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Culture - Exposition

Mais où va le monde ? Réponses d’artistes

La plateforme virtuelle no/mad utopia présente à l’espace Arthaus des œuvres qui renvoient au chaos du monde d’aujourd’hui, à l’incertitude et à l’impermanence. Percutant !

Mais où va le monde ? Réponses d’artistes

Lilia Benbelaid, « Chute », 2022 : ces villes qui peuvent être détruites dans un instant de négligence ou par un coup de pouce d’une certaine autorité. Photo donnée par l’artiste

Lire la situation du monde, des migrants fuyant la dérive, des révolutionnaires affrontant les forces de l’ordre, de la frontière tenue entre réalité et virtuel, de l’agitation permanente dans la région du Levant et de ses conséquences néfastes, de nos certitudes fragmentées, de la construction des identités. Se poser la question, où commence la liberté de chacun et où se termine-t-elle ? À quoi ressemblera demain ? Avons-nous encore les moyens, voire la liberté de décider de notre avenir ? Quel est le sens de l’histoire ? Apple, l’intelligence artificielle ou la robotisation vont-ils un jour définir notre futur ? Pourquoi les conditions socio-économiques nous forcent-elles à rester ou à partir ? Voilà sur quoi s’interrogent Johanne Allard, Dalia Baassiri, Lilia Benbelaid, Aline Deschamps, Alaa Itani, Salah Missi et Jacques Vartabedian à l’espace Arthaus, chacun à sa façon, chacun par sa vision des choses. « À l’heure où le monde est de plus en plus incertain, où nous ne sommes plus sûrs de notre ancrage, qu’elle soit géographique, communautaire ou sociale, notre planète est marquée aujourd’hui par l’incertitude et l’impermanence », indique Marie Tomb, historienne de l’art et commissaire de l’exposition In a State of Flux. Et d’ajouter : « L’incertitude renvoie au doute, au désordre, à l’incomplétude et à la complexité, l’incertitude définit tout simplement un état dans lequel l’anticipation est rendue difficile par un horizon des attentes qui n’a pas été satisfait par la réalité vécue. » À signaler que cet accrochage, réalisé par la fondatrice de la plateforme en ligne no/mad utopia Marie Mathilde Jaber, représente des artistes vivant dans la région MENA pour leur offrir « un soutien sur mesure ».

Les drones téléguidés qui violent la liberté des individus dans une toile de Johanne Allard intitulée « Yemen II » (31 x 25 cm). Photo donnée par l’artiste

Où est donc l’humanité des hommes ?

L’idéologie et les idées réformatrices peuvent-elles engendrer le changement ? La protestation suffit-elle à défier les frontières physiques et politiques existantes ? C’est la thématique que pose Jaques Vartabedian d’abord dans son œuvre Push qui présente des manifestants en pleine protestation, repoussés par les forces de l’ordre. Alors que Screenshots questionne la complexité des divers types de communication lorsque, contraint à se confiner, l’homme se tourne vers l’écran pour établir une interaction sociale. Où est donc passée notre humanité et à quoi est-elle réduite ? Et notre part de liberté ? Sommes-nous contraints à fermer les yeux ou à nous réfugier dans le déni pour ne pas confronter la réalité? C’est ainsi que Salah Missi représente les hommes dans la série Amorphic Face, tracés sur papier au fusain, se repliant sur eux-mêmes, fermant les yeux, prisonniers d’une boucle sans fin, exprimant la souffrance et le désespoir face aux situations inextricables et aux chemins sans issue. Nul besoin à l’artiste d’exposer leurs regards, leurs postures et la crispation de leurs membres laissent deviner la tragédie de la situation.

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« Mes papillons de nuit, confie Johanne Allard, sont un symbole de destruction et mes sculptures d’insectes brodés sont une métaphore des attaques systématiques contre la société. » Artiste autodidacte, elle s’intéresse au Moyen-Orient et reprend les traditions vernaculaires de chaque pays, comme la broderie, pour insérer des éléments traditionnels. Dans ses œuvres sur papier, elle dénonce les avions et les drones téléguidés par des forces qu’on ne voit pas, qui violent la liberté des individus et menacent à tout moment de détruire nos villes. Des villes que l’on pense solides, éternelles et qui peuvent néanmoins être anéanties dans un instant de négligence ou par un coup de pouce d’une certaine autorité. Des villes bombardées si bien représentées par les dessins de Lilia Benbelaid qui, contrairement à certaines œuvres d’art où l’on doit prendre du recul pour mieux les contempler, aimantent le regard du visiteur. Comme si s’approcher de plus près vous projetait tout à coup dans son univers urbain pour en découvrir les moindres détails à haute portée symbolique. Dans ses magnifiques sérigraphies, l’artiste, architecte de formation, soulève le problème du déplacement involontaire dans un effet de vertige et de spirale, et remplace le bleu du ciel par un jaune aussi inquiétant que le devenir des hommes.

Les hommes de Salah Missi prisonniers d’une boucle sans fin « Endless Loop » (150 x 150 cm). Photo donnée par l’artiste

Femmes objets de désir ou de consommation

Alaa Itani, sur des tissus différents, transforme les peintures orientalistes en formes abstraites, toutes en courbes sensuelles où les odalisques sont réduites à des seins uniques et à des têtes chauves sans visage ni identité. Des objets érotiques placés dans des situations reconnaissables comme celle du Bain turc d’Ingres. L’artiste étudie les tensions dialectiques historiques de la dichotomie Est-Ouest, en examinant l’impact du néo-orientalisme sur le comportement social et politique du monde arabe et islamique.

Les photographies d’Aline Deschamps se penchent sur la condition des domestiques migrantes qui évoluent dans des environnements hostiles, recherchant de fugaces moments de joie. L’artiste y intègre des lettres de ces femmes, écrites durant leur séjour chez leur employeur. Quant à Dalia Baasiri, elle s’interroge pour sa part sur la relation de chacun avec un pays en conflit permanent. Le monde de la maison, de la poussière, du savon et tout ce qui se trouve entre les deux est devenu son terrain fertile pour la création. Les bulles de savon, par leur aspect éphémère, renvoient à la fragilité de la situation au Liban.

Au final, quelque chose de l’ordre de l’existentiel est à l’œuvre dans l’ensemble de ces œuvres où le visiteur, dans un moment de réflexion, tente de comprendre où va le monde.

Jusqu’au 2 octobre, Arthaus, rue Gouraud, Gemmayzé.

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