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Lifestyle - Événement

Le capital humain et le rez-de-ville mis en lumière aux usines Abroyan

Conférences, projections et photographies racontent dans ce lieu magique une ville frappée par la double explosion du 4 août, le Covid-19 et la crise économique. Une ville où les urbanistes ambitionnent de réinventer l’espace public, où les artistes contribuent au dynamisme de la vie culturelle et où les ados attendent de réaliser leurs rêves...

Le capital humain et le rez-de-ville mis en lumière aux usines Abroyan

Engagée dans une réflexion architecturale et urbaine sur « la ville vue du sol », Hala Younès signe, en collaboration avec l’architecte-urbaniste français David Mangin, Grand Prix de l’urbanisme 2008, l’installation « Rez-de-ville ». Photo Hassan Assal

À Bourj Hammoud, les usines Abroyan (Union Marks) accueillent jusqu’au 9 octobre l’exposition Beyrouth, une ville à l’œuvre. L’événement réunit des projets d’urbanistes, de photographes, de vidéastes et de plasticiens français de renom comme David Mangin, François Delarozière, Valérie Mréjen ou Frédéric Stucin, commandités par l’Institut français du Liban au cours des quatre dernières années et qui n’ont pu être présentés au public en raison des multiples crises que traverse le pays. Le choix de cette usine n’est pas anodin. « Une nouvelle page s’ouvre pour Beyrouth et peut-être une nouvelle vocation », selon Bénédicte Vigner, attachée culturelle à l’ambassade de France depuis 2018. Beyrouth, autrefois plaque tournante du commerce et des services financiers, pourra laisser place à « une ville des industries culturelles et créatives », souligne-t-telle.

La commissaire de l’événement, l’architecte et géographe Hala Younès, précise à L’Orient-Le Jour que « l’initiative de l’Institut français est de promouvoir un nouveau souffle et une orientation nouvelle pour Beyrouth. Grâce à son capital humain, la ville dispose d’un énorme potentiel. Nous avons perdu notre épargne dans les banques, mais la jeunesse, les artistes, les intellectuels restent la vraie richesse du pays. Personne ne peut nous l’arracher ».

L’installation propose des échappées visuelles pour comparer les formes urbaines des rez-de-ville à Paris, Rabat, Santiago, Pékin, Londres, ou Cotonou (Bénin), mais aussi à Beyrouth. Photo Hassan Assal

Vivre la rue autrement

Engagée dans une réflexion architecturale et urbaine sur « la ville vue du sol », Hala Younès signe, en collaboration avec l’architecte-urbaniste français David Mangin, Grand Prix de l’urbanisme 2008, l’installation Rez-de-ville. Ce vaste programme international de recherches coordonné par David Mangin, Hala Younes et Soraya Boudjenane porte sur « des villes qui prennent en compte tout le paysage au niveau du sol, c’est-à-dire les rez-de-chaussée bâtis, les boutiques, les commerces, les espaces ouverts, publics et privés », indique Hala Younès. Au travers de plans, de photographies et de dessins en axonométrie, l’installation propose des échappées visuelles pour comparer les formes urbaines des rez-de-ville à Paris, Rabat, Santiago, Pékin, Londres, ou Cotonou (Bénin), mais aussi à Beyrouth, plus précisément le long de l’autoroute Beyrouth-Jounieh, dont les relevés et les dessins ont été réalisés par les étudiants de la Lebanese American University (LAU). David Mangin plaide pour « une ville vue d’en bas », appelée selon sa formule « rez-de-ville ». Celle-ci prend en compte tout le niveau du sol avec ses rez-de-chaussée bâtis, ses espaces ouverts, publics et privés. Comment alors inventer une ville « marchable », et comment y faire cohabiter circulation, réseaux et commerces en tout genre ? « Cela nécessite de sortir de l’urbanisme périmétrique pour penser un urbanisme d’itinéraires permettant aux gens de se déplacer aisément à pied, explique David Mangin. Les axes d’itinéraires correspondent à des flux et forment les rues animées, où l’on trouve les services, les commerces, etc. »

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L’urbaniste ajoute que « les voies sont hiérarchisées, notamment sur la base d’un repérage de ce qui préexiste, et l’on vient ensuite y caler une programmation réaliste en rez-de-ville ». L’architecte Sandra Frem, cofondatrice avec Boulos el-Douaihy de l’agence Platau, expose de son côté une recherche sur les espaces du collectif à Beyrouth présentée à la Biennale de Séoul en 2019. Son étude s’articule autour de trois axes principaux : l’histoire spatiale du collectif à Beyrouth depuis l’an 2000 ; la sélection de clusters créatifs comme espaces producteurs du collectif dans la ville ; et l’intérêt d’une réflexion prospective pour une réappropriation créative de l’espace urbain de Beyrouth.

