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Société - Justice

Ouvriers agricoles torturés : Le parquet du Mont-Liban a mis la main sur le dossier

Alors que le propriétaire du verger à Akoura (Jbeil) ainsi que ses comparses ont été arrêtés, l’enquête des FSI s'est achevée. Les victimes, elles, se remettent difficilement de l’agression qu’elles ont subie. 

Ouvriers agricoles torturés : Le parquet du Mont-Liban a mis la main sur le dossier

Les adolescents victimes de sévices. Screenshot d’une vidéo circulant sur les réseaux sociaux. (L’image a été floutée pour préserver l’anonymat des victimes).

Le dossier des tortures infligées à seize ouvriers agricoles à Majdel Akoura (caza de Jbeil), il y a huit jours, par le propriétaire du champ où ils travaillaient à la cueillette des cerises, a été déféré mardi à l’avocat général près du parquet d’appel du Mont-Liban, Samer Lichaa. C’est ce qu’a affirmé mardi une source proche du parquet, à L’Orient-Le Jour. Le service de renseignements des FSI a en effet clôturé l’enquête sur les actes de violences présumés contre treize Syriens et trois Libanais du Akkar, commis par l’agriculteur Charbel Tarabay, et quatre de ses proches. Ces violences ont été enregistrées dans des vidéos devenues virales depuis mercredi dernier. Elles ont entraîné l’empathie et la colère de nombre d’internautes.

« Il t’en faut encore une »
Sur les images, l’on voit une dizaine d’enfants et d’adolescents terrorisés, alignés contre un mur et vêtus seulement de caleçons, se faire frapper avec une chaîne par un bourreau qui n’apparaît pas sur la vidéo. L’on voit, également, sa main qui vient frapper les visages des victimes, tandis qu’il vocifère un « Yalla ! » (Allons ! ) à chaque coup qu’il inflige, comme pour se donner plus d’élan et de puissance. Les multiples marques de lacération sur les corps des jeunes hommes semblent indiquer que l’homme n’en est pas à son premier acte de violence. En administrant une gifle qui fait tournoyer la tête du dernier dans le rang, il lance : « Toi, il t’en faut encore une ! »Une autre vidéo montre les jeunes victimes, tête et yeux baissés, avec une grosse patate pourrie enfoncée dans la bouche, pour plus d’humiliation.

Les victimes et leur avocat, Mohammad Baarini, accusent Charbel Tarabay, (un partisan des Forces libanaises dont la carte d’affiliation au parti a aussitôt été suspendue). Selon eux, il était assisté de quatre complices armés, qui ont participé aux sévices et filmé la scène. Me Baarini se félicite à cet égard de la possession des preuves visuelles. « En l’absence de vidéos, il aurait été difficile de prouver le crime », relève-t-il, indiquant que « celles-ci étaient probablement destinées à terroriser d’autres ouvriers que Tarabay refuserait également de payer ». Un procédé qui s’est finalement retourné contre son instigateur.

Pour mémoire

Tollé après les images de travailleurs se faisant agresser

Manhal Saleh, un Syrien de 47 ans à qui le propriétaire du verger avait demandé de lui assurer la main-d’œuvre, affirme à L’OLJ que le drame s’est produit le 20 juin. Il avait alors réclamé une énième fois à Charbel Tarabay de s’acquitter de son dû (environ 20 millions de livres) afin de le distribuer aux 16 ouvriers. Selon lui, après 17 jours d’un dur labeur, Tarabay avait payé moins de huit journées de travail. « Il était 6h du matin. Les ouvriers venaient d’entamer la cueillette, lorsque j’ai exhorté le propriétaire du champ à les rétribuer. Il m’a ordonné de les rassembler dans la masure attenante au verger, qui leur sert de logement durant la cueillette », confie Manhal Saleh. Son fils Laurence, 12 ans, enchaîne : « Il a hurlé en nous accusant de lui avoir volé ses lunettes de soleil. Nous lui avons juré que nous n’y étions pour rien et lui avons demandé de fouiller les deux chambres que nous occupions. Il nous a ordonné de nous dévêtir et nous a alignés contre le mur, tout en nous menaçant de nous accuser de lui avoir dérobé 100 millions de livres si ses lunettes ne lui étaient pas rendues. »

« Les coups ont plu tous azimuts, avec un bâton, un câble électrique, un marteau… », raconte Hani Nasser, 49 ans, dont le fils de 11 ans fait partie des enfants torturés. Hani et Manhal, ont pour leur part, été épargnés, probablement en raison de leur âge, disent-ils, soulignant qu’il leur a été interdit de porter secours à leurs enfants. À un moment, Laurence a eu soif et a demandé de l’eau. Ses tortionnaires l’ont alors arrosé d’un seau d’eau glacée, suivi de flagellation électrique (une méthode utilisée pour étourdir les bovins avant leur abattage, NDLR), un traitement aussi infligé à ses camarades, affirme l’adolescent.

Pour l’amour de Dieu
Le calvaire s’est éternisé jusqu’à 15 heures environ, soit durant près de neuf heures, indiquent les victimes et leur avocat. L’agression a pris fin lorsque Laurence s’est jeté aux pieds du tortionnaire, le suppliant d’arrêter, « pour l’amour de Dieu ». Tarabay l’a repoussé d’un violent coup de pied à la tête, qui lui a fait perdre connaissance. Il a aussitôt quitté les lieux, croyant probablement que le garçon était sur le point de mourir, estiment ce dernier et son père. Il se serait dépêché de se rendre au poste de police pour porter plainte contre vol.

