De l’avis des médias israéliens, la célébration de la Journée internationale d’al-Qods, décrétée par l’imam Khomeiny le dernier vendredi du mois de ramadan, revêt cette année une importance particulière. Au cours des années précédentes, elle était l’occasion de marches populaires au Liban et dans les régions palestiniennes, assorties d’un discours du secrétaire général du Hezbollah. Mais cette année, elle a pris une ampleur différente. De fait, les déclarations à ce sujet ont commencé quelques jours avant la journée proprement dite. C’est Hassan Nasrallah qui avait ouvert le bal en annonçant que désormais « l’équation est la suivante : une attaque contre Jérusalem signifie le déclenchement d’une guerre régionale », avant d’ajouter que « les fronts (de l’axe de la résistance) se sont unifiés », dans une allusion au fait que si un des fronts avec les Israéliens s’embrase, les autres bougeront aussi.
La déclaration de Nasrallah a été suivie d’un discours similaire de Ziad Nakhalé, responsable de l’organisation palestinienne Jihad islamique, proche de l’Iran. D’autres discours ont suivi, de la part du chef des gardiens de la révolution, le général Hassan Salami, ainsi que du chef de la brigade al-Qods au sein de cette même organisation, le général Ismaïl Qaani, qui a remplacé le général Kassem Souleimani à la tête des opérations extérieures des gardiens de la révolution. Sans oublier les discours traditionnels de l’ayatollah Ali Khamenei et de Hassan Nasrallah hier. De plus, la Journée d’al-Qods s’est accompagnée d’affrontements violents autour de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem entre Palestiniens et soldats israéliens.
Selon des sources proches du Hezbollah, c’est en toute connaissance de cause que Nasrallah a choisi d’annoncer l’unification des fronts de l’axe dit de la résistance, notamment le Liban, la Palestine et la Syrie, ainsi que l’Iran régulièrement menacé par les Israéliens d’être attaqué sous prétexte de détruire ses capacités nucléaires.
C’est d’autant plus d’actualité qu’il est question d’une entente sur le dossier nucléaire iranien en relançant l’accord conclu en 2015 après l’avoir actualisé, ce qui déplaît fortement aux Israéliens, qui ne cachent pas leur hostilité à cette éventualité. Le message véhiculé par Nasrallah et par les autres chefs militaires de « l’axe de la résistance » est donc destiné en premier lieu aux Israéliens, pour qu’ils ne songent pas à se lancer dans une aventure militaire à la veille de la conclusion éventuelle d’un accord sur le nucléaire entre la communauté internationale, et en particulier les États-Unis, d’une part, et l’Iran de l’autre. Si jamais cela devait se produire, la riposte pourrait consister en une guerre régionale généralisée. Ensuite, le message est destiné aux Américains et à leurs alliés régionaux, et il vise à mettre l’accent sur la coordination totale entre les membres de cet axe. Pour rappel, Nasrallah a fait cette déclaration au début de la semaine, mais elle n’a suscité aucune réaction sur le plan interne, alors qu’en principe, les détracteurs de la formation chiite l’accusent régulièrement de vouloir entraîner le Liban dans une guerre qui n’est pas la sienne. Le chef du Hezbollah n’a pas clairement dit que le Liban interviendrait, il a juste évoqué « l’unité des fronts ». C’est pourquoi certains analystes considèrent que cette déclaration s’inscrit essentiellement dans le cadre de la guerre psychologique et médiatique que se livrent le Hezbollah et les Israéliens depuis des années. Les partisans de cette thèse précisent que Nasrallah a conclu son intervention en disant qu’il est convaincu, comme beaucoup de gens, qu’il pourra aller prier à la mosquée al-Aqsa à Jérusalem de son vivant. Pour eux, cette phrase a surtout une portée morale et psychologique.
Mais ce que les analystes relèvent, c’est que cette coordination verbale inédite entre des chefs militaires iraniens, palestiniens et libanais à l’occasion de la Journée internationale d’al-Qods intervient à un moment compliqué régionalement et internationalement. Mise en cause par les pays occidentaux à cause de la guerre en Ukraine, la Russie s’est rapprochée de l’Iran et de la Syrie, ainsi que de certains États du Moyen-Orient, condamnant ainsi ouvertement les bombardements israéliens en Syrie, alors que les Israéliens cherchent malgré tout à la ménager. De même, les États du Golfe ne prennent pas ouvertement position en faveur de l’Ukraine et ne condamnent pas la Russie, tout en ne commentant pas les affrontements qui se déroulent autour de la mosquée al-Aqsa ni les déclarations des chefs militaires. Le message principal est donc clair : un axe qui affiche son unité face à des alliances fragilisées et confuses.
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Que cela soit dit une fois pour toute, le Liban est une république démocratique, laïque et souveraine. La politique de tous les axes régionaux et internationaux ne la concerne pas. Il y a un Chef d'Etat, un Chef de Parlement, un Chef de Gouvernement, et eux seuls ont le droit de s'occuper de tout ce qui concerne les politique intérieure et extérieure de l'Etat. Tout rassemblement, parti, ou organisation qui n'est pas d'accord avec cet état de fait peut aller voir ailleurs. Vive le Liban !
Un Libanais
22 h 14, le 30 avril 2022