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Idées - Écologie

Un nouveau pacte énergétique pour le Liban

Un nouveau pacte énergétique pour le Liban

Photo d’archives L’OLJ.

La crise profonde que vit le Liban aujourd’hui doit se transformer en une aspiration à un nouveau départ. La population libanaise doit malheureusement faire face maintenant à un appauvrissement douloureux et adapter de manière subite et brutale ses besoins et mode de vie. Mais cette profonde transformation de ses modes de consommation devra nécessairement la pousser à aspirer à une société plus juste et au respect de sa terre et de son environnement. Telle pourrait être la base d’un nouveau pacte social basé sur une transformation sociétale tant au niveau individuel que collectif.

La nécessaire transformation de notre système énergétique passe nécessairement par un sevrage de notre addiction aux énergies fossiles importées (97 % des besoins du pays) et par leur remplacement progressif par les énergies propres à caractère inépuisable, local et ayant un faible impact sur l’environnement. Mais la catastrophe socio-économique que nous vivons actuellement nous invite aussi à questionner plus spécifiquement nos habitudes de consommation électrique. Nous devons donc devenir frugaux dans notre consommation énergétique en supprimant les gaspillages et en améliorant notre efficacité énergétique. Par exemple, nous devons repenser comment isoler et chauffer nos bâtiments, adopter des modes de transport propres et des alternatives à la voiture, repenser nos villes ou encore développer des industries en limitant leurs impacts environnementaux et sociaux.

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Loin des clichés comme le retour à la bougie ou à la place du village, cette nouvelle sobriété et efficacité peut être volontaire et conviviale, surtout lorsqu’elle s’inscrit dans une démarche de partage équitable des ressources. Sa dimension collective est absolument essentielle pour résoudre de manière durable notre crise d’énergie. Elle permettra aussi de créer un cercle vertueux en devenant un pilier de stratégies économiques et industrielles nouvelles.

Un sujet politique

La transition énergétique doit aussi être holistique et devra donc répondre à l’ensemble des problématiques sociales, économiques et environnementales, telles que posées par les 17 objectifs de développement durable de l’ONU. La pollution de l’air due à la production électrique par les énergies fossiles relève par exemple des politiques de santé publique car elle est responsable de près de 2 700 décès prématurés par an et de maladies graves au sein de la population, selon une étude publiée par Greenpeace en juin 2020.

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Avant d’être technique, cette transition est cependant politique, impactant les choix de gouvernance ou de financement, ainsi que les futures orientations industrielles ou d’aménagement du territoire. À titre d’exemple, selon une étude que nous menons depuis deux ans en coopération avec le CNRS, l’installation de panneaux solaires et d’éoliennes sur les seuls terrains publics permettrait de couvrir environ la moitié des besoins énergétiques du pays (avec respectivement 5 200 MW pour le solaire et 1 000 MW pour l’éolien, ce qui, cumulé, équivaut à 1 500 MW d’électricité produite par le gaz). Bien sûr, cette transition doit être basée sur des données économiques et scientifiques qui établiront les priorités et orienteront la discussion.

Cette nouvelle aspiration devra donc être préparée et accompagnée par des actions politiques volontaires, s’appuyant sur des critères préalablement définis dans un cadre collectif. Et l’implication de l’ensemble des acteurs nationaux doit être facilitée par des politiques publiques adaptées à l’échelle nationale et surtout locale.

Voir grand

Cette transition énergétique nécessite donc une action politique immédiate et visionnaire qui intègre pleinement les enjeux de long terme et les objectifs à cinq, dix et vingt ans. Nous devons réinventer EDL et reconfigurer notre système électrique pour construire un réseau du XXIe siècle plus adapté et plus intelligent. Cela permettra de réduire substantiellement le nombre des usines polluantes sur la côte libanaise – passant des six actuelles à seulement 2, celles de Zahrani et Deir Ammar (car elles peuvent également fonctionner au gaz) –, de mieux gérer l’équilibre entre la production d’une électricité propre et la consommation d’électricité par une complémentarité des sources de production (gaz, solaire, éolien, hydraulique…), d’augmenter la flexibilité de la consommation et de stocker l’énergie.

Ces objectifs devront cadrer les actions des décideurs politiques.

Les décisions prises tant au niveau national que local – qu’elles concernent des politiques et mesures ou l’orientation des investissements – doivent être suffisamment significatives à court terme au regard des objectifs ambitieux du moyen et long terme.