François Delarozière, directeur artistique de la célèbre compagnie de spectacle de rue La Machine, devant une de ses machines géantes. Éric Cabanis/AFP

Delarozière fait rêver la rue

Quant aux dessins qui ont donné vie aux machines géantes de François Delarozière, ils ont crevé les écrans. Directeur artistique de la célèbre compagnie de spectacle de rue, La Machine Nantes-Tournefeuille, créée en 1999, François Delarozière est le concepteur d’un vaste bestiaire d’automates, carcasses d’acier, de bois ou de cuir mobiles, monumentaux et mondialement connus, comme la colossale araignée ou le grand éléphant, mais aussi le minotaure qui déploie son bois de tilleul de 47 tonnes et 12 mètres de haut, manipulé par seize machinistes. « Construire un objet en mouvement, c’est créer une architecture vivante, destinée à dynamiser la ville et la rendre plus attractive », souligne Delarozière, ajoutant que « cet art dans la rue nous permet d’envisager un imaginaire collectif, fédérateur de rêve ». La plupart de ses aventures artistiques ont donné naissance à des ouvrages comme La Machine spectacle publié aux éditions Actes Sud. Il a également édité ses croquis sous forme de carnets.

Quid des ados et des artistes ?

Nos jeunes se projettent-ils dans des parcours scolaires et professionnels internationaux ? Ont-ils l’intention de partir dans les prochaines années ? Quelles sont les destinations qui les font le plus rêver ? Dans un film documentaire de 45 minutes, Vous les adolescents, réalisé par Valérie Mréjen, projeté toutes les heures, en arabe et sous-titré en français avec le soutien de l’Institut français du Liban en 2021, les enfants de onze collèges de différentes régions (Beyrouth, le camp de Sabra, le Chouf, Saïda, Kobayate et Hermel) évoquent leur avenir, leurs envies et leurs craintes, le lien à la famille, la politique, les souvenirs. « Leur jeune âge et la crise que le pays traverse leur confèrent une conscience de la situation et une maturité derrière laquelle affleure aussi la spontanéité de l’enfance. La joie d’évoquer les loisirs et d’heureux souvenirs côtoie une certaine gravité, une forme de désillusion, le tout étant inextricablement lié », signale Valérie Mréjen, auteure, plasticienne et vidéaste. Selon les critiques, « elle puise son inspiration dans l’observation subtile du quotidien : l’enfance et ses souvenirs, les détails cruels ou burlesques de l’existence, les malentendus, les dialogues impossibles... ».

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Frédéric Stucin, des photos, en mode cinéma, d’une jeunesse en clair-obscur

Les artistes et galeristes n’ont pas été oubliés. Une série de 12 entretiens vidéo ont été réalisés par Pascal Odille, expert en art contemporain et ex-directeur artistique de la foire Beirut Art Fair, et le réalisateur Wissam Charaf, basé entre Beyrouth et Paris, qui collabore en tant que monteur et cameraman de reportage indépendant avec la chaîne franco-allemande Arte. Dans des récits émouvants et parfois poignants de moments vécus après les explosions du 4 août 2020, artistes et galeristes évoquent les événements marquants – souvent traumatiques – de leur histoire personnelle, expriment leurs interrogations sur l’avenir du pays, affirment leurs espoirs ou leurs désespoirs, mais aussi leur force et leur détermination à aller de l’avant.

« Beyrouth, une ville à l’œuvre », jusqu’au 9 octobre. Accès libre et gratuit, tous les jours de 16h à 22h.

À Bourj Hammoud, les usines Abroyan (Union Marks) accueillent jusqu’au 9 octobre l’exposition Beyrouth, une ville à l’œuvre. L’événement réunit des projets d’urbanistes, de photographes, de vidéastes et de plasticiens français de renom comme David Mangin, François Delarozière, Valérie Mréjen ou Frédéric Stucin, commandités par l’Institut français du Liban au cours des...

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