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Nos Lecteurs ont la Parole

À faire pâlir tous les danseurs 2.0

Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Leurs différences sont source de vives critiques. Les plus vieilles critiquent les plus jeunes et vice versa. Les changements apportés par les nouvelles générations sont toujours vus du mauvais œil ou en tout cas d’un œil sceptique par les anciennes. Changements d’habitude, de style de vie, de mode, de penser la vie, de manière de vivre. De vivre ses amours, ses amitiés, ses relations, de vivre sa vie.

Nos anciens disaient de nous : une génération pourrie, minable et ratée. La mère supérieure de notre école nous réprimandait à chaque occasion et nos grands-mères n’en faisaient pas moins. Et on avait, nous aussi, à redire d’eux : ce sont des anciens frustrés pour n’avoir pas su dire non ! Ce sont des jaloux pour n’avoir pas pu vivre librement leur adolescence et la libéralisation des mœurs et les mouvements d’« il est interdit d’interdire ». Et même des fois on les sentait jaloux de ne pas les avoir initiés.

Ainsi les critiques s’enchaînaient. Ainsi les critiques fusaient. En réponse, notre désinvolture s’amplifiait. Vivant dans un monde où les valeurs de liberté et d’émancipation battaient tous les non-dits, notre liberté d’expression se prêtait à un avenir prometteur.

Et ainsi, notre humanité se réjouissait.

L’atmosphère, le ciel et les étoiles nous bénissaient.

Par souci de rapprochement, un mur s’est totalement effondré.

Affichant le vrai sens de la mesure, l’humilité et la nuance dans nos pensées s’y trouvaient.

Fins et moqueurs de tout, l’imperfection on l’acceptait.

La culture, on vénérait, et des statues, jamais on n’a renversé.

Insoumis, la remise en cause, on acceptait.

Insouciants de l’avenir, la force du temps, on respectait.

Qu’allons-nous devenir ? On s’en moquait.

Le moment même on travaillait et l’essentiel on retenait.

Le sens du relationnel et l’équilibre émotionnel on développait.

Notre intuition on libérait. Notre instinct on mûrissait.

Acceptant l’inconnu on l’accueillait pour mieux l’apprivoiser.

Fidèles à nos vêtements et surtout à nos jeans, qu’à force de porter on les trouait.

Des « bohémienneries » à la « rimbaldienne », on vivait d’amour, et d’eau fraîche on se désaltérait.

Dans la vertu des régimes démocratiques on croyait.

Dansant le slow, comme des étoiles on scintillait et la Grande Ours prétentieuse, nous adoubait.

Et ainsi notre humanité évoluait vers plus d’humanité.

Et puis patatras. Le siècle numéro 21. Le nouveau monde. La création d’une interconnectivité planétaire. On avait cru avec Victor Hugo, non sans naïveté, à l’idée de la perfectibilité de l’humanité, à l’idée que ce qu’on a commencé va continuer dans le bon sens. Mais malheureusement le progrès de nos jours n’est autre que rétrogradation et déchéance. À l’époque de la « twitterisation » et les réseaux de tout genre, l’humanité croit désormais dans l’absurdité et l’ignorance.

Une nouvelle humanité constituée de jetons et followers qui font le bonheur, surtout matériel, de quelques géants de la tech, de la virtualité et des influenceurs et influenceuses.

Une nouvelle humanité qui sympathise avec les régimes autoritaires. Elle trouve leurs présidents héroïques. Elle a le goût pour les hommes forts et une fascination pour leurs actions. Elle est convaincue de vaincre ses spectres par la force, au lieu d’être convaincue de les vaincre par la force de la liberté et de la démocratie.

Cette nouvelle humanité ne nous ressemble plus. Elle a détrôné notre sens du plaisir. Ce dernier était modeste et prenait des allures d’éternité, le leur est outrecuidant et éphémère, il puise sa source dans l’anomie. Elle a déboulonné notre sens des valeurs. Notre sens du plaisir était « modernement » religieux et l’acceptation de l’autre relevait de l’intelligence. Le leur puise sa source dans la haine de l’autre et son rabaissement

Thuriféraire de ses propres idées, cette nouvelle humanité est représentée par une génération qui a perdu tout sens de la nuance et qui ne fonctionne que par l’amalgame, par des paroles crues, par des instincts impubères, par des passions tristes incontrôlées, par des médisances lâchées à coups bas et par un enfermement mental qui nargue les philosophes des lumières et leur fait un pied de nez.

Tel Paul Claudel face au pilier de Notre-Dame qui a une révélation qui a dominé toute sa vie, cette nouvelle humanité face au pilier des réseaux a une pluie torrentielle de révélations qui dicte leur raisonnement et s’empare de leur cerveau. Sans remise en question ni compréhension, elle y croit et elle y adhère tout bêtement.

Le progrès de l’humanité vers plus d’humanité est-il une fabulation ?

« Peut-être la suprême vertu serait-elle de regarder l’inhumanité sans perdre la foi dans les hommes. » Raymond Aron

Allez, dansez à nouveau le slow.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Leurs différences sont source de vives critiques. Les plus vieilles critiquent les plus jeunes et vice versa. Les changements apportés par les nouvelles générations sont toujours vus du mauvais œil ou en tout cas d’un œil sceptique par les anciennes. Changements d’habitude, de style de vie, de mode, de penser la vie, de...

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