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Économie - Immobilier

Les loyers de bureaux à Beyrouth ont baissé de 50 % depuis 2019

En collaboration avec Ramco Real Estate Advisers, « L’Orient-Le Jour » dévoile les prix des loyers (en dollars frais) demandés dans différents quartiers d’affaires de Beyrouth.

Les loyers de bureaux à Beyrouth ont baissé de 50 % depuis 2019

Les quartiers de Gemmayzé et Mar Mikhaël ont été très affectés par l’explosion du 4 août 2020. Dix-neuf mois après ce drame, la majorité des immeubles de bureaux n’ont pas encore été réparés et le marché y est presque à l’arrêt. Photo João Sousa

En deux ans et demi, la crise économique et financière, les dégradations au centre-ville de la capitale liées au mouvement de contestation contre la classe dirigeante et à l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, dévastant de nombreux quartiers environnants, ont fortement perturbé le marché locatif des bureaux à Beyrouth. Très affecté par les manifestations en son sein fin 2019, le centre-ville est moins recherché. La demande s’est déplacée vers les périphéries d’Achrafieh et certains quartiers de Ras Beyrouth.

Aujourd’hui, les loyers varient de 75 à 250 dollars frais par mètre carré par an, alors qu’en 2019 ils s’étiraient de 100 à 350 dollars le mètre carré annuellement. Le basculement des modes de paiement en a été le couperet. À partir de 2021, l’offre en dollars frais ou « vrais dollars » (en espèces ou transférés de l’étranger) s’est progressivement imposée. Seule une minorité de propriétaires, dont les bureaux sont peu demandés, acceptent encore des dollars libanais ou « lollars » (bloqués en banque en raison des restrictions imposées par le secteur en marge de la crise) et des livres libanaises.

Cette nouvelle donne a déréglé le marché et la généralisation des loyers en vrais dollars a réduit la demande. « Celle-ci est devenue quasi inexistante. Pourquoi des compagnies ouvriraient-elles aujourd’hui à Beyrouth alors que beaucoup ne pensent qu’à fermer et quitter le pays ? » s’alarme Patrick Jammal, directeur général de l’agence immobilière Ascot. « Le marché a également été touché par la pandémie de Covid-19 qui encourage désormais le télétravail », ajoute-t-il.

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Toutefois, le marché n’est pas totalement au point mort. Quelques sociétés cherchent à réduire leurs coûts en déménageant vers des locaux moins chers, plus petits et avec un minimum de coupures d’électricité.

« Nous avons loué plusieurs bureaux de 100 à 400 m² au cours des derniers mois. Il s’agit souvent de compagnies qui se relocalisent », confirme Abdo Oueidate, directeur général du centre d’affaires Gefinor sur Clemenceau.

Cependant, la baisse de la demande et l’augmentation du stock de bureaux vacants ont tiré les prix vers le bas. « Suite à la dévalorisation des lollars par rapport aux dollars frais, les loyers ont subi une forte décote. De 2019 à 2022, les prix ont chuté d’environ 50 % », constate Raja Makarem, fondateur de l’agence immobilière Ramco Real Estate Advisers.

Selon l’enquête de L’Orient-Le Jour et de Ramco, le loyer moyen actuel dans la majorité des bureaux de Beyrouth se situe autour de 90 dollars le mètre carré par an (sans les charges d’immeuble et les coûts de générateur).

Au centre-ville, les prix les plus chers

Les prix les plus chers se trouvent au centre-ville de Beyrouth dans le secteur de Mina el-Hosn autour du centre d’affaires Starco. Les bureaux les plus élégants et luxueux se négocient autour de 250 dollars le mètre carré par an. Ce sont des produits de niche et ils concernent une poignée d’immeubles. Les loyers de cette minorité de bureaux ont baissé de 30 à 40 % depuis 2019.

Le secteur Foch-Allenby a particulièrement été touché par les manifestations de 2019-2020 et l’explosion au port en août 2020. Plusieurs immeubles n’ont pas été rénovés et beaucoup de fenêtres sont encore protégées par des planches en bois. Aujourd’hui, la demande reste timide. « Les gens sont encore hésitants à louer dans cette partie du centre-ville », avoue le représentant d’un propriétaire.

Même une baisse des prix n’arrive pas à attirer des locataires. Ainsi, un bureau de 180 m² à 20 000 dollars par an (soit 111 dollars le mètre carré) est disponible. En 2019, ce bien était affiché à 250 dollars le mètre carré. Quelques locaux sont à louer, rue Uruguay, entre 90 et 100 dollars le mètre carré.

Les bureaux situés à l’intérieur du périmètre de sécurité du Parlement ont vu leur cote s’effondrer. Certains immeubles autour de la place de l’Étoile se sont vidés en quelques semaines. Les barricades qui ceinturent cette zone ont plombé l’ambiance. « Certains se sentent mal à l’aise avec cet environnement de blocs de béton et de fils barbelés », constate le gestionnaire de plusieurs bureaux qui a demandé de témoigner à titre anonyme.

Malgré des loyers de 50 à 75 dollars le mètre carré et le fait que certains propriétaires acceptent des paiements en lollars et en livres, la demande ne suit pas. « Notre taux d’occupation est passé de 65 % en 2019 à 30 % en 2022. Depuis octobre 2019, nous n’avons eu aucune demande. Nous n’avons pas de prix à proposer puisque personne ne nous pose la question », déplore-t-il.

