
Pylône électrique d’une ligne à haute tension dans le Mont-Liban. Photo M.A.
La dette liée au secteur de l’énergie et de l’électricité du Liban représente plus de 40 % de sa dette souveraine alors que les Libanais bénéficient de moins de deux heures d’électricité fournies par Électricité du Liban (EDL). Tel est le résultat causé par la corruption, la mauvaise gestion, l’absence de réformes, la « mafia des producteurs privés », les jeux politiciens au sein des Conseils des ministres successifs pour bloquer les réalisations des adversaires et le fait qu’en 1994, lorsque le prix de l’électricité au kilowatt a été calculé sur la base du prix du baril de pétrole à 20 dollars, le gouvernement a décidé de fixer/geler la tarification de l’électricité, indépendamment des hausses du prix du pétrole. Cela signifie que le gouvernement libanais achète de l’électricité à un prix inférieur pour aider les personnes à revenu modeste à payer leurs factures. Cela oblige ce même gouvernement à couvrir le coût, le déficit, année après année, d’autant que, pour des raisons électorales, cette politique de subvention a été appliquée à toute la population, et non seulement aux plus défavorisés. Cela a entraîné une consommation abusive, des profits sur les concessions et d’énormes déficits dans les finances de l’État.
Selon un rapport préparé par le Centre libanais pour la conservation de l’énergie et publié par Forbes Moyen-Orient, un investissement de 6,7 milliards de dollars dans les énergies renouvelables pourrait mettre fin à la pénurie d’électricité au Liban (2,6 milliards de dollars pour 2 500 MW solaire photovoltaïque, 1,8 Md$ pour 1 000 MW éolien, 1,9 Md$ pour 601 MW hydroélectrique, 309 M$ pour 100 MW centrale solaire thermodynamique et 50 M$ pour 13 MW biogaz. À noter que les chiffres de l’hydroélectrique qui pourrait couvrir 10 à 15 % des besoins semblent exagérés puisqu’il devrait coûter environ 400 millions de dollars tandis que les investissements pour le solaire et l’éolien devraient être limités respectivement à 700 MW et 800 MW (comme dans le plan présenté par le ministre actuel). Le Liban devrait également envisager d’investir dans l’énergie géothermique.
Trois D
J’ai toujours plaidé pour le « gaz maintenant » et les énergies renouvelables à terme, la « corporatisation » d’EDL, les réformes du secteur financier et les trois D : la décarbonisation, le « digital » et la décentralisation (et même le régionalisme comme ce qui existe en Italie et en Espagne). Lors des conventions du Front de la liberté sur l’énergie et les énergies renouvelables en 2008 et 2009, j’ai proposé de répartir 2 GW sur les 6 centrales existantes (Deir Ammar, Zouk, Jiyé, Zahrani, Tyr et Baalbek). Cela coûtera environ 2 milliards de dollars, dont 400 millions de dollars pour le réseau/les compteurs intelligents. Cependant, nous pourrions d’abord augmenter la capacité des centrales électriques au gaz à Deir Ammar et Zahrani en utilisant de plus grandes turbines à double carburant (gaz et diesel).
En décembre 2019, nous avons soumis une proposition de restructuration de la dette du Liban. Nous avons proposé d’échanger une partie de la dette détenue par les banques contre des actions d’un fonds souverain (SWF) nouvellement créé et coté (à la Bourse de Beyrouth et sur diverses Bourses internationales). Je suis contre la vente des réserves d’or de la BDL et de tout actif du gouvernement libanais.
Le plan de redressement financier du gouvernement libanais d’avril 2020 a ensuite évoqué la création d’une société de gestion d’actifs publics (PAMC) pour détenir les principaux actifs de l’État (participations dans des entreprises et dans l’immobilier) et un fonds souverain pour gérer les actifs pétroliers et gaziers et investir hors du Liban.En mai 2020, nous avons expliqué plus en détail, dans une tribune publiée par an-Nahar, comment un fonds souverain pourrait aider le Liban à traverser une crise sans précédent : « Ce nouveau fonds souverain pourrait investir aux côtés des entrepreneurs libanais au Liban et dans le monde afin de générer des revenus, des bénéfices et de la croissance. »
Alors que le Liban doit impérativement développer les énergies renouvelables dans le respect des COP21 (Paris) et COP26 (Glasgow) et éviter les black-out, actuellement, EDL ne peut pas gérer l’intermittence des énergies renouvelables à grande échelle sur le réseau car les connecter sera un défi. La solution à la crise de l’électricité au Liban repose plutôt sur la mise en œuvre des réformes inscrites dans le plan Lazard (en commençant par une restructuration des banques commerciales et de la banque centrale) et sur l’investissement dans la construction de deux centrales à gaz et dans la modernisation du réseau. Ce sera moins cher et plus rapide pour obtenir une électricité 24h/24 et 7j/7 tout en réduisant les émissions.
PPP
Bien que je considère le régionalisme comme essentiel pour les réformes dans les secteurs financier et énergétique et comme condition préalable à des solutions durables, je crois que, si le Nigeria a pu le mettre en œuvre avec succès, le Liban pourrait également mettre en place un modèle de distribution basé sur un partenariat public-privé (PPP) pour l’électricité qui serait signé entre des instances de gouvernance régionales élues et les sociétés de distribution sur la base de compteurs intelligents prépayés. Le cadre de ces PPP doit être pensé pour être « gagnant-gagnant », c’est-à-dire à la fois attractif pour les investisseurs et non générateur d’endettement insoutenable.
Le modèle de concession actuel n’est pas viable en raison de la dépendance vis-à-vis de l’électricité subventionnée achetée à EDL et de la dépendance vis-à-vis des produits pétroliers importés. Cependant, un modèle de concession réformé, basé sur la production d’électricité régionale et le secteur privé réglementé, peut stimuler l’énergie au Liban, ce qui est une condition préalable au développement économique, à de bonnes infrastructures et transports et à la transformation numérique. La production d’électricité régionale est le seul modèle viable pour résoudre les problèmes d’approvisionnement (c’est-à-dire pour augmenter les heures d’approvisionnement) et améliorer la performance du secteur de l’énergie car il permet d’améliorer la gestion de l’importation et de la distribution d’énergie au niveau régional. Il stimulera également le développement des zones rurales, réduira la pression sur Beyrouth et contribuera à sécuriser des stratégies énergétiques multiples et différentes. Le régionalisme assurera également un meilleur suivi et une meilleure collecte et stimulera la concurrence.
Président de l’ONG libanaise Nawraj, coordinateur général de l’Assemblée des chrétiens d’Orient et cofondateur et ancien membre des Forces libanaises et du Front de la liberté.
Bonjour Beyrouth ....;plan sur plan! ambitieux mais faisable avec une aide massive des des institutions financières mondiales , comme pour d'autres pays. Commençons d'abord par améliorer la vie quotidienne des libanais: le pays est ensoleillé largement ! Le Kenya :Une maison ,un panneau solaire ..et pourquoi pas ! une crise qui dure des décennies ..no comment ...
09 h 51, le 24 avril 2022