Selon Me Baarini, deux agents du service des renseignements des FSI se sont alors rendus sur les lieux, suivis par des policiers, sur instruction du parquet d’appel du Mont-Liban, pour ce qui semblait être au départ à leurs yeux une question de vol. Ils ont entendu la déposition de Manhal Saleh, en même temps qu’ils ont convoqué Charbel Tarabay, avant de les relâcher tous deux.

Rentrés dans le Akkar mardi, les ouvriers ont finalement dévoilé leur dure épreuve à leurs proches, qui ont joint Me Baarini. Celui-ci est entré en contact avec le juge Lichaa, qui, informé des vidéos, a lancé un mandat de recherche contre Tarabay et ses quatre comparses. Ils sont tous actuellement sous les verrous, accusés par l’avocat de « séquestration, tortures, menaces, et usage d’armes ». « Ils encourent une peine minimale de trois ans », déclare Me Baarini.

Alors que cet acte barbare a ému l’ensemble des Libanais, il a également poussé le ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, et le directeur général des FSI, Imad Osman, à mobiliser les organes de sécurité pour procéder à une arrestation rapide. Le crime est également au centre des préoccupations du mufti de Jbeil, Ghassan Lakkis, de Walid Baarini et Ahmad Kheir, députés du Akkar, et de Ziad Hawat, député FL de Jbeil.

Triste sort que celui d’enfants qui, forcés d’assurer leur subsistance loin des bancs d’école, sont non seulement exploités pour trimer de longues heures dans les champs, mais sont, en plus, impitoyablement agressés.

Le dossier des tortures infligées à seize ouvriers agricoles à Majdel Akoura (caza de Jbeil), il y a huit jours, par le propriétaire du champ où ils travaillaient à la cueillette des cerises, a été déféré mardi à l’avocat général près du parquet d’appel du Mont-Liban, Samer Lichaa. C’est ce qu’a affirmé mardi une source proche du parquet, à L’Orient-Le Jour. Le service...

commentaires (12)

Le fait de dévoiler l'appartenance de cet ariéré sans foi ni loi est tout simplement stupide. Quant à ce geste, ça nous t'envoie à une barbarie impunie pratiquée pendant la guerre" civile ". La loi doit être appliquée, impartiale, juste et sans intervention politique.

Citoyen

15 h 01, le 30 juin 2022

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Le fait de dévoiler l'appartenance de cet ariéré sans foi ni loi est tout simplement stupide. Quant à ce geste, ça nous t'envoie à une barbarie impunie pratiquée pendant la guerre" civile ". La loi doit être appliquée, impartiale, juste et sans intervention politique.

    Citoyen

    15 h 01, le 30 juin 2022

  • Image insoutenable, intolérable et qui soulëve une autre question: le travail des enfants n’est-il pas interdit dans ce pays? Un gamin de 11 ans ne peut pas être ouvrier agricole.

    Marionet

    23 h 30, le 29 juin 2022

  • Des actes abjectes de la part d'un Libanais. Quelle honte. L'auteir de ces actes et ses complices doivent être punis de la manière la plus sévère et en accord avec la loi. Bonne réaction de la part du parti FL. Nos actes doivent être en accord avec nos principes moraux.

    K1000

    12 h 36, le 29 juin 2022

  • What has happened is totally outrageous and disgusting. This criminal should incur the harshest punishment, thrown in prison for years. No one should attempt to save him.

    Mireille Kang

    10 h 07, le 29 juin 2022

  • Quel sens a le commentaire que ce criminel appartient aux FL. Des criminels et des voleurs, il y en a partout dans les partis politiques et hors des partis. Ce n’est pas son appartenance au parti des FL qui l’a transformé en criminel tout comme ce ne sont pas tous les membres du Hezbollah qui sont assassins comme ceux condamnés par le tribunal international. L’auteur de cet article a commis une faute lourde de journalisme et je lui recommande de revoir les règles de l’éthique dans l’écriture si du moins il sait quel est le sens de ce terme

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 39, le 29 juin 2022

  • C'est un psychopathe. Il devrait être enfermé à vie et ne pas être libéré. C'est une menace publique.

    L'Orient Express

    09 h 34, le 29 juin 2022

  • A vomir!

    Yves Prevost

    07 h 33, le 29 juin 2022

  • Pauvre Liban !!!!

    Beauchard Jacques

    23 h 43, le 28 juin 2022

  • « (...) un partisan des Forces libanaises dont la carte d’affiliation au parti a aussitôt été suspendue ». Non pas un partisan, mais un membre en règle du parti, puisqu’il avait une carte d’affiliation.

    Ronald Barakat

    23 h 06, le 28 juin 2022

  • Quelle honte pire que Daesh ???

    Eleni Caridopoulou

    19 h 10, le 28 juin 2022

  • Mais bien sûr :"Les victimes, elles, se remettent difficilement de l’agression qu’elles ont subie. " Quelle humiliation, on traite les ouvriers saisonniers comme des esclaves. C'est une honte, cette dégradation des rapports humains. La justice doit sévir.

    Nabil

    19 h 09, le 28 juin 2022

  • Halte à l'exploitation médiatique de cette affaire. Que de crimes commis, et qu'on n'en parle plus après quelques jours, et que l'on ne connaisse plus rien du suivi. C'est vrai que l'on vit dans un pays sauvage et injuste.

    Esber

    19 h 05, le 28 juin 2022

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