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Culture - Disparition

À bout de souffle, Jean-Luc Godard a mis en scène son départ

Le cinéaste « intranquille » est mort hier à l’âge de 91 ans en Suisse par assistance au suicide. Emmanuel Macron a salué « l’inventeur d’un art résolument moderne, intensément libre... un trésor national ».

À bout de souffle, Jean-Luc Godard a mis en scène son départ

Jean-Luc Godard lors de sa présentation à Cannes du film « Détective », le 10 mai 1985. Photo AFP

Cinéaste parmi les plus étudiés dans le monde, honoré par un César et un Oscar pour sa carrière, ainsi que par une Palme d’or spéciale à Cannes en 2018, Jean-Luc Godard a toujours divisé critiques et public : pour certains, c’est un génie, pour d’autres un cinéaste misogyne, sexiste, à l’œuvre hermétique. Mais il est certain que le metteur en scène franco-suisse à la voix particulière et aux grosses lunettes noires, mort hier à 91 ans par assistance au suicide en Suisse, un pays qui autorise ce moyen, aura marqué d’abord une page de la revue Cahiers du Cinéma, et puis le cinéma français en soi. Né à Paris le 3 décembre 1930 d’un père médecin et d’une mère issue d’une riche famille protestante, il grandit en Suisse dans un milieu raffiné. Inscrit à la Sorbonne pour étudier l’ethnologie, il préfère fréquenter les ciné-clubs où il va se nourrir de 7e art. Avant de se lancer lui-même dans le milieu cinématographique, il signe en 1950 des critiques aux Cahiers du Cinéma et fréquente de jeunes frondeurs comme lui, à l’instar de François Truffaut, Éric Rohmer ou Claude Chabrol, tous opposés à une ancienne forme de cinéma. Il fera partie de ces baroudeurs turbulents qui auront formé « la Nouvelle Vague », selon l’appellation de Françoise Giroud.

L’actrice américaine Jean Seberg et Jean-Luc Godard en mars 1960, à Paris. Photo AFP

Créateur d’une esthétique nouvelle

« JLG », qui a tourné une cinquantaine de longs-métrages depuis le début des années 1960 – auxquels s’ajoutent des dizaines de formats courts ou vidéos –, était une figure pour le moins énigmatique. On le disait iconoclaste, ne respectant pas certaines valeurs bien assises, provocateur et même à l’esprit parfois confus, pouvant livrer de très belles œuvres mais d’autres aussi navrantes. C’est que l’homme était en perpétuelle quête d’un format nouveau de cinéma. Souvent dans la théorie – bien que soucieux de la technique comme de l’éclairage, des montages inédits, des innovations formelles qui font sa marque de fabrique –, certains de ses préceptes sont devenus des citations célèbres et immuables comme: « Quand on va au cinéma, on lève la tête, quand on regarde la télévision, on la baisse » ; « Il y a le visible et l’invisible. Si vous ne filmez que le visible, c’est un téléfilm que vous faites » ; ou encore : « Le cinéma, ce n’est pas une reproduction de la réalité, c’est un oubli de la réalité. Mais si on enregistre cet oubli, on peut alors se souvenir et peut-être parvenir au réel. »

Jean-Luc Godard et Michel Piccoli lors de la première du film « Passion » au Festival de Cannes, le 24 mai 1982. Ralph Gatti/AFP

À la recherche de…

Le cinéaste tourmenté, souvent mélancolique, disait à qui veut l’entendre: « Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? » C’est probablement pourquoi il s’était reclus à la fin de sa vie, car il ne trouvait plus une forme de cinéma qui lui plaisait. François Truffaut, qui était à leurs débuts son ami et complice, avait prétendu (lors de leur rupture dans les années 70 qui a opéré la fameuse scission Truffaut versus Godard) que Godard « avait fichu la pagaille dans le cinéma ».

