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Économie - Parlement

Secret bancaire : l’aménagement de la loi... réaménagé par les députés

Les élus ont adopté le projet de loi permettant d’ouvrir un crédit supplémentaire de 10 000 milliards de livres libanaises dans le projet de budget 2022.

Secret bancaire : l’aménagement de la loi... réaménagé par les députés

Les députés hier en séance plénière lors d’une première session extraordinaire depuis les élections législatives de mai. Photo Mohamed Azakir/Reuters

Réuni hier en séance plénière d’une première session extraordinaire depuis les élections législatives tenues mi-mai, le Parlement s’est replongé pour la seconde fois en deux ans sur la loi aménageant le secret bancaire en vigueur depuis 1956. Des concertations qui ont enfin permis son adoption, tout en modifiant quelque peu son contenu.

Lorsque la première version modifiée de cette loi avait été présentée devant la Chambre des représentants le 28 mai 2020, les députés y avaient retiré la mention évoquant « toutes les autorités judiciaires dans le cadre d’une enquête » des parties autorisées à lever le secret bancaire sur le compte de toute personne en contact avec l’argent public. Au cours de l’étude de cette seconde version hier, l’aménagement prévu devait permettre la levée du secret bancaire dans un nombre plus important de cas de figure. Dans les faits, si la loi aménagée donne à trois nouvelles entités le pouvoir de lever le secret bancaire, cette compétence reste aux mains de la Commission spéciale d’investigation, les députés n’ayant pas encore abrogé une autre loi concurrente.

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La modification de cette loi devant « s’aligner sur les standards internationaux pour combattre la corruption », « détecter les crimes financiers » et rendre possible un « recouvrement des actifs », selon la requête du Fonds monétaire international, fait partie de la liste des réformes exigées par ce dernier dans le cadre de l’accord préliminaire avec le Liban signé en avril dernier. Un accord à hauteur de 3 milliards de dollars sur quatre ans, censé aider le pays à sortir de la crise économique et financière.

Au sortir de la séance, le député du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) et président de la commission parlementaire des Finances et du Budget Ibrahim Kanaan a trouvé que le vote de ce texte envoyait un signal « positif » à la communauté internationale. De son côté, le président de la commission de l’Administration et la Justice Georges Adwan a indiqué que la séance parlementaire était « excellente » et qu’elle s’inscrivait dans le cadre des réformes.

Carrosserie sans moteur

Malgré son adoption en commission, la modification de la loi par l’hémicycle est comme « une voiture avec une très belle carrosserie, mais sans moteur et qui ne permet pas de rouler vers le changement et les réformes ». C’est en tout cas de cette manière que l’avocat fiscaliste et représentant du barreau de Beyrouth au sein des commissions parlementaires Karim Daher a choisi de décrire ce nouvel aménagement de la loi par les députés, lui qui a travaillé avec ces commissions sur la version présentée hier en séance. Il explique ainsi que le décret n° 9102, doté du caractère d’urgence et adopté hier, entre en concurrence avec d’autres lois existantes, ce qui ne permet donc pas d’appliquer la levée du secret bancaire de manière effective.

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De fait, les députés ont certes voté certains amendements de la loi de 1956 permettant aux autorités judiciaires, à la Commission de lutte contre la corruption et à l’administration fiscale libanaise de lever le secret bancaire, en plus de la Commission spéciale d’investigation (CSI), mais c’est cette dernière qui possède toujours l’exclusivité de demander aux banques des informations dans le cadre d’une procédure de levée du secret bancaire à travers la loi n° 32 du 16 octobre 2008. Pour rappel, la CSI est une entité juridique indépendante présidée par le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé. Les autres entités nouvellement nommées à ce titre sont donc toujours obligées de passer par la CSI pour lever le secret bancaire.

Contacté par L’Orient-Le Jour, Ibrahim Kanaan a cependant indiqué que « puisque la loi n° 32 a été recommandée par la commission des Finances et le barreau de Beyrouth, elle sera inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance parlementaire qui devrait avoir lieu début août ».

Un autre problème que relève l’avocat fiscaliste dans cette loi est qu’elle n’inclut plus la mention de « toutes les infractions financières », se cantonnant uniquement à la corruption, le blanchiment d’argent, l’enrichissement illicite, l’évasion fiscale et le financement du terrorisme. Cela ne permet donc pas de lever le secret bancaire dans les cas d’infractions fiscales de la part du secteur privé, comme les ingénieries financières. Karim Daher accuse ainsi les députés de ne pas vouloir lever le secret bancaire, craignant que cette loi ne soit rétroactive et qu’ils n’en subissent les conséquences.

Sanctions et peines

Dans le détail et selon la formule du texte voté la semaine dernière, la levée du secret bancaire ne peut être effectuée par ces entités nouvellement incluses que dans le strict cadre de leurs attributions et approuvée par la haute autorité de chacune de ces entités. Par exemple, pour l’administration fiscale, cela ne peut être fait en dehors des cas prévus par le code de procédure fiscale et décidée par le directeur général du ministère des Finances, explique Karim Daher, qui précise que ce garde-fou a été placé pour éviter des cas de chantage ou de dépassement d’autorité de la part du fisc.

