Les exploitants de générateurs privés, qui pallient encore et toujours au prix fort les carences de l’électricité publique, font pression pour modifier les modalités de règlement de leurs factures, normalement calculées en livre et en fonction de la consommation réelle de chaque abonné, relevée sur un compteur individuel.
Tel est en tout cas le sens d’un communiqué publié hier en cours de matinée par le Rassemblement des propriétaires de générateurs privés. L’organisme, qui regroupe ces exploitants qui se sont imposés dans le paysage libanais depuis la fin de la guerre civile en 1990, a ainsi annoncé que les factures de juin qui n’ont pas été réglées après le 5 juillet seront recalculées de sorte à tenir compte du taux de change du jour sur le marché parallèle.
Les auteurs du communiqué affirment avoir pris leur décision après une réunion avec le ministère de l’Énergie et de l’Eau, chargé depuis 2011 de publier à la fin de chaque mois les tarifs du kilowattheure (kWh) qu’ils doivent facturer en se basant sur plusieurs critères, dont les cours du carburant et le taux de change dollar/livre. Dans la foulée de l’annonce des propriétaires de générateurs, le bureau de presse du ministre sortant de l’Énergie Walid Fayad a démenti « tout accord conclu en ce sens », ajoutant qu’il ne disposait de toute façon pas des prérogatives nécessaires pour autoriser une telle mesure, son rôle se limitant seulement à calculer et à publier les tarifs applicables.
Contacté, un propriétaire de générateur a confirmé que le ministère n’avait pas donné son accord mais que le rassemblement ne comptait pas renoncer à cette prise de position. Un autre a assuré que l’exigence du rassemblement des générateurs était raisonnable et « limitait les difficultés qu’ils ont à s’approvisionner en mazout et assurer suffisamment de liquidités pour le régler ». Un argument que le ministre sortant semble presque avoir validé lorsqu’il a « encouragé » dans son communiqué « les citoyens à payer leurs factures en livres libanaises les premiers jours du mois » pour permettre aux propriétaires de générateurs de s’approvisionner en carburant. Walid Fayad a de même exhorté le ministère de l’Économie et du Commerce à intensifier ses efforts pour s’assurer du respect de la tarification officielle et de la protection du consommateur.
Le kWh à 13 556 livres
Autrefois subventionné comme l’essence et le gaz, le mazout est aujourd’hui vendu en dollars. Toutefois, les factures de générateurs doivent, elles, être réglées en livres et respecter les tarifs fixés chaque mois par le ministère de l’Énergie, qui se base sur les cours du carburant et le taux de change dollar/livre. La dernière mise à jour remonte à jeudi soir, avec un kWh fixé à 13 556 livres (+7,86 % en un mois) avant les majorations et frais annexes prévus pour couvrir les frais d’abonnement et les surcoûts attribués aux installations implantées dans les zones peu densément peuplées ou escarpées.
Ces nouveaux tarifs tiennent compte de l’évolution des cours du mazout (évalué à 695 643 livres en moyenne les 20 litres sur tout le mois) et des fluctuations du taux de change de la monnaie nationale par rapport au dollar sur le marché parallèle, le mazout étant acheté en dollars par les propriétaires de générateurs. Selon le ministère, la moyenne de cette parité pour le mois de juin est équivalente à 28 621 livres pour un dollar, contre 29 600 en mai. À noter que ces tarifs tiennent également compte des coûts additionnels engagés par les exploitants de générateur (changement d’huile, de filtres et autres pièces) ainsi que le coût d’amortissement du générateur lui-même et d’une marge de 10 % de profit.
