Le « Comité des martyrs de l’explosion au port de Beyrouth », collectif considéré comme proche du Hezbollah et du mouvement Amal, qui s’était détaché en octobre dernier de l’écrasante majorité des familles des victimes de la double explosion du 4 août 2020, œuvre une nouvelle fois à mettre hors jeu le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar chargé de l’enquête. Une délégation menée par Ibrahim Hoteit et Salman Barakat, respectivement porte-parole et avocat du groupe, a en effet présenté mardi à la Cour de cassation une demande de récusation à l’encontre le juge Bitar. Demande que le premier président de la cour, Souheil Abboud, devra déférer à l’une des chambres de l’instance.
La démarche judiciaire menée mardi intervient alors que Tarek Bitar a les mains liées depuis décembre dernier en raison d’un recours similaire présenté par Ghazi Zeaïter et Ali Hassan Khalil, deux députés et anciens ministres du mouvement Amal, mis en cause dans l’affaire. Ce recours ne semble pas devoir être tranché de sitôt, le magistrat chargé de son étude, Naji Eid, président de la 1re chambre de la Cour de cassation, faisant lui-même l’objet d’une action en responsabilité de l’État, intentée par les mêmes anciens ministres. D’un autre côté, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, compétente pour statuer sur cette action, ne peut le faire en raison de la perte du quorum requis pour sa réunion. Celui-ci ne sera rétabli de sitôt. Et pour cause : les tiraillements au sein du Conseil supérieur de la magistrature entravent la nomination de membres de l’assemblée plénière en remplacement d’anciens membres partis à la retraite.
En décembre dernier, le groupe représenté par M. Hoteit avait déposé un recours pour suspicion légitime à l’encontre du juge d’instruction auprès de la 6e chambre pénale de la Cour de cassation, présidée par Randa Kfoury, qui n’a pas encore statué sur la question. Il avait ensuite demandé au ministre de la Justice Henri Khoury de faire parvenir à M. Abboud une lettre l’exhortant à proposer au Conseil des ministres la récusation et le remplacement de M. Bitar. On sait que ce groupe s’était formé après que, dans une vidéo filmée où il se trouvait vraisemblablement sous la menace, Ibrahim Hoteit a réclamé la mise à l’écart du juge Bitar. Jusqu’alors, il soutenait constamment le magistrat face aux pressions et intimidations du Hezbollah et du mouvement Amal.
Politisation de l’affaire
Ibrahim Hoteit justifie le recours par ce qu’il qualifie de manière « arbitraire » avec laquelle le juge d’instruction mène ses investigations. « Plutôt que de convoquer tel ou tel responsable politique, le juge Bitar devrait assigner à comparaître les présidents de la République, les chefs de gouvernement, et tous les ministres de la Justice, de l’Intérieur et des Transports qui se sont succédé depuis le débarquement du nitrate d’ammonium au port de Beyrouth (2014) jusqu’à la survenue du cataclysme », soutient-il dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour.
Or, pour un magistrat rompu aux affaires pénales, seul le juge en charge du dossier décide de l’opportunité d’une mise en cause. Pour lui, le juge Bitar ne peut être critiqué tant que les éléments de son enquête ne sont pas connus.
Interrogé pour en savoir plus sur les motifs du recours en question, l’avocat du groupe, Salman Barakat, nous affirme que ses mandants « craignent que l’enquête n’aboutisse pas à lever le jour sur les circonstances du cataclysme et l’identité de ses auteurs », d’autant que, selon lui, M. Bitar « mêle la politique à la justice ».
Un commentaire que fustige Tracy Najjar, mère de la petite Alexandra tuée dans la double explosion. Pour elle, c’est plutôt le collectif d’Ibrahim Hoteit qui est « politisé ». Elle estime dans ce cadre qu’il « est sous la pression d’un parti politique qui ne veut ni la vérité ni la justice ». « Même si l’on ne sait pas s’il fait ce qui lui est demandé par conviction ou sous la contrainte, il est déplorable qu’il fasse primer son intérêt devant celui de centaines de victimes, voire de la majorité des Libanais », regrette Tracy Najjar.
commentaires (7)
les ukrainiens se battent tous en choeur contre l'ours ras- Poutine, alors que nos magistrats regardent impassiblement la guerre menee contre.... contre leur propre existence ! Bravo mssrs .
Gaby SIOUFI
10 h 23, le 02 mars 2022