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Économie - Focus

Transition énergétique : ce que l’exécutif libanais a prévu

Le projet de loi sur la production décentralisée d’énergies renouvelables limite à 10 mégawatts la capacité que le privé peut produire et redistribuer.

Transition énergétique : ce que l’exécutif libanais a prévu

Un parc solaire de 800 kWp et des batteries d’une capacité de 500 kWh installés sur un terrain du couvent de Jabboulé depuis 2019. Photo DR

Les problèmes d’électricité sont devenus indissociables de l’image du Liban. La réforme structurelle du secteur, où tout ou presque est à revoir, est d’ailleurs un des chantiers prioritaires imposés par tous les interlocuteurs du pays, que ce soit ses soutiens étrangers, ses créanciers ou encore les organisations susceptibles de l’aider financièrement à sortir de la crise dans laquelle il s’enfonce depuis 2019.

Décliné dans une stratégie en trois temps préparée par le ministère de l’Énergie et de l’Eau, ce chantier inclut également un volet destiné à amorcer un changement fondamental de modèle, en légalisant la production décentralisée d’électricité à partir d’énergies renouvelables et en créant un cadre juridique encourageant les techniques de conservation d’énergie. Ces domaines sont au centre de deux projets de loi respectivement adoptés en mars et en mai par l’exécutif, qui sera chargé des affaires courantes juste après les élections législatives prévues ce dimanche.

Proportion des énergies renouvelables

Les textes doivent encore être votés par le nouveau Parlement avant d’entrer en vigueur. « Leur mise en œuvre effective dépend également des progrès réalisés sur le chantier de la réforme d’Électricité du Liban (EDL), ainsi que l’activation de l’autorité indépendante de régulation (dont les membres n’ont toujours pas été désignés, malgré les promesses des dirigeants, NDLR) », précise à L’Orient-Le Jour Marc Ayoub, chercheur en politique énergétique à l’Institut Issam Farès. Cette instance a été instituée par la loi n° 462/2002 afin d’exercer plusieurs prérogatives, dont la fixation des tarifs de l’électricité (figés depuis près de 30 ans) ou encore la supervision des contrats avec le secteur privé pour la production et la distribution d’électricité.

Pour aller plus loin

Une solution à la crise de l’électricité au Liban

Si tout se passe comme prévu, le Liban pourrait diversifier de manière plus efficace et réglementée son mix énergétique pour subvenir à ses besoins qui nécessitent de mobiliser 3 000 mégawatts (MW) déployés par des sources d’énergies conventionnelles (gaz, fuel, charbon). Il pourra ainsi réduire progressivement sa dépendance aux générateurs privés qui fonctionnent au diesel en attendant que EDL, qui produit actuellement moins de 500 MW sur les 1 500 MW disponibles, faute d’argent pour payer son carburant, soit réhabilitée et équipée de nouvelles centrales. Il est important de retenir que ces unités décentralisées ne pourront pas se substituer à EDL.

Face à cette dépendance accrue aux générateurs privés et aux factures énergétiques, qui ne cessent d’augmenter sur fond de hausse des cours mondiaux du brut, Pierre Khoury, PDG du Centre libanais pour la conservation d’énergie (LCEC), indique d’ailleurs qu’une transition vers les énergies renouvelables – et plus précisément le solaire – est déjà en place.

Selon ses chiffres, le Liban a ainsi mis 10 ans pour se doter d’une capacité de production maximale de 100 MW. Crise énergétique oblige, cette capacité a été doublée en à peine un an, passant d’un total de 100 MW en 2020 à 200 MW en 2021. Un rythme qui devrait s’accélérer encore plus lors des prochaines années, précise celui qui se montre optimiste quant à une adoption prochaine de ces projets de loi au Parlement. En effet, Pierre Khoury estime ainsi qu’en 2022, ce sont 250 MW de capacité supplémentaire qui seront installés sur le territoire libanais et que d’ici à 2025, le pays sera doté d’installations photovoltaïques pouvant produire plus de 1 000 MW.

À ce niveau, et toujours dans le cadre du nouveau plan de réforme du secteur de l’électricité, l’exécutif a approuvé jeudi 11 licences de production d’énergie photovoltaïque délivrées à autant de sociétés pour une capacité totale de 165 MW, soit 15 MW par licence.

