
Le journaliste vedette Marcel Ghanem. Photo d'archives
La procureure générale près la Cour d'appel du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, a demandé mercredi au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de prendre "une position claire" concernant le journaliste vedette de la MTV Marcel Ghanem, qu'elle accuse de lui avoir porté atteinte dans son émission télévisée "Sar el-Wa't".
Dans un communiqué publié mercredi soir, la magistrate, connue pour sa proximité du camp politique du président de la République, Michel Aoun, que M. Ghanem critique régulièrement, affirme que le journaliste "s'en est pris" à sa personne dans l'introduction de son émission à grande audience.
"Le journaliste Marcel Ghanem s'est attaqué à moi de façon inédite, mon seul tort étant d'exercer toutes mes prérogatives dans les enquêtes et les poursuites que j'engage (...), et cela le dérange ainsi que ses maîtres", a écrit la juge. "Je souhaite que le Conseil supérieur de la magistrature prenne une position claire à l'égard de ce ciblage injustifiable et qui porte atteinte à ma personne mais aussi à tout le corps judiciaire, afin de terroriser tous les juges qui tentent d'ouvrir des dossiers qui déplaisent à tel politique ou tel journaliste (...)", a ajouté la juge. "Je me réserve le droit d'engager des poursuites contre le journaliste précité", a conclu Ghada Aoun.
"Plus grande publicité électorale"
Dans son émission diffusée le 17 mars, Marcel Ghanem entame une introduction dans laquelle il critique la juge en la nommant. "Bienvenue dans un Etat dominé par le Hezbollah qui s'est fixé comme objectif de faire réussir ses alliés (lors des législatives du 15 mai). La première manifestation de cela a été les poursuites engagées par la juge Ghada Aoun contre certaines personnes, et dans certains dossiers", affirme le journaliste. "La juge qui n'a pas eu l'audace d'enquêter sur l'institution (de microfinance affiliée au Hezbollah) Al-Qard al-Hassan ni de publier un seul tweet contre le trafic de Captagon, et qui n'a pas arrêté un seul des tireurs à Tayouné (...)", a décidé aujourd'hui d'arrêter Raja Salamé, le frère du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé", poursuit Marcel Ghanem. Il accuse ensuite la juge Aoun de "détruire le dernier espoir des déposants pour recouvrir leur argent en banque", avant de la qualifier de "plus grande publicité électorale", la taxant de "populisme".
La juge Ghada Aoun défraie souvent la chronique, notamment à travers des perquisitions filmées en direct, ou encore à travers ses prises de positions dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Récemment, elle a engagé des poursuites contre plusieurs banques dans un pays en plein effondrement économique et financier depuis 2019, et a engagé des poursuites contre le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, et son entourage. Les détracteurs de la juge l'accusent d'avoir des motivations politiques, le président Aoun ayant fait du patron de la banque centrale sa bête noire ces dernières années, en lui faisant assumer la responsabilité de l'effondrement généralisé. Riad Salamé se défend régulièrement contre ces accusations, malgré le fait qu'il fasse l'objet de plusieurs enquêtes au Liban, ainsi que dans plusieurs pays européens, sur fond de soupçons de corruption.
Marcel Ghanem avait été poursuivi en justice en novembre 2017 pour avoir laissé s'exprimer dans son émission sur la chaîne LBCI un journaliste saoudien, qui s'était livré à des attaques en règle contre le président de la République, Michel Aoun, le président du Parlement Nabih Berry, et le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Gebran Bassil, les accusant d'être "partenaires du Hezbollah dans le terrorisme". Ayant bénéficié du soutien de la LBCI, il avait été interrogé avant d'être maintenu en liberté sous caution d'élection de domicile. Le premier juge d'instruction au Mont-Liban, Nicolas Mansour, avait émis en avril 2018 un non-lieu dans l'affaire de M. Ghanem --qui depuis a rejoint la MTV-- et avait décidé de renvoyer l'affaire devant le tribunal des imprimés.
Le problème est que cela n’aboutit à rien. Qu’ils se dévoilent tous, s’accusent, se déchirent, je n’ai aucun problème. Il y en a très peu dignes de respect dans la classe politique. Mais ces actions incomplètes commencent à m’agacer. Je comprends maintenant pourquoi certains les qualifient de folkloriques et louches. Pourquoi ne jamais aller au bout d’une action? Jamais un seul succès dans ces différents dossiers qu’on étale simplement pour courir en ouvrir un autre.
12 h 14, le 25 mars 2022