…) Un artiste par définition est quelqu’un qui doit s’exprimer… sinon il meurt ! Moi (fondateur et directeur artistique du festival), je ne m’imagine pas faire de la politique ni du social, et une des raisons pour laquelle je continue de faire et d’offrir de la musique, c’est qu’en donnant le meilleur de nous-mêmes (l’équipe du festival) nous ne pouvons que toucher les gens… et culturellement c’est beaucoup. (…) Redonner vie à la scène culturelle au Liban est un signal, un moyen de redonner espoir quand la politique et le social vont mal. C’est une façon de dire qu’un jour tout ira bien… » car si la culture renaît, les autres aspects de la société suivront.

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Le comité organisateur exprime sa vision et son ambition concernant la culture « qu’elle soit prémonitoire, le guide et l’exemple d’un relèvement et d’une résurrection. La culture, c’est les gens, et quand ça marche, c’est qu’on leur donne du tonus à ces gens-là. On veut donner aux gens un peu d’optimisme, de courage et devenir un exemple, en leur disant qu’il y en a qui tiennent : “Nous tenons, tenez avec nous !” ».

Alors si vous aussi vous êtes convaincus que la culture est une arme, un moyen puissant de rester en vie, alors joignez-vous aux Musicales de Baabdate, venez vous accrocher aux cordes de l’espoir !

Une programmation riche et variée

Les organisateurs, malgré la conjoncture actuelle, ont maintenu leur volonté d’offrir aux mélomanes des concerts gratuits de musique classique et jazz de grande qualité.

Le concert inaugural aura lieu ce soir, mercredi 19 octobre. À l’affiche, l’ensemble Beirut Sinfonietta (professeurs et étudiants du Conservatoire national libanais, dont certains sont membres de l’Orchestre symphonique du Liban), avec Étienne Kupélian en récitant, qui ouvrira le festival sur un registre classique avec une interprétation de Pierre et le Loup, du compositeur russe Sergueï Prokofiev.

Les événements du week-end qui suit comptent deux récitals de piano donnés par le pianiste autrichien Aaron Christian Pilsan. Vendredi 21 octobre, le jeune talent jouera l’intégralité du premier livre du Clavier bien tempéré du compositeur baroque allemand Jean-Sébastien Bach.

Dimanche 23 octobre, place au romantisme. Le pianiste autrichien interprétera un programme mixte avec des œuvres de Jean-Sébastien Bach-Johannes Brahms, notamment la Chaconne pour la main gauche, ainsi que des compositeurs franco-roumain Georges Enesco, du hongrois Franz Liszt et de l’allemand Robert Schumann.

Les événements de la semaine qui suit mettront en avant les artistes de la diaspora avec l’Orchestre de chambre de Amman. Ainsi, la soirée du mardi 25 octobre, deux Libanais dont la violoncelliste Jana Semaan et le violoniste Ihab Jamal, désormais basés en Jordanie, interpréteront aux côtés du pianiste et chef d’orchestre jordanien Karim Saïd des œuvres de l’illustre compositeur Ludwig van Beethoven et de Felix Mendelssohn, deux grands artistes romantiques allemands.

Jeudi 27 octobre, d’autres membres de l’Orchestre de chambre de Amman dont l’altiste et peintre libanais Ribal Molaeb basé en Suisse (ses toiles seront exposées dans la salle de concert à Baabdate pendant le festival) se produira avec la violoniste slovène Tanja Sonc et Karim Saïd pour jouer des œuvres de musique romantique du pianiste franco-polonais Chopin, des compositeurs allemands Johannes Brahms et Max Bruch, et de Dmitri Chostakovitch, « l’enfant terrible » de la musique soviétique.

Pour la première fois depuis leur création, Les Musicales de Baabdate programment de la musique jazz. Ainsi, jeudi 3 novembre, ce sera un trio emmené par les deux Arméniens d’origine, Khachatur Savzyan à la contrebasse et Arthur Satyan au piano, avec le Libanais Fouad Afra à la batterie, qui présenteront un concert de jazz contemporain avec des arrangements et des compositions de Satyan lui-même, qui viendront teinter la performance des mélodies latines.

