![L'ABL confirme une grève des banques lundi et mardi L'ABL confirme une grève des banques lundi et mardi](https://s.lorientlejour.com/storage/attachments/1295/Association-des-Banques-du-Liban-ABL-696x412_813368.jpg/r/1200/Association-des-Banques-du-Liban-ABL-696x412_813368.jpg)
Le siège de l'Association des banques du Liban. Photo d’archives ANI
Dans un contexte judiciaire et économique de plus en plus tendu, l'Association des banques du Liban a finalement confirmé, vendredi soir, une grève lundi et mardi des établissements bancaires pour mettre en garde contre les risques que représente la situation actuelle. Dans un communiqué, l'ABL réclame également "l'adoption d'un loi sur le contrôle des capitaux le plus rapidement possible" ainsi que d'un "plan de redressement".
Plus tôt dans la journée, une source de l'ABL avait indiqué à L'Orient-Le Jour que l'association, qui a tenu une assemblée générale à la mi-journée, donnerait une conférence de presse dimanche lors de laquelle elle annoncerait les mesures décidées en réaction aux procédures judiciaires lancées au Liban et à l’étranger contre des banques libanaises, par des déposants contestant les restrictions qu'elles imposent sur l’accès à leurs comptes. Des procédures dont certaines ont abouti ces derniers mois. Cette source avait précisé que l'on se dirigeait vers une grève d'"avertissement" de deux jours. C'est donc confirmé, avant même la tenue de cette conférence de presse. La grève aura donc lieu lundi 21 et mardi 22 mars.
"Les banques libanaises ne peuvent plus supporter les décisions abusives qui mettent les banques en confrontation avec les déposants", écrit l'ABL dans son communiqué, tout en dénonçant des "abus au niveau de certaines décisions judiciaires".
Pour sa part, le Premier ministre Nagib Mikati a annoncé une réunion du Conseil des ministres samedi à 10h pour se pencher sur la question des banques.
L'assemblée générale de l'ABL, vendredi, s'est tenue au lendemain de l'arrestation de Raja Salamé, frère du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, sur ordre de Ghada Aoun, procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban et réputée proche du camp aouniste. La juge est aussi engagée dans un combat frontal avec le gouverneur de la BDL. L’annonce de la réunion avait été faite mardi dans le sillage de l’affaire Fransabank qui a été rendue publique mercredi. L’établissement bancaire, un des plus importants du pays, est sous le coup d’une ordonnance de saisie exécutoire prononcée par la première juge d’exécution de Beyrouth, Mariana Anani, dans le cadre d’une affaire l’opposant à un de ses déposants réclamant la restitution de ses fonds dans la monnaie dans laquelle ils ont été libellés, et non en chèque bancaire.
L'Association des banques a déjà à plusieurs reprises pointé du doigt une volonté des autorités de laisser les responsables bancaires faire face seuls à la colère des déposants "pour des raisons qui ne sont pas de son ressort". L’association avait également déjà au gouvernement d’intervenir pour "accélérer la mise en place des décisions qui permettraient de mettre fin" aux différentes procédures visant les banques, et à faire pression pour qu’une loi instaurant un contrôle formel des capitaux soit adoptée.
Mikati défend les banques
Dans ce contexte, le Premier ministre libanais, Nagib Mikati, s'est entretenu vendredi au Grand sérail avec le ministre de la Justice, Henri Khoury, et a accusé "certains juges" de provoquer des tensions dans le pays, prenant ainsi position en faveur du secteur bancaire. "L'attachement à l'indépendance de la justice et la non-ingérence dans ses affaires (ne doit pas aller à l'encontre de) la stabilité dans le pays sur tous les plans, notamment financier", a estimé M. Mikati. "La justice a le droit d'enquêter sur toutes les affaires financières et bancaires, surtout lorsqu'il s'agit de restituer l'argent des déposants (...). Mais avoir recours à des mesures populistes et policières dans le cadre de ces enquêtes cause du tort à la justice en premier lieu, et à tout le secteur bancaire", a affirmé le chef du gouvernement, connu pour ses positions en faveur du gouverneur de la BDL. "Il est clair que les agissements de certains juges provoquent des tensions insupportables. Il y a des tentatives d'instrumentaliser ces tensions à des fins électorales", a accusé M. Mikati, dans une allusion à peine voilée au Courant patriotique libre fondé par le président Aoun et dirigé par le député Gebran Bassil. "Cela est dangereux", a encore estimé le chef du gouvernement.
