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Déni de justice


La Banque mondiale fixe le seuil de pauvreté extrême à 1,90 dollars par jour, ce qui équivaudrait, au taux de change affolé de cette semaine, à plus ou moins 60 000 LL. Le seuil de pauvreté correspond donc aujourd’hui au salaire d’un employé qui touchait près de 2000 dollars avant la crise dans laquelle est empêtré le Liban. On imagine aisément les inqualifiables responsables de cette spirale infernale partir du raisonnement selon lequel la moitié des êtres humains sur cette planète vivent dans la pauvreté, et qu’il n’y a pas de raison que les Libanais en soient épargnés. Plus on crée de pauvres, croient-ils, mieux on règne. Dans un pays où, par tradition, tout se vend et s’achète, à commencer par les gens et leur conscience, il était facile de tabler sur une distribution de petit cash pour «  remercier  » certains électeurs de s’être dérangés jusqu’aux urnes. On n’en voudra pas à ces derniers. Certains ont peut-être vécu un cruel conflit intérieur, entre parer aux urgences du moment et reconduire des irresponsables honnis en favorisant leur position au Parlement. D’autres ont encaissé l’argent en se disant que ce serait déjà ça d’enlevé à l’adversité qui, de toute façon, n’est pas près de lâcher prise, quoi qu’on fasse.


«  Ils  » sont de retour, sans surprise, par la magie d’un savant jeu d’alliances contre nature comme sait en créer cette caste quand elle se sent en danger. La plupart d’entre eux sont donc familiers de l’hémicycle, de ses œuvres et de ses pompes. Sur les épaules des nouveaux, heureusement plus nombreux que ne l’annonçaient les augures, pèse déjà la responsabilité de porter au moins, place de l’Étoile, la vraie voix des gens qui n’est ni celle des thuriféraires, ni des chantres de la paix et de la stabilité aux dépens de la justice et de la prospérité, ni des défenseurs du bras armé de l’Iran, ni celle des enferrés dans le passé pour qui la politique n’est que l’arène des vengeances inassouvies, ni encore celle des ogres des marchés publics.


Malgré leur maladresse, voire leur fragilité face aux vieux loups de la place, on ne peut que les remercier, à l’élection du chef du Parlement, d’avoir d’emblée ouvert les sujets qui fâchent en les écrivant sur des bulletins invalides et en obligeant l’homme du perchoir à les déclamer tout en les oblitérant  : «  Justice pour Loqman Slim, annulée; justice pour les victimes de l’explosion (verbe actif) du port de Beyrouth, annulée ; justice pour les femmes violées, annulée ; justice pour les déposants, annulée ; justice pour les victimes des embarcations de la mort, annulée ; justice pour le Liban, annulé ; justice pour les manifestants blessés par la police du Parlement (avant d’annuler ce bulletin, Berry adresse un remerciement aux forces de l’ordre). » Il y avait pourtant quelque chose de grandiose comme un roulement de tambours dans ces mots déclamés d’une voix blanche par l’un des maîtres de la langue de bois, premier de cordée d’un système qui protège des assassins, prive les femmes de leurs droits et lâche des hordes décérébrées pour protéger un ordre moribond. Annulés, peut-être, mais prononcés. Annulés comme un déni de cette justice qu’ils réclament, mais faisant retentir son cri nu. Cela en soi, malgré l’indifférence apparente du chef reconduit du Parlement, répercutait sur les murs l’écho de vérités que les tenants du système tentent encore d’enfouir. Jusqu’à quand  ?


Pour la première fois, en ce premier jour de la nouvelle législature, toute la colère que des milliers de Libanais ont hurlée en vain, tout ce pour quoi ils ont poussé des murs, abattu des barrières, tout ce pour quoi ils se sont mis en danger, épaule contre épaule, main dans la main, sueur à sueur, sang à sang, s’imposait dans le débat grâce à une astuce joliment trouvée. Le dernier mandat de Nabih Berry ne pouvait mieux commencer.

La Banque mondiale fixe le seuil de pauvreté extrême à 1,90 dollars par jour, ce qui équivaudrait, au taux de change affolé de cette semaine, à plus ou moins 60 000 LL. Le seuil de pauvreté correspond donc aujourd’hui au salaire d’un employé qui touchait près de 2000 dollars avant la crise dans laquelle est empêtré le Liban. On imagine aisément les inqualifiables responsables...

commentaires (2)

Ils ont douché nos espoirs et dilapidé nos efforts que nous nous sommes déployés à fournir pour les soutenir, croyant naïvement qu’ils feront le reste lors des législatives. Ils ont échoué à cause de leur ego et leur manque de patriotisme et espèrent encore que des libanais croient en eux en continuant à se donner à leur exercice favori de déclamations en mensonges devant les micros et les caméras. Les voleurs tiendront les rênes et les déposants iront voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Ils ont gagné la plus importante des batailles. Mikati sera reconduit pour rayer les comptes des déposants d’un coup de crayon et les vendus nommeront leur président fantoche comme d’habitude. Nous sommes dépités.

Sissi zayyat

11 h 43, le 02 juin 2022

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Commentaires (2)

  • Ils ont douché nos espoirs et dilapidé nos efforts que nous nous sommes déployés à fournir pour les soutenir, croyant naïvement qu’ils feront le reste lors des législatives. Ils ont échoué à cause de leur ego et leur manque de patriotisme et espèrent encore que des libanais croient en eux en continuant à se donner à leur exercice favori de déclamations en mensonges devant les micros et les caméras. Les voleurs tiendront les rênes et les déposants iront voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Ils ont gagné la plus importante des batailles. Mikati sera reconduit pour rayer les comptes des déposants d’un coup de crayon et les vendus nommeront leur président fantoche comme d’habitude. Nous sommes dépités.

    Sissi zayyat

    11 h 43, le 02 juin 2022

  • Et dire que notre pays compte plusieurs milliardaires (en dollars!), dont , en tête, notre premier ministre!

    Yves Prevost

    07 h 15, le 02 juin 2022

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