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Le texte inclut également des peines contre ceux qui divulgueraient des informations en dehors des cas définis par la loi ou qui, au contraire, refuseraient de communiquer ces informations. Dans le premier cas, la loi l’assimile à une violation du secret professionnel et impose une peine de prison allant de trois mois à un an, et une amende de 300 à 500 millions de livres. Dans le second, l’auteur du refus est assimilé à un facilitateur ou un complice, selon les termes de la loi sur le blanchiment d’argent, et encourt 3 à 7 ans de prison, ainsi qu’une amende équivalant à deux fois le montant de l’infraction. La banque à laquelle appartient le responsable qui a refusé de valider le transfert d’information pourra en outre être passible de sanctions disciplinaires prévues par l’article 208 du code de la monnaie et du crédit et pourrait donc être radiée.

Les députés ont modifié aussi la loi n° 44 du 11 novembre 2008 du code de procédure fiscale qui met à la charge des administrations publiques, établissements publics et municipalités, ainsi que des autorités du secteur privé, l’obligation de coopérer avec l’administration fiscale et de lui fournir les informations qu’elle demande. Avec la nouvelle modification effectuée hier par le Parlement, c’est le directeur général du ministère des Finances qui devra approuver cette procédure et non plus uniquement le directeur des recettes du fisc, explique encore l’avocat.

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Un autre projet de loi devait être présenté hier pour modifier la loi n° 44 du 24 novembre 2015 mais n’a finalement pas été discuté. Cette loi est relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme afin d’inclure des modifications demandées par le Groupe d’action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental créé en 1989 afin d’unifier les normes de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées à l’intégrité du système financier international. Une délégation du GAFI est d’ailleurs présente au Liban depuis la semaine dernière, chargée de passer en revue les législations et applications des lois au Liban auprès de plusieurs organismes et personnes, notamment les douanes, la police, les juges, les avocats, les notaires, les agents de change ou les banques. Si le GAFI considère que le Liban n’est pas conforme aux réglementations, il peut décider de le placer sur la liste grise ou noire avec les conséquences que cela implique en termes d’échanges internationaux.

Le budget 2022

Enfin, selon notre correspondante Hoda Chedid, les députés ont ensuite adopté le projet de loi n° 8952 qui permet d’ouvrir un crédit supplémentaire de 10 000 milliards de livres libanaises dans le projet de budget 2022. Selon un communiqué de presse du ministre sortant des Finances Youssef Khalil, cette somme inclut notamment des frais de transport destinés aux militaires et aux fonctionnaires, des frais médicaux ou encore des frais destinés à l’Université libanaise à travers le ministère de l’Éducation. Il a aussi admis qu’il est nécessaire que « les salaires soient revus à la hausse », mais que cela « dépend de l’adoption du budget 2022 ».

Ce dernier avait été voté par le gouvernement Mikati en février dernier, mais seulement envoyé à la commission des Finances un mois plus tard en attendant son adoption finale. Cette commission demandait depuis avril des clarifications sur cette ligne de crédit de 10 000 milliards de livres et sur les différents taux de change utilisés dans le budget. L’adoption du budget de cette année par le Parlement se fera de toute manière hors des délais constitutionnels, alors que ce texte constitue une des exigences du Fonds monétaire international.

Réuni hier en séance plénière d’une première session extraordinaire depuis les élections législatives tenues mi-mai, le Parlement s’est replongé pour la seconde fois en deux ans sur la loi aménageant le secret bancaire en vigueur depuis 1956. Des concertations qui ont enfin permis son adoption, tout en modifiant quelque peu son contenu.Lorsque la première version modifiée de cette...

commentaires (5)

Quelle a été la position des députés FL ( pour qui j'ai voté...Quelle erreur ) où celle des Kataeb , se sont ils, une nouvelle fois abstenus de participer au voté pour déverser leur bile, après dans les médias...

C…

17 h 32, le 27 juillet 2022

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Commentaires (5)

  • Quelle a été la position des députés FL ( pour qui j'ai voté...Quelle erreur ) où celle des Kataeb , se sont ils, une nouvelle fois abstenus de participer au voté pour déverser leur bile, après dans les médias...

    C…

    17 h 32, le 27 juillet 2022

  • Hemiha haramiha. Tfehhh

    Sissi zayyat

    15 h 05, le 27 juillet 2022

  • """l’aménagement de la loi... réaménagé par les députés""" adorable sarcasme qui veut tout dire. par ailleurs la desolation repetee de Mr Karim Daher qui devoile l'inanite de ce cafouillage- "" le decret adopté hier, entre en concurrence avec d’autres lois existantes"" , cafouillage dirige et execute par un moins que rien chef comptable de la nation qui a fait ses preuves d'incompetence, de partialite et arrogance , j'ai nomme le grand brahim le cananeen

    Gaby SIOUFI

    11 h 00, le 27 juillet 2022

  • Une loi sur la levée du secret bancaire qui ne serait pas rétroactive ne servirait à rien ou peu, puisqu’ils se sont *largement* donné le temps d’occulter leurs malversations passées…

    Gros Gnon

    08 h 29, le 27 juillet 2022

  • Toujours des lacunes.

    Esber

    00 h 29, le 27 juillet 2022

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