L’équipe du Hezbollah chargée du dossier des relations avec les alliés de ce parti ne semble pas être au bout de ses peines. Elle avait tout juste réussi à rétablir les liens entre Nabih Berry et le duo Michel Aoun-Gebran Bassil, ou du moins à obtenir leur engagement de mettre un bémol à leurs critiques respectives, et voici que les guéguerres recommencent entre eux et s’étalent dans les médias.C’est ainsi que la visite mardi à Baabda d’un candidat sur une liste rivale à celle du tandem chiite dans la circonscription du Liban-Sud II (Tyr-Zahrani) a relancé ouvertement les tiraillements entre le CPL et le mouvement Amal et montré que le feu continue de couver sous la cendre et que la moindre étincelle peut tout embraser. D’autant que cette visite a été précédée d’une déclaration du chef de l’État faite depuis Bkerké, où il se trouvait pour assister à la messe de Pâques, dans laquelle il a rappelé que ceux qui bloquent aujourd’hui le pouvoir judiciaire sont ceux-là mêmes qui avaient paralysé le gouvernement pendant plusieurs semaines. Autrement dit le tandem chiite, et plus particulièrement le mouvement Amal, surtout que le ministre des Finances, Youssef Khalil (proche de Nabih Berry), s’abstient toujours de signer le décret de la formation de l’assemblée plénière de la Cour de cassation (chargée de trancher les recours en dessaisissement contre Tarek Bitar, afin qu’il poursuive son enquête sur l’explosion du port de Beyrouth). Le Hezbollah avait pourtant déployé des efforts immenses pour pousser ses deux alliés, Amal et le CPL, à se présenter sur une même liste dans certaines circonscriptions et à cesser les campagnes hostiles entre eux, au moins jusqu’aux élections prévues le 15 mai. Il lui avait même fallu tenir plusieurs réunions avec chacun d’eux séparément, brandir les chiffres et invoquer l’intérêt collectif pour les convaincre d’accepter de conclure une sorte de trêve. Amal et le CPL ont finalement cédé face à l’insistance du Hezbollah, tout en se réservant chacun la possibilité de critiquer l’autre, dans le cadre des campagnes électorales, pour pouvoir mobiliser les électeurs. En effet, après des années de conflits entre les deux formations, pour divers prétextes mais essentiellement au sujet de ce que le CPL appelle la lutte contre la corruption, il était difficile de convaincre leurs bases respectives de la nécessité de nouer ce que les deux camps appellent « des alliances électorales », juste pour augmenter le nombre de sièges de la liste commune. Les conseils du Hezbollah l’ont finalement emporté et les deux formations se sont retrouvées dans certaines circonscriptions sur une même liste. Les adversaires du CPL ne se sont d’ailleurs pas privés de le critiquer à ce sujet, et son chef Gebran Bassil a clairement évoqué cette question, dans un de ses discours électoraux, assurant qu’une fois les élections législatives terminées, chaque député ira rejoindre son bloc et l’alliance électorale en restera là. Malgré tout, de l’avis du Hezbollah, le ton général du discours de Bassil était moins violent que d’habitude. De son côté, le président de la Chambre n’a pas du tout évoqué cette question dans son dernier discours, et ses lieutenants l’ont plus ou moins occultée dans leurs dernières déclarations.
Le Hezbollah pouvait donc s’estimer satisfait jusqu’à un certain point, considérant avoir réussi à calmer relativement le jeu entre ses deux alliés et, par la même occasion, à obtenir un répit pour pouvoir se consacrer aux questions électorales proprement dites. Mais le répit était de courte durée.
L’agression samedi contre des candidats de l’opposition à la liste Amal-Hezbollah à Sarafand et le tollé politique et populaire qu’elle a soulevé a relancé le conflit avec le CPL. Certes, Amal a condamné l’agression dans un communiqué officiel et l’armée a arrêté mercredi l’auteur présumé des tirs contre les candidats de l’opposition, mais la formation de Nabih Berry reste malgré tout mise en cause. D’ailleurs, le candidat Hassan Ahmad Khalil, connu pour ses critiques virulentes à l’égard du président de la Chambre et de son camp, s’est basé sur cette agression pour annoncer à l’issue d’une rencontre avec le chef de l’État son intention de suspendre sa candidature aux législatives (il ne peut plus la retirer car le délai légal a expiré). La raison invoquée est l’absence de liberté d’action des candidats de l’opposition dans la circonscription du Liban-Sud II, considérée comme le fief du mouvement Amal et de son président. Dans une conférence de presse tenue le lendemain, il a réclamé des « garanties de sécurité pour les candidats de l’opposition, pour les délégués dans les bureaux de vote et pour les électeurs ». Le plus surprenant dans sa déclaration, c’est qu’elle a été faite à partir de Baabda. Cela a été considéré comme un signe d’escalade entre le chef de l’État et son camp d’une part, et le président de la Chambre et son camp d’une autre. Immédiatement, les médiateurs du Hezbollah se sont activés pour tenter de limiter les dégâts. À cause des campagnes électorales, les deux alliés du parti de Dieu estiment avoir une certaine latitude pour s’adresser à leurs bases électorales, et ce n’est pas parce qu’ils ont formé des listes communes qu’ils doivent renoncer à mobiliser les électeurs. Pour eux, l’alliance électorale est une chose et les questions politiques une autre. De plus, en cette période délicate où le CPL s’estime être la cible d’une grande campagne interne et externe visant à l’affaiblir, le Hezbollah ne peut que comprendre le souci de son allié de mobiliser les électeurs... tout en se tenant prêt à intervenir au cas où le conflit avec Amal dérape.
commentaires (10)
On doit impérativement faire échouer ce trio diabolique !
Wow
16 h 57, le 23 avril 2022