Mais revenons à un parcours plus qu’atypique: son premier long-métrage, À bout de souffle (1960), avec Jean-Paul Belmondo devient le manifeste esthétique de la Nouvelle Vague et son plus grand succès public. Un an plus tard, il épouse Anna Karina, une jeune actrice danoise qui jouera dans sept de ses films, notamment Le Petit Soldat, Une femme est une femme, Vivre sa vie, Bande à part, Alphaville (Ours d’or à Berlin en 1965), Pierrot le Fou (un de ses chefs-d’œuvre absolus) et Made in USA. En 1963, c’est le succès public du Mépris, dans lequel Brigitte Bardot, nue sur un lit, demande à Michel Piccoli: « Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses ?... » Une question désormais inscrite dans les annales du cinéma français et qui illustre parfaitement ce langage cinématographique inédit qui est apparu avec Jean-Luc Godard. Mais deux années plus tard, JLG ouvre une nouvelle page dans sa vie, privée et publique. Il rencontre Anne Wiazemsky qui joue dans La Chinoise (1967). Il l’épouse. C’est la période la plus radicale de sa vie dominée par Mai 68 où conséquemment, en compagnie de François Truffaut, Claude Lelouch, Claude Berri et Jean-Pierre Léaud, il provoquera l’annulation du Festival de Cannes. « Je vous parle solidarité avec les étudiants et les ouvriers et vous me parlez travelling et gros plan ! Vous êtes des cons ! » lance-t-il à cette époque.

Le 22 mai 1980, Jean-Luc Godard et Nathalie Baye posent à Cannes lors de la première de « Sauve qui peut (la vie) ». Photo AFP

Il tourne ensuite des œuvres didactiques et gauchistes, prenant des positions pro-palestiniennes qui font polémique. C’est la séparation, en 1970, avec Anne qui affirme ne plus le comprendre. En 1971, il se lie avec la scénariste Anne-Marie Miéville, la troisième « Anne » de sa vie.

En 1977, le couple s’installe en Suisse. Godard revient dans les années 1980 à la fiction avec Sauve qui peut (la vie), avec Isabelle Huppert et Jacques Dutronc, Prénom Carmen (Lion d’or 1983 à la Mostra de Venise) ou Détective avec Johnny Hallyday et Nathalie Baye. De 1988 à 1998, il écrit Histoire(s) du cinéma à partir de collages et de citations. C’est une nouvelle phase expérimentale qui s’ouvre à lui: Adieu au langage en 2014, œuvre inclassable en 3D récompensée par le Prix du jury à Cannes (ex aequo avec Mommy de Xavier Dolan), et Le livre d’image, en 2018, consacré en grande partie au monde arabe, où se succèdent images et citations en voix off, qui lui vaut une Palme d’or « spéciale » à Cannes.

Son travail a continué à être vénéré et analysé même à l’international. On peut l’aimer ou pas, mais il demeure une recherche fascinante et énigmatique. Outre son œuvre à la fois avant-gardiste et témoin d’une époque, on retiendra de lui cette citation, qui lui va si bien d’ailleurs: « Le cinéma est la plus belle escroquerie du monde. »

Un « départ volontaire »

Le cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard, père de la Nouvelle Vague, qui s’est éteint hier mardi à 91 ans, a eu recours à l’assistance au suicide, a confirmé le conseiller de sa famille.

« M. Godard a eu recours à l’assistance légale en Suisse d’un départ volontaire suite à de “multiples pathologies invalidantes”, selon les termes du rapport médical », a expliqué Patrick Jeanneret, confirmant une information publiée par le journal Libération.

Il existe différentes formes d’assistance au décès en Suisse, telles que l’euthanasie passive et l’assistance au suicide. La plus connue reste l’assistance au suicide, une pratique qui n’est pas réglementée de manière spécifique mais est autorisée à certaines conditions.

Cinéaste parmi les plus étudiés dans le monde, honoré par un César et un Oscar pour sa carrière, ainsi que par une Palme d’or spéciale à Cannes en 2018, Jean-Luc Godard a toujours divisé critiques et public : pour certains, c’est un génie, pour d’autres un cinéaste misogyne, sexiste, à l’œuvre hermétique. Mais il est certain que le metteur en scène franco-suisse à la voix...

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Et si on offrait une belle retraite en Suisse à nos chers politiciens?

Gros Gnon

15 h 30, le 14 septembre 2022

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Commentaires (1)

  • Et si on offrait une belle retraite en Suisse à nos chers politiciens?

    Gros Gnon

    15 h 30, le 14 septembre 2022

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