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Concerto pour un président

Admettons-le : cette fiction d’un président 100 % made in Lebanon, nous en avons tous rêvé bien sûr, mais sans jamais trop y croire. Depuis trop longtemps, notre minuscule bande de terre ne cesse d’attirer comme un aimant les visées et ingérences étrangères; d’encaisser, tel un paratonnerre, agressions, expéditions, invasions et autres interventions armées. Avec un passé aussi chargé, nous aurions donc bien mauvaise grâce de nier le rôle souvent déterminant, dans le processus de production, de ces grands électeurs internationaux et régionaux qui s’activent autour de nous. Et même chez nous.

Jeudi, Américains, Français et Saoudiens se livraient, en équipe, à ce sport devenu furieusement de mode un peu partout et qui consiste à définir les qualifications dont devrait se parer le futur chef de l’État libanais. En toile de fond, le trio commençait par exiger une élection présidentielle se déroulant dans les délais légaux, de même que la formation rapide d’un gouvernement : manière d’aiguillonner le chef du législatif qui ne semble guère pressé de convoquer l’Assemblée en collège électoral ; manière aussi de décourager le chantage au vide constitutionnel et au chaos que pratique le régime parvenu en bout de course.

Esquissé à six mains par les chefs de diplomatie réunis à New York, le portrait-robot du président est celui d’un rassembleur (ce qui renvoie dos à dos les candidats trop marqués), doublé d’un fidèle de l’accord de Taëf qui mit fin à la guerre. Mais, par-delà ces traits qui n’ont rien de très original, il est fermement attendu de l’heureux élu qu’il respecte les diverses résolutions onusiennes et surtout qu’il œuvre avec les acteurs régionaux et internationaux en vue de surmonter la crise. Voilà qui paraît conférer un volet extralibanais à la mission standard dont se serait sans doute contenté, en temps normal, tout prétendant à la fonction présidentielle. Le moment de vérité approche pour le Liban officiel, invité de la sorte à se décarcasser dans la cour des grands. C’est-à-dire là même où deviennent inopérants, et même d’un maniement périlleux, ses incomparables talents de tricheur.

Ce funeste génie dans l’art de l’arnaque, l’État en a usé d’abord contre les citoyens, qu’il a dépossédés, appauvris, affamés ; malgré une série de naufrages meurtriers, les plus désespérés d’entre eux continuent d’ailleurs de jouer régulièrement leur va-tout sur de dérisoires coquilles de noix. L’État croit rouler les experts du Fonds monétaire international en promettant des réformes auxquelles ne se résoudront jamais les pillards de la République, car ce serait scier les branches sur lesquelles ils sont perchés. Et puis, il n’ y a pas que les spécialistes du FMI en lice, maintenant que l’on nous presse de travailler sérieusement avec les acteurs du dehors. Or, c’est encore l’État qui, devant l’Assemblée générale de l’ONU, proteste de sa stricte observation des résolutions internationales sur le Liban-Sud, où le Hezbollah est pourtant le véritable maître des lieux.

Le temps est-il venu de lever l’équivoque ? À l’heure où se précise une délimitation de notre frontière maritime avec Israël, la crainte d’une confrontation sur les gisements d’hydrocarbures en Méditerranée perd sensiblement de son acuité. C’est en revanche sur la terre ferme que les puissances semblent soucieuses de désamorcer tout risque d’explosion. Significatifs à cet égard sont les amendements apportés par le Conseil de sécurité aux prérogatives et modes d’opération de la Finul, dont le mandat vient d’être renouvelé pour un an, comme il est de tradition depuis son déploiement. Pour la première fois, en effet, et en l’absence très remarquée de tout veto russe ou chinois, la force internationale sera habilitée à patrouiller de manière indépendante, c’est-à-dire sans autorisation préalable des autorités libanaises et sans plus se faire désormais chaperonner par l’armée.

Formellement accusé d’enfreindre la résolution 1701, le Hezbollah a vu dans ces dispositions une violation de la souveraineté libanaise, autrement dit de son propre règne sur le Sud. Quant à la fierté nationale, elle en a vu de bien pires. Elle s’en remettra.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Admettons-le : cette fiction d’un président 100 % made in Lebanon, nous en avons tous rêvé bien sûr, mais sans jamais trop y croire. Depuis trop longtemps, notre minuscule bande de terre ne cesse d’attirer comme un aimant les visées et ingérences étrangères; d’encaisser, tel un paratonnerre, agressions, expéditions, invasions et autres interventions armées. Avec un...