Décentralisation de la production

Le projet de loi sur la production décentralisée d’électricité à partir d’énergies renouvelables a été approuvé en mars par le Conseil des ministres.

C’est un texte décisif dans la mesure où il met en place un cadre légal autorisant le secteur privé – particuliers comme entreprises – et les municipalités à produire de l’électricité et à la distribuer, alors que ces prérogatives sont normalement réservées à EDL. « Il s’agit de la première réglementation de ce type pour le pays. Elle a été élaborée par le LCEC, le ministère de l’Énergie et avec le concours de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), qui a aussi financé le processus », souligne Marc Ayoub. La capacité maximale autorisée par ce texte est limitée à 10 MW par unité.

Pour aller plus loin

Un nouveau pacte énergétique pour le Liban

L’autre particularité du projet de loi consiste à permettre aux producteurs privés ou aux municipalités de vendre directement leur courant aux consommateurs finaux, toujours dans les limites qui doivent ultérieurement être fixées par l’autorité de régulation. « Cela inclut également la possibilité pour un producteur d’une région de vendre de l’électricité à un consommateur situé à l’autre coin du pays, via le réseau d’EDL », explique encore Marc Ayoub. Il note de plus que le réseau devra être complètement réhabilité et modernisé afin de pouvoir supporter la charge des nouvelles unités de production.

Marc Ayoub juge que ce projet de loi est complet, mais relève néanmoins certains points à amender. « Le Conseil des ministres a par exemple permis au ministre de l’Énergie et de l’Eau d’exercer les compétences de l’autorité de régulation jusqu’à ce qu’elle soit nommée », regrette-t-il, jugeant que cette modalité pourrait à terme empêcher le bon fonctionnement de la loi.

Conservation d’énergie

Le second projet de loi concerne la conservation d’énergie et a été approuvé il y a une semaine par l’exécutif. Il s’agit en résumé d’un texte dont la finalité consiste à promouvoir les moyens techniques et les comportements permettant de réduire et d’optimiser la consommation d’énergie. « Le concept est nouveau au Liban, vu que les tarifs de l’électricité sont subventionnés et que les générateurs privés ont longtemps – voire jusqu’à présent pour certains – privilégié les forfaits aux factures calculées en fonction de la consommation réelle », expose Marc Ayoub. Il a fallu, selon lui, attendre que l’État commence à imposer aux propriétaires de générateurs privés d’installer des compteurs individuels chez leurs usagers en fixant un tarif au kilowattheure à respecter pour que les foyers libanais gèrent leur consommation.

Pour mémoire

Dix heures de courant par jour d’ici au printemps 2022 : Fayad détaille à L’OLJ son plan de réforme

Outre l’imposition de critères en fonction desquels les produits qui consomment et qui produisent de l’énergie pourront être importés, le projet de loi introduit aussi une série de limitations en termes de consommation d’énergie. Sont notamment inclus les secteurs industriel, immobilier et du transport. Parmi les mesures les plus notables que prévoit ce texte figure l’imposition aux nouveaux bâtiments d’être construits en fonction de certains critères de performance énergétique ou encore l’exemption des frais de douane sur les importations de produits et de matières premières entrant dans l’installation de systèmes d’énergie renouvelable ou de véhicules verts.

Une fois ce texte adopté par le nouveau Parlement, les différents critères et limites devront être définis par les ministères concernés, dont ceux de l’Énergie, de l’Industrie, des Finances, de l’Environnement ou encore des Travaux publics et des Transports. Des critères qui devront être mis à jour régulièrement, de sorte à s’inscrire dans l’ère du temps.

À terme, « l’objectif de cette loi est de réduire la consommation énergétique du Liban, non pas en obligeant les consommateurs à consommer moins, mais plutôt à consommer mieux », conclut Pierre Khoury.

Les problèmes d’électricité sont devenus indissociables de l’image du Liban. La réforme structurelle du secteur, où tout ou presque est à revoir, est d’ailleurs un des chantiers prioritaires imposés par tous les interlocuteurs du pays, que ce soit ses soutiens étrangers, ses créanciers ou encore les organisations susceptibles de l’aider financièrement à sortir de la crise dans...

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