Pour sa part, le président de la République, Michel Aoun, s'est défendu de politiser le dossier à des fins électorales. "La présidence ne s'est jamais mêlée du travail de la Justice et respecte son indépendance, mais elle suit de près l'affaire de l'audit juricomptable de la Banque du Liban en application de la loi votée en ce sens", a affirmé M. Aoun, lors d'une réunion vendredi avec le ministre de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui. "Toute cette confusion aurait pu être évitée si l'on avait hâté l'adoption du plan de relance financière en accord avec le Fonds monétaire international", a estimé le chef de l'Etat.
Le gendre de M. Aoun et chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, s'est lui aussi défendu contre les accusations de ses détracteurs. "Vos fabulations sont sans fin. Vous nous avez dernièrement accusés d'agir de manière chaotique dans le domaine bancaire pour reporter les élections. Un esprit malade et des médias vendus", a réagi M. Bassil dans un tweet, alors que certains observateurs accusent le camp aouniste, en perte de popularité, de vouloir reporter le scrutin. "Nous voulons que les banques réussissent et qu'elles financent l'économie, nous voulons un pouvoir judiciaire honnête qui demande des comptes à ceux qui ont transféré et volé de l'argent, et des législatives aux dates prévues", a-t-il assuré.
Le chef de l'Eglise maronite, Béchara Raï, a, lui, estimé que "la majorité des mesures judiciaires (bancaires) entrent dans le cadre d'un règlement de comptes politique durant cette période électorale".
Contexte
Confrontées à une crise majeure de liquidités en devises, qui couvait depuis au moins 2017, les banques ont commencé dès l’automne 2019 à limiter l’accès des déposants à leurs comptes, d’abord en dollars, puis même en livres à partir de fin 2020. Les causes de cette crise sont aussi bien liées à la surexposition de plusieurs enseignes à une dette publique libanaise aux rendements juteux, mais contractée par un État dont beaucoup estiment que son fonctionnement est gangrené par des faits de corruption, d'incompétence, et régulièrement paralysé par les tensions politiques. Les banques ont aussi investi des dizaines de milliards de dollars dans des certificats de dépôts à la Banque du Liban, dont les réserves nettes sont largement négatives depuis plusieurs années et qui a cessé d’intervenir sur le marché pour soutenir la parité officielle de 1.507,5 livres pour un dollar en vigueur depuis fin 1990.
Si les restrictions officiellement mises en place par l’ABL depuis novembre 2019 sont illégales, ni la BDL (qui avait les moyens d’agir à court terme) ni le Parlement (qui pouvait voter une loi de contrôle des capitaux) ne sont intervenus pour régulariser la situation. La Banque du Liban a, elle, adopté de nombreuses circulaires qui ont conduit à la multiplication des taux de change entre la livre et le dollar.
De plus en plus de déposants mécontents se sont mis à saisir les juridictions locales, tandis que certains autres, détenteurs d'une nationalité autre que libanaise, se sont tournés vers les magistrats étrangers. Les événements se sont accélérés en novembre dernier, avec la condamnation en première instance de Saradar Bank en France après l'action d'une de ses déposantes. Si BLOM Bank a obtenu gain de cause face à l’un de ses clients en décembre devant un tribunal de Londres et pour une affaire similaire, la Société générale de banque au Liban (SGBL) et Bank Audi se sont fait sanctionner dans le même pays il y a quelques semaines, avant le coup infligé mercredi à Fransabank par une juge libanaise. Celle-ci a fait poser des scellés sur les coffres de deux agences appartenant au réseau Fransabank qui ont tout de même ouvert leurs portes jeudi, mais sans effectuer de transactions bancaires, selon une source à la banque contactée jeudi.
Parallèlement à ces affaires, dont certains juristes estiment qu'elles doivent aussi être considérées dans leur dimension politique, une autre série de procédures a été lancée à l’initiative de la juge Ghada Aoun. Jeudi dernier, la juge a gelé les avoirs de cinq banques au Liban – Bank of Beirut, Bank Audi, la SGBL, BankMed, BLOM Bank – et ceux des membres de leurs conseils d’administration, alors qu’elle enquête sur les transactions qu’ils ont effectué avec la BDL. Et jeudi, la magistrate a déclaré à l’agence Reuters avoir prononcé une interdiction de voyager à l’encontre du président de Creditbank, Tarek Khalifé, et a gelé tous les actifs de la banque, y compris les propriétés et les véhicules, dans le cadre d’une enquête en cours.
LA FERME,LES BANQUES! et rendez nous notre LL et notre argent de travail. On comptait tjs sur l indépendance du systeme bancaire , de L État chez nous! till la magouille et l escroquerie générale d auj !!
21 h 17, le 18 mars 2022