Le plan alternatif que la LFRE va bientôt publier fournit une feuille de route de sortie de crise qui vise non seulement à diminuer significativement l’ensemble des impacts négatifs de santé public, environnementaux et des risques économiques associés à notre système énergétique mais aussi à mettre en valeur tous ses aspects positifs.

Pour mémoire

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Pour les consommateurs, la transition énergétique sera synonyme d’une baisse significative de leur facture énergétique et une plus grande stabilité des prix face aux évolutions du prix de l’énergie. Elle sera aussi synonyme de créations d’emplois sur tout le territoire, comme l’a montré l’étude effectuée par notre ONG en association avec AUB et le cabinet Strategy& et publiée en mai 2019.

Devant l’urgence d’agir, ces mesures sont à mettre en place dès maintenant, pour permettre au Liban de bénéficier d’une nouvelle dynamique régionale et internationale pour le développement durable et la transition écologique. Car, en définitive, aucune reprise économique véritable et socialement juste ne sera envisageable sans une transformation profonde permettant de concilier sécurité énergétique et préservation de l’environnement.

Par Rony KARAM

Président de la Fondation libanaise pour les énergies renouvelables (LFRE).

La crise profonde que vit le Liban aujourd’hui doit se transformer en une aspiration à un nouveau départ. La population libanaise doit malheureusement faire face maintenant à un appauvrissement douloureux et adapter de manière subite et brutale ses besoins et mode de vie. Mais cette profonde transformation de ses modes de consommation devra nécessairement la pousser à aspirer à une...

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Ces jours-ci, avec l'encombrement maritime du au covid, un défi majeur consiste à pouvoir importer des batteries / inverseurs/ panneaux solaires de chine au port de Beirut. Cela m'a pris 6mois entre payement et réception aux douanes.

Nadim Audi

16 h 04, le 20 février 2022

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Commentaires (5)

  • Ces jours-ci, avec l'encombrement maritime du au covid, un défi majeur consiste à pouvoir importer des batteries / inverseurs/ panneaux solaires de chine au port de Beirut. Cela m'a pris 6mois entre payement et réception aux douanes.

    Nadim Audi

    16 h 04, le 20 février 2022

  • Le véritable défi n’est ni technologique, ni administratif, ni social. Non, le véritable défi sera de trouver des solutions pour que nos "dirigeants" puissent continuer à recevoir leurs commissions avec une énergie renouvelable qui n’a plus besoin d’achats massifs de pétrole… Tant qu’une telle solution ne sera pas trouvée, nous nous mettons le doigt dans l’œil jusqu’à la prostate…

    Gros Gnon

    20 h 39, le 19 février 2022

  • pourquoi avoir peur de citer les choses par leurs noms ! l'incompetence, les negligences,la nullite des responsables KELLON surtout dans ce cas ceux municipaux, des mohafez, et toute les cliques sont a traduire devant la justice. qui n'ont pas pris la peine D'IMPOSER l'utilisation des panneaux solaires et ce depuis 40 ans au moins.

    Gaby SIOUFI

    17 h 00, le 19 février 2022

  • Il est regrettable que Mr Karam continue a penser que l'Etat est la source des solutions; dans bien des pays, la production et la distribution de électricité sont dans les mains de sociétés compétitives. Il y a 60 ou 70 ans, électricité au Liban était entièrement produite par le secteur prive, et les coupures quais inexistantes, et les subventions nulles; le même commentaire s'applique a la production/ distribution de l'eau potable, au ramassage / traitement des eaux usées / ordures, etc.

    Kettaneh Tarek

    12 h 01, le 19 février 2022

  • Il est certain que les problèmes actuels du Liban devraient être l'occasion d'une réflexion sur l'avenir énergétique du pays. En tout premier lieu, il faudrait l'éducation à un comportement anti-gaspi. Mais des mesures sont à prendre aussi au niveau des autorités. La première, urgente, étant l'instauration d'un réseau de transport en commun. En ce qui concerne les sources d'énergie, attention à ne pas tomber dans les pièges de l'écoloGISME. Il importe, dans tous les cas de bien considérer tous les aspects. La source la moins polluante paraît l'hydraulique, mais le choix de l'implantation des barrages n'est pas sans conséquences sur l'environnement. Ensuite, vient le photovoltaïque, mais son bilan écologique ne devient positif qu'au bout de 10 à 15 ans. Il faut donc que le matériel soit de qualité pour durer encore autant. Enfin, par pitié! Qu'on nous épargne les éoliennes!

    Yves Prevost

    07 h 43, le 19 février 2022

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