
Depuis que les vendeurs ne veulent que des paiements en dollars frais ou un transfert à l’étranger, l’acheteur est principalement issu de la diaspora libanaise. Photo Guillaume Boudisseau
Les dernières transactions à plus d’un million de dollars frais prouvent que la demande est là. De plus, les prix reculent moins vite que les autres logements de la capitale.
« Nous avons un client qui cherche à acheter une maison ancienne ou un appartement avec caractère à Beyrouth. Il a un budget qui peut monter à 3,5 millions de dollars. Cette demande n’est pas isolée. La clientèle fortunée n’a pas totalement disparu depuis la crise », explique Aya Ghossein de l’agence immobilière B in Beirut.
La crise ? Quelle crise ?
Pendant que le cours de la livre libanaise s’effondre et que beaucoup de Beyrouthins survivent tant bien que mal, les visites dans les tours les plus luxueuses de Beyrouth s’enchaînent. Les Libanais les plus fortunés continuent de se renseigner sur les disponibilités immobilières.
Ces dernières semaines, les ventes d’appartements entre 1 et 4 millions de dollars frais à Tabaris, à Furn el-Hayek et au centre-ville prouvent que l’immobilier de luxe est toujours actif et que la demande n’a pas particulièrement faibli.
Certains clients sont prêts à mettre le prix pour avoir ce qu’ils recherchent. « Un acheteur m’a proposé 3,5 millions de dollars frais. J’ai refusé. J’en demande 4,2 », avoue Omar (le prénom a été changé), propriétaire d’un appartement de 1 000 m² à Ras Beyrouth.
La clientèle aisée recherche de larges surfaces avec des vues dégagées et de belles prestations. Elle se focalise surtout sur les immeubles les plus connus et les plus prestigieux de Beyrouth. Son dévolu concerne principalement le front de mer (de Aïn Mreissé à Ramlet el-Baïda), le centre-ville, Sursock et le carré d’or de Furn el-Hayek.
« Un large appartement vient de se vendre autour de Zaituna Bay à plus de 4 millions de dollars frais. Cela correspond à environ 4 600 dollars le m². C’était une belle opportunité pour l’acheteur. De ce fait, il y a toujours des acquéreurs, même si cela coûte 2, 3 ou 5 millions. Mais cela doit être de bons produits, situés à une belle adresse et à un bon prix. Par contre, celui qui n’a qu’une enveloppe de 300 000 dollars n’aura pas la même réactivité. Pour lui, il s’agit de l’achat d’une vie », analyse Antoine Abou Rizk, agent immobilier.
Depuis que les vendeurs ne veulent que des paiements en dollars frais ou un transfert à l’étranger, l’acheteur est principalement issu de la diaspora libanaise. L’appétit des expatriés qui vivent en Afrique est par exemple important.
« La demande vient principalement de personnes qui n’ont pas encore de pied-à-terre à Beyrouth. Ils sont conscients que c’est le bon moment d’acheter et ils ont raison », confirme Antoine Abou Rizk.
Les prix demandés ont baissé de 30 à 35 %
Si certains clients recherchent le bon investissement et la bonne affaire, d’autres privilégient une adresse de prestige ou un immeuble spécifique comme Beirut Terraces au centre-ville ou l’immeuble Abdel Wahab 618 à Achrafieh. Les résidents y bénéficient d’une salle de sport, d’une piscine et de l’électricité 24h/24.
Bien que les prix des appartements à Beyrouth aient baissé en moyenne de 40 à 45 % depuis 2019, le luxe a été moins touché par la décote actuelle de l’immobilier.
« Les prix demandés pour les produits haut de gamme ont baissé de 30 à 35 % », confirme Walid Moussa, président du syndicat des agents immobiliers au Liban (REAL). « Les propriétaires qui voulaient vendre l’ont fait de 2019 à 2021. Aujourd’hui, ils ne sont pas pressés. Beaucoup vendent pour investir ailleurs ou acheter plus grand et ils ne veulent pas brader leur bien », ajoute l’agent immobilier.
Malgré une demande constante, le nombre de ventes reste encore limité. Même s’il est millionnaire, l’acheteur est au courant de la baisse des prix et veut négocier âprement.
Au centre-ville, dans l’immeuble Beirut Terraces, un large appartement situé à un étage élevé est à vendre à 2,1 millions de dollars. Malgré plusieurs visites et quelques contre-offres dont la meilleure est arrivée à 1,9 million, le propriétaire ne veut pas céder. « Il considère qu’il a déjà assez perdu dans le contexte actuel et ne veut pas accepter des offres inférieures à son prix », ajoute Walid Moussa.
Vivre dans un bunker doré? Non merci, même pour 100$ vous pouvez les garder.
21 h 38, le 30 mai 2022