Le leader druze Walid Joumblatt a concrétisé jeudi son rapprochement politique avec le Hezbollah par une réunion avec deux hauts responsables du parti chiite dans sa résidence beyrouthine de Clemenceau. Un développement qui fait suite à des déclarations du chef du Parti socialiste progressiste qui vont dans le sens du parti de Hassan Nasrallah, dans ce qui semble être un énième recentrage politique du maître de Moukhtara, qui anticiperait des changements sur la scène politique locale et régionale.
Signe de l'importance de cette réunion, Walid Joumblatt et Hussein Khalil, conseiller politique de Hassan Nasrallah, ont tenu un point de presse conjoint durant lequel ils ont répondu aux questions des journalistes. M. Khalil a qualifié la réunion de "franche", indiquant que d'autres sont prévues "dans les prochains jours". Quant au leader druze, matraqué de questions par la presse sur son positionnement, il a souligné que les dossiers sur lesquels il diverge encore avec le Hezbollah "ont été mis de côté". Il n'a toutefois pas voulu apporter plus de précisions sur ce point.
Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, Walid Joumblatt semble avoir considéré dernièrement qu’il était temps de faire un pas en direction du Hezbollah. Entre les négociations sur le nucléaire iranien, la guerre en Ukraine, les discussions entre l’Arabie saoudite et l’Iran et, à un niveau plus local, le dossier de la démarcation de la frontière maritime avec Israël, la géopolitique fait son grand retour, et la région est à nouveau dans une période où elle peut basculer dans l’escalade ou dans le compromis. Et Walid Joumblatt semble vouloir anticiper ces changements. Notre chroniqueur explique également que la rencontre de jeudi a été préparée il y a deux semaines et que le président du Parlement Nabih Berry, allié chiite du Hezbollah et entretenant de bon liens avec M. Joumblatt, aurait joué les intermédiaires pour faciliter ce meeting.
Réunions ouvertes
"Il y avait une volonté commune de se retrouver, à la lumière des circonstances sociales, économiques et financières au Liban", a précisé Hussein Khalil à la presse, à sa sortie de la réunion à laquelle a également assisté le responsable du comité de coordination du Hezbollah, Wafic Safa. "Nous avons passé en revue de nombreux dossiers internes, notamment les échéances politiques, financières et sociales. La discussion était riche, cordiale et franche. Je crois qu'elle se poursuivra dans les prochains jours", a ajouté M. Khalil.
"Les divergences politiques ne doivent pas affecter les relations cordiales. Il y a peut-être des dossiers politiques sur lesquels il y a des divergences, mais cela n'empêche pas des discussions sur les points stratégiques sur la table", a ajouté Hussein Khalil. Il a ensuite indiqué que "les réunions ouvertes avec Walid bey vont se poursuivre". "Walid Joumblatt a exprimé ses points de vue en toute sincérité, et nous allons les prendre en considération", a assuré le responsable chiite. Évoquant la course à la présidentielle qui approche avec la fin du mandat du chef de l'Etat, Michel Aoun, allié du Hezbollah, Hussein Khalil a affirmé "ne pas être entré dans les détails" au sujet des candidats en lice. "Nous n'avons pas évoqué les caractéristiques du prochain chef de l'Etat. Nous espérons voir l'élection d'un président de la République qui prendra part à l'opération de sauvetage du pays", a-t-il cependant indiqué.
Quand l'un des journalistes sur place lui a demandé si cette réunion pouvait irriter "la majorité", Hussein Khalil a répondu : "La réunion est essentielle, et il n'y a rien de pire que de rester à l'écart des autres. Si cette rencontre peut déranger, qu'il en soit ainsi", a-t-il lancé, en allusion au parti chrétien des Forces libanaises. Il a reconnu à ce sujet qu'il y avait "de grandes divergences avec les FL en politique et en stratégie". "Notre relation avec Walid Joumblatt est spéciale", a-t-il ajouté.
Entente minimale
Quant au leader druze, il a affirmé qu'il a évoqué avec le Hezbollah "les dossiers économiques qui peuvent être traités". "Ceci constitue une opportunité et le dialogue pourrait se poursuivre afin d'aboutir à un minimum d'entente autour de sujets qui intéressent la population". "Nous avons mis de côté les points sur lesquels nos avons des divergences", a-t-il toutefois indiqué, refusant de spécifier les dossiers litigieux en question.
Selon les informations de notre chroniqueur, Walid Joumblatt souhaiterait comprendre la position du Hezbollah sur les négociations avec le Fonds monétaire international et la possibilité de retirer le ministère de l’Énergie des mains du Courant patriotique libre, allié chrétien du parti chiite. Sur le plan de la présidentielle, le chef des Marada Sleiman Frangié semble être pour le moment le candidat du Hezbollah, même s’il ne l’a pas encore officiellement soutenu. Mais pour obtenir la majorité des deux tiers, nécessaire à une élection au premier tour ou au quorum lors des tours suivants, il lui faudra chercher des voix au-delà des rangs de l’ancienne coalition du 8 Mars dirigée par le Hezbollah. Le chef du PSP avait soutenu le leader des Marada en 2016, avant l’élection de Michel Aoun qui avait alors profité du revirement de Samir Geagea. Walid Joumblatt se replace donc dans une position dans laquelle il peut faire pencher la balance d’un côté comme de l’autre.
Ce n'est pas digne ce que fait ce chef qui change de direction au fil des jours. Et pour comble, il délègue en même temps à Dimane des députés de son parti. Non, mais, c'est terrible.
20 h 07, le 12 août 2022