Cependant, ce qui semble poser problème pour ces exploitants, dont le nombre est estimé à près de 4 000 selon une étude de la Banque mondiale publiée en 2020, c’est le fait que les tarifs du ministère sont calculés en fonction d’un taux de change dollar/livre moyen pour la période du mois précédent. Or la livre fluctue de manière très chaotique sur un marché des changes opaque, pouvant tantôt se stabiliser autour d’un certain seuil, ou afficher d’importantes variations comme cela a été le cas dans le sillage des législatives du 15 mai dernier. Les prix des carburants sont modifiés aussi plusieurs fois par mois, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse en fonction des cours qui sont également répercutés par le ministère. Chaque propriétaire de générateur s’approvisionne à son rythme, ce qui pourrait expliquer que certains d’entre eux soient impactés par ces fluctuations.
Les deux propriétaires de générateurs contactés n’ont pas expliqué toutefois pourquoi l’option de la mise en place d’une tarification bimensuelle ne leur convient plus aujourd’hui. En plus, ils n’ont pas clairement indiqué s’ils consentiraient à appliquer un taux de change inférieur à la moyenne calculée par le ministère si ce cas de figure avait lieu.
La transition photovoltaïque
Pour une large partie de l’opinion, ces exploitants ne sont pas à plaindre cependant dans la mesure où, profitant du délabrement du secteur de l’électricité publique et ayant longtemps bénéficié d’une couverture politique et parfois de la complicité active des municipalités, ils étaient les seuls à décider de leurs tarifs et modalités d’exploitation. Il a fallu attendre 2018 pour que l’obligation de facturer les abonnés en fonction de leur consommation réelle soit généralisée, les propriétaires préférant imposer des forfaits mensuels. De nombreux exploitants ont aussi profité de leur position dominante pour pousser certains foyers à renoncer à installer des compteurs, tandis que d’autres cherchent aujourd’hui à obliger leurs abonnés à les régler en dollars frais, selon plusieurs témoignages de résidents de la capitale ou encore de Tripoli (Liban-Nord). « Il ne s’agit que de cas isolés », se défend l’un des deux propriétaires contactés.
L’État ne parvenant à assurer qu’une poignée d’heures de courant par jour, le rapport de force entre les exploitants et leurs abonnés semble toutefois en voie de changement, au fur et à mesure que la population se résout à réduire sa consommation et à installer des panneaux photovoltaïques. Selon le PDG du Centre libanais pour la conservation d’énergie (LCEC), Pierre Khoury, pas moins de 250 mégawatts (MW) supplémentaires de panneaux pourraient être installés d’ici à fin 2022 sur les toits des résidences et des usines et s’ajouter aux 200 déjà installés, selon des projections faites à partir de données issues des sociétés spécialisées dans ce type d’installation, ainsi que du ministère de l’Énergie.
« Nous nous attendons à des niveaux similaires en 2023 et 2024, ce qui va mécaniquement augmenter l’autonomie énergétique des particuliers et des entreprises, même si ce type d’énergie renouvelable a un rendement largement tributaire de l’ensoleillement », a expliqué Pierre Khoury.
Face au manque à gagner, il n’est pas exclu cependant que certains propriétaires de générateurs réclament de nouvelles hausses de prix ou menacent, comme cela est déjà arrivé par le passé, de cesser de produire du courant.
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Une question, pourquoi les propriétaires des générateurs bénéficient du mazout pour vendre une deuxième fois de l’électricité aux citoyens et pas le poulailler ? N’est il pas prioritaire par rapport aux mafias ou c’est tout simplement parce tous les membres de la mafia engrangent des profits sur le dos du pauvre citoyen qui paie tous les services qui lui sont fournis deux fois au lieu d’une tout en restant dans le noir et sans eau dans leur robinets. Tout comme le prix des télécommunications qui viennent de changer et ont pénalisé tous les citoyens qui ont trouvé bon de supplanter la mafia en s’achetant des unités à hauteur de centaines de dollars qui du jour au lendemain se sont réduits à quelques unités de dollars sans que cela ne choque personne. Ils ont toujours une avance sur le peuple dans leurs magouilles pour lui soutirer de l’argent et à cours d’idée pour le soulager et ils continuent en majorité a voté pour ces mafieux sans âme ni conscience. C’est l’arroseur arrosé.
Sissi zayyat
10 h 22, le 03 juillet 2022