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Polar à l'ancienne

Hommage aux grands du classique noir, Omerta de R. J. Ellory embarque le lecteur dans un jeu de fausses pistes où les innocents peuvent vite devenir coupables. Naviguant entre Miami et New York, Omerta est un roman à la fois vintage et moderne.

Polar à l'ancienne

D.R.

Omerta de R. J. Ellory, traduit de l’anglais par Claude Demanuelli et Jean Demanuelli, éditions Sonatine, 2022, 600 p.

Auteur d’une dizaine de romans, R. J. Ellory s’est imposé avec Seul le silence ou Vendetta comme un maître du suspense. Toutes ses intrigues sont bonnes et distillées sous une bonne facture d’écriture. Ce n’est pas de la littérature polardeuse de contrebande. Avec Ellory c’est toujours du premier choix. Omerta, sa dernière livraison, possède une petite note poivre de goût en plus : un charme, une ambiance, une connivence que l’amateur de polar aime particulièrement. En mettant en scène une bande de vieux voyous qui se disputent un territoire, une jolie blonde à qui aucun homme ne résiste, un flic acharné qui rumine une vengeance depuis trente ans et un innocent tout à fait mûr pour se faire pigeonner, Ellory renoue avec toutes les bases du polar à l’ancienne.

Rien à dire et rien, John Harper est un bon gars, même s’il a l’humour un peu amer et que les filles finissent par le laisser tomber. Ayant quitté New York où il est si difficile de percer, John s’est établi à Miami en tant que journaliste. Il couvre l’actualité nautique et refourgue ses articles ici et là, au Key west Citizen, au Keynoter, à Island Life ou au Navigator. Il y a quelques années – John n’a pas encore 36 ans – il avait réussi à écrire un roman intitulé Empreintes profondes qui fut publié par une petite maison. « On parla un moment d’en faire un film, qui ne vit jamais le jour. Une sacrée histoire qui reçut trois lignes de critique dans le Herald Tribune, où il apprit qu’il avait un avenir devant lui s’il consentait à resserrer son récit et épurer sa prose. Depuis il avait commencé une dizaine de brouillons, sans jamais rien terminer. » Il semble que John se soit résigné à être journaliste et puis c’est tout. Même si de temps à autre, il se prend à croire qu’il serait capable « d’écrire un roman qui serait primé et lui rapporterait suffisamment d’argent pour quitter Miami et de partir vers le sud de l’Overseas Highway pour le suivre jusqu’à son terme ».

Ce n’est évidemment pas du tout ce qui va se passer. Alors que John est dépêché par son rédacteur en chef pour aller couvrir un concours de pêche au gros sur Florida bay, sa tante Evelyn qui habite à New York contacte la rédaction et demande à ce que John la rappelle immédiatement. Elle a quelque chose d’important à lui dire. John reçoit ce message : « Ta tante a dit que c’était en rapport à ta famille, qu’il fallait qu’elle te parle d’une affaire de famille. » John ne voit pas trop de quoi on voudrait lui parler. Son père qui a abandonné sa mère après sa naissance est mort quand il n’était encore qu’un enfant de deux ans, et sa mère est partie aussi, emportée par une maladie. John n’a ni frère, ni sœur. Franchement la famille, c’est le cadet de ses soucis.

« ― Il faut que tu reviennes à NY, John »

― Revenir à New York, c’est bien la dernière chose au monde que j’ai envie de faire, Evelyn…

― Ne discute pas, John, tu reviens, point. »

John obtempère de mauvaise grâce et n’est pas au bout de ses surprises. Même si cela fait presque vingt ans qu’il n’a pas vu sa tante, celle-ci le reçoit sans s’embarrasser de protocoles ou de formalités d’usage. Ce qu’elle lui lance tout de go est une véritable bombe : en fait le père de John, un dénommé Edward Bernstein, est à l’hôpital Saint Vincent dans un état critique. Il vient de se faire tirer dessus en pleine rue à coups de 11.43.

Dans la même semaine, John va devoir comprendre que son père n’a pas disparu comme il le croyait, qu’il est en fait un gros bonnet du milieu new yorkais connu sous le nom de Lenny, qu’il est dépositaire d’une fortune de plusieurs millions de dollars tirée du commerce des jeux, des braquages et de la contrebande et que c’est à lui, son fils, d’aller devoir s’expliquer avec les gars de la pègre pour se répartir les affaires et le territoire. Pour du changement, cela fait du changement. Et puis, il y a cette fille sur laquelle John tombe, la bonne amie de son père mais qui a le même âge à lui. C’est Cathy. Dès le premier regard, John comprend qu’il est foutu. Il ne sait pas encore à quel point…

Omerta joue à merveille de la référence à l’âge d’or du polar des années 40 et 50. Sans tomber dans le pastiche, Ellory nous embarque avec un grand sens du rythme dans un suspense bien orchestré. Comme dans un big band de la grande période jazz, chacun joue sa partition impeccablement. Du noir dans la grande tradition avec un petit côté old school malicieux qui en renforce le charme. Raymond Chandler n’est pas loin ; Ellory a décidé d’en être, le temps d’un roman, son digne héritier.

Omerta de R. J. Ellory, traduit de l’anglais par Claude Demanuelli et Jean Demanuelli, éditions Sonatine, 2022, 600 p.Auteur d’une dizaine de romans, R. J. Ellory s’est imposé avec Seul le silence ou Vendetta comme un maître du suspense. Toutes ses intrigues sont bonnes et distillées sous une bonne facture d’écriture. Ce n’est pas de la littérature polardeuse de contrebande....
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