Ras Beyrouth : une période de transition

Bien que deux importantes ONG (Médecins sans frontières et la Croix-Rouge internationale) y aient leur siège social, Hamra n’est plus une destination d’affaires très recherchée. Le stock des bureaux est pénalisé par la vétusté des immeubles mal entretenus. Les loyers ont subi une forte baisse depuis trois ans. Certains bureaux annoncés à plus de 200 dollars le mètre carré en 2019 ne trouvent pas preneur, aujourd’hui, même à moins de 100 dollars le mètre carré.

« Mes deux bureaux de 61 m² et 204 m² ont été entièrement rénovés. Je demande 85 dollars par mètre carré et je n’arrive pas à les louer. Je ne suis pas sollicitée », avoue Lina (le prénom a été modifié), propriétaire rue Makdissi.

Le long de la rue Bliss, un espace de 350 m² avec une vue dégagée sur le campus de l’Université américaine de Beyrouth est également proposé à 85 dollars le mètre carré.

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Pour tenter d’être attractifs, des propriétaires acceptent des chèques bancaires sur la base de 170 à 200 lollars le mètre carré, voire des paiements en livres libanaises.

Rue Clemenceau, le centre d’affaires Gefinor semble épargné par la crise et affiche un taux d’occupation de 90 %.

« Notre stratégie est de garder au maximum nos actuels locataires et d’attirer de nouvelles compagnies avec des tarifs compétitifs. Finalement, 2022 sera une année de transition, et étant donné la situation économique, il faut être réaliste et raisonnable », explique Abdo Oueidate.

La chute des prix touche également la rue Verdun où un bureau de 330 m² avec neuf places de parking cherche un locataire pour 30 000 dollars par an. Ce bien avait été loué en 2016 à 75 000 dollars annuels.

« Même après une baisse de 50 % des loyers par rapport à 2020, les propriétaires n’ont pas de garantie de trouver facilement des locataires », déplore Patrick Jammal.

Achrafieh : les petites surfaces privilégiées

Les quartiers Gemmayzé et Mar Mikhaël ont été très affectés par l’explosion du 4 août 2020. Dix-neuf mois après ce drame, la majorité des immeubles de bureaux n’ont pas encore été réparés et le marché y est presque à l’arrêt. Parmi les rares biens à louer, il faut compter 26 000 dollars annuels pour un « open space » rénové de 280 m² rue Pasteur.

L’avenue Charles Malek demeure l’adresse de bureaux la plus chère d’Achrafieh. Mais elle n’a pas pour autant été épargnée par la crise actuelle et les loyers y sont également en baisse. L’absence de demande a par exemple contraint le propriétaire d’un large bureau de 670 m² à revoir ses tarifs. Le loyer affiché à 83 700 dollars annuels en novembre dernier est désormais de 67 000 dollars.

« Les grandes surfaces sont de moins en moins recherchées. Nos clients nous demandent principalement des petites surfaces de 50 à 100 m² pour un loyer allant de 75 à 100 dollars le mètre carré annuel », précise Patrick Jammal.

Plusieurs immeubles d’affaires ont été construits ces dernières années dans le secteur du Musée et de la Corniche du Fleuve. Beaucoup de bureaux sont encore en structure de béton et n’intéressent pas les locataires. « Les compagnies cherchent des bureaux déjà prêts et ne veulent pas investir dans des travaux, étant donné la conjoncture actuelle. Certaines déménagent pour avoir un loyer moins cher, pas pour faire les travaux à la place du propriétaire », explique Raja Makarem.

La parfaite illustration du manque d’appétit des sociétés pour les bureaux en béton est cet espace de 806 m² dans un immeuble élégant. Annoncé à 140 000 dollars par an, le loyer est de 174 dollars le mètre carré, c’est presque le double de la moyenne des loyers à Beyrouth pour des produits finis.

« Rendre fonctionnel cet espace va coûter trop cher, même si le propriétaire accorde des mois de grâce. Ce bureau est déjà vacant depuis plusieurs années et il risque de le rester encore longtemps. C’est au propriétaire de terminer les travaux et de le rendre fonctionnel, pas au locataire », conseille Raja Makarem.

Ces propos sont confirmés par la hausse de la demande pour des bureaux meublés. Certaines sociétés à la recherche de petits espaces déjà équipés sont prêtes à payer un premium pour ce type de produit. Deux bureaux meublés viennent de se louer autour du secteur Palais de justice sur les bases de 120 à 150 dollars le mètre carré. Cette fourchette de loyers est également appliquée pour des bureaux meublés à Saifi Village et Clemenceau.

Entre le Musée et Badaro, les disponibilités ne manquent pas. Mais les loyers (de 80 à 150 dollars le mètre carré) varient d’un immeuble à l’autre. Toutefois, les bonnes affaires sont possibles, comme le prouve la récente location d’un large espace de 900 m² sur la base de 50 dollars le mètre carré.

En toute logique, la crise pousse les propriétaires à revoir leurs tarifs. Le loyer d’un bureau de 240 m² à Badaro est passé de 45 000 dollars annuels en juin 2021 à 30 000 dollars par an en février 2022, soit une baisse de plus de 30 % en l’espace de quelques mois.


En deux ans et demi, la crise économique et financière, les dégradations au centre-ville de la capitale liées au mouvement de contestation contre la classe dirigeante et à l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, dévastant de nombreux quartiers environnants, ont fortement perturbé le marché locatif des bureaux à Beyrouth. Très affecté par les manifestations en son sein fin...

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