Dimanche 6 novembre, place aux jeunes ! La jeune Arménienne Ani Melikyan, à peine âgée de treize ans, fera vibrer les cordes de son violon aux côtés du jeune violoniste prodige libanais Kevin Kanaan d’un an à peine son aîné. Ces deux élèves du professeur au Conservatoire national libanais Arthur Ter-Hovhanisian seront accompagnés par la pianiste arménienne Liana Harutyunyan, et joueront des œuvres de l’Italien, « meilleur violoniste de tous les temps », Niccolò Paganini, de l’Espagnol Pablo De Sarasate, et des Arméniens Komitas et Édouard Mirzoyan.

Le festival se terminera sur le programme de mentorat en musique de chambre mis en place par le Conservatoire national libanais et le Goethe Institute au Liban. Précédant le concert de clôture, les mentors du Deutsches Symphonie-Orchester Berlin donneront ainsi un concert de musique de chambre le mardi 8 novembre, où les musiciens allemands Adele Bitter au violoncelle, Holger Groschopp au piano et Elena Rindler au violon interpréteront des œuvres-clefs des romantiques allemands Felix Mendelssohn et Franz Schubert, et du moderne Français Francis Poulenc.

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Les résultats du programme de mentorat seront présentés lors du concert de clôture le samedi 12 novembre, avec un répertoire exigeant et varié, où des morceaux de Ludwig van Beethoven, Dmitri Chostakovitch, du Norvégien Edvard Grieg, ainsi que l’illustre quintette pour piano et cordes op. 81 du Tchèque Antonín Dvořák seront joués par les membres du mentorat Rita Asdikian, Marwa Eid, Ramzi Kandlaft et Jad Mrad au violon, Wi’am Haddad et Emmanuel Sebaali au piano, Sara Mallah à la viola et Moustapha Sahili au Cello.

Pour conclure, le comité directeur des Musicales de Baabdate tient à remercier ses partenaires « pour leur soutien sans faille d’année en année », à commencer par « l’ambassade d’Autriche et le Goethe Institute, le Conservatoire national libanais de musique, la municipalité de Baabdate, la paroisse maronite de la ville ainsi que tous les sponsors, les mécènes et l’équipe de bénévoles sans qui l’événement n’aurait pu être possible ».

Les Musicales de Baabdate : à l’exception du récital de piano prévu le 21 octobre à l’église Saint-Joseph de la rue Monnot à Beyrouth, les concerts se tiendront à Baabdate dans les locaux de la nouvelle église maronite. Tous les concerts débuteront à 20h. Entrée libre.

Un transport gratuit en bus sera assuré par la compagnie Nakhal au départ de Beyrouth, avenue Sami el-Solh. Réservation : +961 1382444 ou +961 3153520.

Ce mercredi, à Beyrouth Livres

Au programme aujourd’hui du festival littéraire Beyrouth Livres, qui se déroule du 19 au 30 octobre à l’initiative de l’ambassade de France et de l’Institut français :

– Vernissage de l’exposition Mon histoire – Hôtel Palmyra, Baalbeck, à 17h, en présence de Noémie Honein et Kamal Hakim.

– Table ronde « Reconnaissance des femmes dans la culture et dans la société libanaise : quelle place pour les autrices ? » – Hôtel Palmyra, Baalbeck, à 18h, avec Noémie Honein, Caroline Torbey et Hyam Yared.

Les Musicales de Baabdate, c’est l’histoire d’un piano à queue dans la maison familiale de Sleiman Corbani, fondateur et directeur artistique du festival, « dont il fallait faire quelque chose », lui dira sa professeure de musique. C’est donc dans cette maison familiale, à Baabdate, village perché dans les montagnes à une vingtaine de kilomètres au nord de...

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