À mesure que s'approche la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre, le patriarche Béchara Raï multiplie les appels à lui trouver un successeur : "Toute tentative d'obstruction de l'échéance présidentielle vise à faire tomber la République", a affirmé dimanche le chef de l'Église maronite, alors que les députés n'ont toujours pas été convoqués à une séance pour élire le prochain chef de l'État. Une vacance politique totale au niveau de l'Exécutif est en effet redoutée si un nouveau président n'est pas élu, ce vide venant alors s'ajouter à la vacance gouvernementale, le cabinet de Nagib Mikati étant uniquement chargé d'expédier les affaires courantes depuis les législatives de mai dernier.
Dans son homélie dominicale au siège estival du patriarcat à Dimane (Liban-Nord), le dignitaire maronite a également fustigé l'inaction sur la formation d'un nouveau gouvernement. "Il ne faut ni un gouvernement démissionnaire, ni un gouvernement remanié", a-t-il déclaré, écartant ainsi les deux options respectives de M. Mikati et de M. Aoun. L'optimisme semble toutefois prévaloir dans le monde politique sur une nouvelle équipe ministérielle, y compris de la part de M. Mikati lui-même.
La République en danger
Mgr Raï a affirmé, en outre, que "toute tentative d'obstruction de l'échéance présidentielle vise à faire tomber la République, d'une part, et à minimiser le rôle chrétien d'autre part, particulièrement celui des maronites". La magistrature suprême revient traditionnellement à un chrétien maronite, non pas en vertu de la Constitution mais selon un accord historique conclu entre les différentes communautés dans le cadre du Pacte national. "Nous sommes les pères de cette République et les pionniers de l'entente nationale", a proclamé le patriarche.
Samedi, lors d'une réunion à Dar el-Fatwa, le mufti sunnite de la République, cheikh Abdellatif Deriane, avait réclamé du prochain président qu'il "mette un terme aux fausses discordes et querelles confessionnelles sur les prérogatives" du chef de l’Etat maronite et du Premier ministre sunnite.
Le chef de l'Église maronite a également rappelé que le Parlement n'a toujours pas été convoqué à une séance d'élection du président, et critiqué les tractations politiques en cours pour trouver un consensus autour de candidats. "L'idée de consensus interne sur un président est louable, mais la priorité c'est le mécanisme démocratique et le respect des échéances (...) Le fait d'attendre un consensus est une arme à double tranchant, d'autant qu'aucun signe de ce consensus ne s'est fait voir pour l'instant", a-t-il affirmé.
"Il est anormal d'empêcher à chaque fois l'élection d'un président afin de transférer ses compétences à un gouvernement. L'élection présidentielle n'est-elle plus nécessaire ?" a questionné le cardinal, alors que plusieurs scénarios se jouent en coulisses sur un éventuel remaniement ministériel. M. Aoun aurait ainsi renoncé à sa volonté d’élargir le gouvernement sortant de 24 à 30 ministres en y incorporant six figures politiques, trois chrétiens et trois musulmans, cette option étant refusée catégoriquement par M. Mikati.
"C'est un crime politique et national"
À l'heure où d'aucuns demandent à transférer les compétences du président au gouvernement sortant en cas de vacance présidentielle, d'autres appellent à remanier le cabinet actuel. Des options que le patriarche a toutes balayées: "Il ne faut ni un gouvernement démissionnaire, ni un gouvernement remanié, ni une vacance présidentielle: car c'est un crime politique, national et existentiel", a-t-il fait valoir. Cette critique s'adresse aussi bien aux options de M. Aoun qu'à celles de M. Mikati ; le premier souhaite un nouveau gouvernement, plus politique, tandis que le second répète à l'envi que les compétences présidentielles doivent être transférées au cabinet en cas de vacance.
"Le gouvernement ne peut pas rester en l'état, un gouvernement de division qui se limite à la représentation d'un axe politique prolongeant un axe régional", a également lancé le patriarche maronite dans une énième pique au Hezbollah et à ses alliés. Le parti de Hassan Nasrallah est ouvertement pro-Iran et se voit souvent ciblé par les diatribes de Mgr Raï. Selon le prélat, le Liban a besoin d'un gouvernement qui abandonne les vieux clivages entre 8-mars et 14 mars, respectivement camps politiques pro-syrien et anti-syrien, et qui "représente l'événement populaire surgi lors de la révolte du 17 octobre" 2019.
Mgr Audi pour un président rassembleur
Le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Elias Audi, a de son côté appelé à "élire un président qui rassemble tout le monde autour de lui pour sortir le Liban du cauchemar". Dans son homélie de ce dimanche, Mgr Audi a appelé à l'élection d'un président "qui oeuvreà préserver la souveraineté du Liban, son indépendance et sa stabilité, conformément à la Constitution et en application des lois, même au détriment de leurs intérêts et de leur ego", dans une critique de l'ensemble de la classe politique.
Par ailleurs, le patriarche maronite a évoqué le tragique naufrage d'un bateau de migrants clandestins parti du Liban, au large de la Syrie : "Cette tragédie n'est pas la première. Où sont les mesures de sécurité et de répression de l'Etat pour empêcher les départs de ces bateaux de la mort ?", a-t-il interrogé. "L'Etat est responsable de ce drame par son incapacité à sortir le pays de sa crise économique, financière et sociale", a-t-il dénoncé, alors que le bilan de cette tragédie continue de s'alourdir avec au moins 94 morts.
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Il est un peu tard de parler de sauver le pays qui est en voie de disparition grâce aux corrompus voleurs que tout le monde a laissé faire pendant des décennies sous un prétexte qui nous dépasse. Ils sont restés intouchables malgré tous les crimes qu’ils ont commis sur le pays et sur son peuple mais plus pour longtemps. A présent il faut s’atteler à leur couper les ailes pour les renvoyer d’où qu’ils viennent et se débarrasser de tous les collabos qui ont détruit notre pays pour pouvoir les juger sévèrement afin qu’ils servent d’exemple pour tous les prochains qui viendront les remplacer. Cette impunité a causé notre perte et il serait temps d’y mettre fin pour édifier une nation digne de ce nom. Cela a un prix et à un moment donné il faut accepter de le payer. Tant que le pays fonctionne avec des quotas pour le bloquer il ne peut pas prétendre à une démocratie ni à un semblant d’équilibre surtout lorsque les protagonistes sont là pour empêcher tout le système de fonctionner et de progresser en servant les intérêts des pays tiers avant celui de leur propre pays. La trahison est un crime punissable par les lois du pays et il serait temps de les appliquer pour dissuader les plus récalcitrants.
Sissi zayyat
12 h 39, le 26 septembre 2022