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Nos Lecteurs ont la Parole

À vendre fruits et légumes

Dans mon quartier de gens chics et célèbres, deux marchands de légumes se disputent le marché. L’un est Libanais pure laine, venant de je ne sais quel village, l’autre viendrait du pays voisin, plus précisément de ma vieille ville natale Alep. Il est bardé de tous les permis administratifs nécessaires pour rouler sa bosse dans mon quartier.

Devant le commerce de l’un, de grosses berlines luisantes bien astiquées par les portiers égyptiens du quartier sont soigneusement alignées. Un valet, égyptien comme il se doit, en costume de circonstance, fait allègrement l’agent de circulation pour assister monsieur Chic et madame Célèbre à quitter leur carrosse. On entre dans le magasin par une porte qui s’ouvre automatiquement. On se croirait dans une bijouterie sur la place Vendôme à Paris. L’étalage des fruits et légumes est surprenant, les prix, s’ils sont affichés, sont impressionnants.

À cette exposition, il est strictement interdit de toucher. On vous demandera de vous contenter de promener votre regard d’un coin à l’autre de la place. Des subalternes égyptiens en gants feront le reste pour vous. Ils commenceront leur besogne par vous toiser. Par la suite, ils commenteront la fraîcheur et l’excellence de leurs denrées pour sélectionner pour vous les joyaux du jour. Ils rempliront les sacs, pèseront vos merveilles, apposeront les prix, les mettront dans votre chariot flambant neuf et pousseront celui-ci jusqu’à la caisse.

La caissière, libanaise, cette fois-ci, puisque occupant un poste de haute importance, vous jaugera du coin de l’œil, vous montrera un large sourire et commencera à scanner les étiquettes tout en vous regardant dans les yeux, comme si elle voulait tâter votre patience et votre tolérance à admettre les prix. À la fin, elle vous tend une facture longue comme son bras, à laquelle vous ne comprenez rien. Vous payez, vous sortez, escorté par le commis égyptien jusqu’à votre grosse voiture luisante. On vous aidera à mettre vos précieux biens dans le coffre que l’on fermera pour vous. On vous installera même au bord du volant. Bien sûr, on arrêtera pour vous la circulation pour vous laisser passer et, en prime, on vous fera un signe d’au revoir de la main. Vous partez content. Vous avez été servi comme un pharaon et payé une facture digne d’un roi. Votre ego est bien flatté, vous êtes reconnu, très bien vu, le tout pour quelques tomates, concombres, fraises, agrumes, et j’en passe.

Chez mon ami l’Alépin, les choses sont différentes. Devant sa porte, point de vitrine. Des caissons de fruits et légumes dispersés comme dans un marché aux puces encombrent le trottoir. Vous garez votre voiture à la première place vacante. Vous y entrez comme on entrerait dans un souk. Le propriétaire du bazar est toujours là pour vous saluer, demander de vos nouvelles et, à l’occasion, vous complimenter sur la couleur de votre manteau qu’il trouve ravissante. Vous circulez librement dans les allées. Les prix sont clairement affichés. Vous pouvez même tâter les provisions, goûter aux légumes et humer le parfum des fruits. Un gentil commis syrien vous demandera discrètement s’il peut vous aider. Vous faites votre choix. Vous remplirez vos sacs et les déposerez dans un chariot de fortune. Vous passez à la caisse, tenue par le propriétaire des lieux évidemment. Il vous fera un sourire et vous demandera si le tout est satisfaisant. Il veillera à apposer une étiquette de prix sur chacun de vos sacs et vous tendra une facture des plus claires. Il vous remerciera chaleureusement, vous priera de transmettre ses salutations à vos voisins et demandera à son fils de vous aider à porter vos commissions. Vous déposerez le tout dans votre coffre et saluerez de la main le propriétaire des lieux.

Vous avez été servi comme un vrai père de famille, heureux de ramener des courses à la maison. Ce soir, vous vous régalerez devant une belle et fraîche salade et dégusterez allègrement les fruits de saison. Vous en avez eu pour votre argent, et vous en êtes heureux !

Où est donc l’erreur et à qui incombe la faute ? L’erreur est que, malheureusement, il y en a qui sont toujours flattés par les apparences, même en ces temps difficiles. Il y en a qui sont encore dans leur bulle d’antan malgré la famine. Il y en a encore qui confondent saveur et avoir, appétit et pouvoir. Il y en a qui, peu importe la situation, renchérissent et surenchérissent les prix au coût de je ne sais quoi. Et il y en a qui sont arrogants, hautains, malgré leur situation précaire, blindés d’une indifférence qui vous tue jusqu’au plus profond de votre être, et d’autres qui sont restés gratifiants et humains malgré leur douleur et leur affliction ! Et il y a la protection du consommateur qui est toujours déclarée aux abonnés absents malgré le fait que le pays, lui, agonisant certainement, signe toujours présent !

On ne construit pas un pays sur des mirages, hélas !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Dans mon quartier de gens chics et célèbres, deux marchands de légumes se disputent le marché. L’un est Libanais pure laine, venant de je ne sais quel village, l’autre viendrait du pays voisin, plus précisément de ma vieille ville natale Alep. Il est bardé de tous les permis administratifs nécessaires pour rouler sa bosse dans mon quartier. Devant le commerce de l’un, de grosses...

commentaires (2)

Chère madame Vous ne voyez que ce que vous voulez bien voir Je ne sais pas dans quel quartier vous vous trouvez mais si vous poussez votre voiture un peu plus loin vous rencontrerez les bons petits marchands libanais qui vivent de leurs productions, de leurs montagnes et vous servent avec beaucoup d’attentions et d’égards sans zyeuter sur votre voiture de luxe ou votre manteau. Et ces gens là s’appellent Jeryes, Tanios, Boutros etc…. Et à la caisse vous trouverez Inaam, Maha, Soad etc… souvent les prix sont affichés et ils vous rajoutent des produits choisis dans vos sacs. Ils vous proposeront même parfois de goûter à ceci ou cela. C’est facile de jeter la pierre ….

Liliane Tabet OLJ03064

09 h 39, le 03 mai 2022

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Commentaires (2)

  • Chère madame Vous ne voyez que ce que vous voulez bien voir Je ne sais pas dans quel quartier vous vous trouvez mais si vous poussez votre voiture un peu plus loin vous rencontrerez les bons petits marchands libanais qui vivent de leurs productions, de leurs montagnes et vous servent avec beaucoup d’attentions et d’égards sans zyeuter sur votre voiture de luxe ou votre manteau. Et ces gens là s’appellent Jeryes, Tanios, Boutros etc…. Et à la caisse vous trouverez Inaam, Maha, Soad etc… souvent les prix sont affichés et ils vous rajoutent des produits choisis dans vos sacs. Ils vous proposeront même parfois de goûter à ceci ou cela. C’est facile de jeter la pierre ….

    Liliane Tabet OLJ03064

    09 h 39, le 03 mai 2022

  • l'auteure de cette "lettre" aux lecteurs omet signaler que le gentil tout plein vendeur de legumes et fruit, alepin d'origine est barde de ttes les autorisations administratives possibles ou c'est le libanais snob qui l'est ? Mais l'essentiel dans cela est que l'auteure n'a pas relev que les prix -gentiments affiches par le "refugie" commercant alepin- etaient presque aussi eleves que ceux appliques par le commercant voisin snob.

    Gaby SIOUFI

    11 h 35, le 29 avril 2022

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