Financée par des fonds privés, cette tour de 290 mètres de haut et environ 113 mètres de diamètre sera érigée prochainement dans le quartier de Diamniadio, à Dakar. Et elle n’a pas manqué de faire le buzz auprès des internautes africains, dès lors que le projet a été présenté publiquement. Pourvue d’équipements performants et d’une démarche environnementale responsable, la Tour de la vie (The Tower of Life) conçue par l’architecte Ali Basbous, fondateur et directeur de l’agence BAD (Built by Associative Data), devrait s’imposer comme une icône au cœur de la ville où elle devrait générer une grande énergie au sein de son environnement. Particulièrement insolite et étonnante, son allure est inspirée d’un baobab, mais elle est bien plus qu’une intégration dans le paysage africain. Derrière cette Tour de la vie, Ali Basbous tient un discours qui va au-delà du présent pour trouver des solutions qui répondent aux besoins d’un futur proche. Son design est animé par un programme de conception qui vise des changements radicaux au niveau du style architectural. À travers divers recherches et projets, BAD a développé un répertoire de technologies et d’outils numériques utilisés comme modèles de simulation et de prédiction, pour appuyer leur vision future de l’environnement et répondre aux défis des changements climatiques. Pour ce faire, l’architecte conçoit les bâtiments comme « des organismes vivants qui respirent, poussent, s’adaptent et évoluent dans le temps ».
Le mimicry en façade
La construction de la Tour de la vie sera énergétiquement autonome ; elle ne dépendra d’aucun réseau public pour sa production d’eau, d’électricité et de climatisation. Et mobilisera des ressources locales, telles que l’énergie, les matériaux et la main-d’œuvre. Sa peau imprimée (3D) en argile utilisera des matériaux du site lui-même, transformés sur place grâce à des machines et des robots qui vont créer la façade et l’imprimer.
Les panneaux vitrés abriteront des cellules solaires photovoltaïques transparentes ; la membrane du bâtiment captera quant à elle l’eau de pluie et la fera circuler vers les chambres de traitement et de récupération qui contribuent à sa régénération. Des puces sensorielles géreront toutes les informations, entre autres le niveau de consommation. Parmi ses nombreuses autres fonctions, le bâtiment abritera en son cœur une banque de semences de la faune africaine et le Musée de l’économie future de l’Afrique.
Haut de 290 mètres, le projet accueillera des entreprises multisectorielles. Le bâtiment se composera d’un tronc de 50 mètres de large aux allures de baobab, cet arbre emblématique du Sénégal, et d’un revêtement d’argile poreuse qui l’enveloppe. À son sommet, la tour offrira au public des espaces verts et des micro-forêts dédiés à la faune et la flore africaines. La surface de la façade en argile se veut à la fois pionnière du motif géométrique ainsi que du système de construction. Sa géométrie émerge d’une simulation qui ressemble à la croissance d’organismes biologiques. Sa construction, qui fera appel à des systèmes robotiques sur le site ainsi que du matériel local, sera pratiquée et étudiée dans des institutions de premier rang telles que l’IAAC (Institut of Advanced Architecture in Catalunya) avec qui BAD a collaboré à plusieurs reprises et où Ali Basbous a enseigné pendant des années. « Ces softwares, dit-il, nous ont permis d’imiter le dessin des micro-organismes de la nature et de les imprimer ensuite sur la surface de la peau. Les données ont rendu possible ce qu’on appelle le mimicry (une notion qui peut être traduite par mimétisme) », fait observer l’architecte, qui rappelle également que l’Institut et l’agence BAD avaient déjà mis au point « des logiciels de modélisation et de conception tels que Rhino 3D, Grasshopper et VB scripting, pour arriver à différentes solutions architecturales ». La démarche repose donc sur des interfaces scientifiques qui permettent d’appréhender une compréhension globale du site et de son environnement.
Une des premières boîtes au monde à créer ses logiciels
« Ces programmes permettent d’optimiser nos designs car ils nous fournissent des données spécifiques au terrain à bâtir et peuvent simuler le comportement du bâtiment dans son contexte réel. La masse d’informations ainsi collectées génère une panoplie de modèles architecturaux et de solutions parmi lesquelles nous pouvons choisir », ajoute Ali Basbous.
Ayant adopté une approche avancée de la conception de l’architecture, basée sur le calcul, les algorithmes et une collecte de données très variées, l’architecte a démontré la contribution de BAD comme étant « l’une des premières boîtes au monde à avoir créé ses propres logiciels et à se baser sur des expertises scientifiques centrées sur des projets d’architecture et de design ».
« Nous réalisons même ce genre d’études pour un nombre d’agences internationales. C’est pour cette raison que nous sommes plus connus aux États-Unis et en Europe qu’au Liban ». Signalons que BAD a été une référence dans des projets de conception et de construction avancés. À ce titre, l’exécution des façades de Beirut Souks, dessinées par Zaha Hadid, s’était référée à McNeel à Seattle (responsable du logiciel Rhinocéros, très répandu parmi les architectes) pour concrétiser le projet. Ce dernier a proposé la compagnie de BAD à Barcelone et c’est ainsi qu’ils ont découvert que BAD est également basée à Beyrouth. Rajoutons à ce stade que les travaux de BAD sont cités dans Architectural Design Through Environnemental, The Journal of the American Institute of Architects, The ArchDaily ou encore Next Top Architects.
L’Afrique, une leçon importante
Pour revenir au projet de Dakar, l’architecte cherche à exprimer, plus qu’un effet purement esthétique, une véritable philosophie autour du lien qui unit l’homme à la nature. La construction est d’ailleurs composée d’éléments qui capturent le carbone et fonctionnent à des seuils d’émission bas. Ces éléments consommeront et géreront efficacement l’électricité, collecteront, traiteront et recycleront leur propre eau et permettront la circulation de l’air à travers le bâtiment. De plus, le bâtiment comprendra une végétation répartie à l’intérieur. Des systèmes de climatisation mécaniques semblables à des poumons, feront circuler l’air pour rafraîchir les pièces. Bref, tout a été mûrement réfléchi pour brosser le tableau d’une « Tour de la vie ». Après Montréal, Toronto, Pékin, Shanghai ainsi que New York, l’Afrique fait appel à l’expertise de Ali Basbous pour concevoir divers projets en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Sénégal, au Gabon, en Guinée équatoriale et en Éthiopie. « Pour moi, l’Afrique a été le coup de cœur », avoue l’architecte. « Il y avait constamment une senteur enivrante dans l’air. Et la nature si vivante et présente dans ces pays vous donne une leçon importante… une opportunité pour le révéler dans tout ce qu’on peut entreprendre », s’enthousiasme-t-il.
Pendant ce temps, les libanais en sont réduits à calculer s'il vaut mieux acheter du papier toilette ou si mettre les livres libanaises en rouleau pour s'en servir est moins cher...
14 h 45, le 20 mai 2022