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Politique - Invasion de l’Ukraine

En dépit de leurs bonnes relations, Beyrouth tance Moscou

Walid Joumblatt, connu pour sa proximité avec la Russie, appelle à une solution diplomatique.

En dépit de leurs bonnes relations, Beyrouth tance Moscou

Des Libanais et des Ukrainiens résidant au Liban brandissant des pancartes sur lesquelles on peut lire « Arrêtez l’agression russe, arrêtez Adolf Poutine » et « Sans Poutine, pas de guerre », lors d’une manifestation hier devant l’ambassade russe à Beyrouth. Mohammad Azakir/Reuters

L’invasion, jeudi à l’aube, de l’Ukraine par l’armée russe occupe tous les esprits libanais, population et classe politique comprises. Après de longues heures de silence, le Liban officiel s’est prononcé hier soir, condamnant clairement l’offensive militaire russe, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

« Le Liban condamne fermement l’invasion du territoire ukrainien et appelle la Russie à arrêter immédiatement ses opérations militaires, à retirer ses forces et à recourir au dialogue et aux négociations, dit le texte. C’est le moyen idéal pour résoudre le conflit en cours de manière à préserver la souveraineté, la sécurité et les préoccupations des deux parties. Cela contribue à épargner aux peuples des deux pays, du continent européen et du monde, les tragédies des guerres. » Le pays du Cèdre explique sa décision par son attachement aux principes internationaux de paix, de sécurité et de respect des frontières. Il rappelle avoir lui-même été victime d’invasions militaires de son territoire, avec des conséquences dévastatrices pour de longues années. Cette position officielle est venue clôturer une journée noire pour l’Ukraine et pour de nombreux Libanais qui y vivent, dont des étudiants et des binationaux : quelque 1 800 selon l’ambassade d’Ukraine au Liban, un chiffre qui pourrait atteindre les 3 700 selon l’ambassade du Liban à Kiev. Une journée durant laquelle a retenti le bruit des armes dès les premières heures de la journée. La présidence a fait part de sa « préoccupation » et s’est dit « en contact avec le ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, pour assurer la sécurité et les besoins urgents des Libanais » dans la zone de conflit.

Dans les milieux populaires chiites proches du Hezbollah, on salue Poutine le courageux. Photo tirée des réseaux sociaux

La politique stabilisatrice de Moscou

Sur les réseaux sociaux libanais, le conflit occupe désormais les premières places, sous différents hashtags – #Ukraine, #armée_ukrainienne, #forces_russes, #UkraineRussie... – en arabe, français ou anglais. Les médias locaux, eux, pris de court, ont dû se rattraper hier matin et mettre en place des fils d’actualité, en direct. Tard dans la nuit précédant ces développements, ils avaient bouclé sur des actualités purement locales, le récent démantèlement par les services de sécurité de cellules terroristes de Daech, la recherche de parrains par une communauté sunnite abandonnée par Saad Hariri, la chute du niveau de l’éducation ou même la prochaine tempête qui s’annonce. Mais le conflit ukrainien n’était jamais bien loin, à quelques heures du début de l’opération russe. Notre confrère arabophone an-Nahar en avait fait sa seconde manchette. Alarmiste, il mettait en garde contre « la famine » qu’entraînerait au Liban la guerre russe en Ukraine, « selon Washington ». Le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, au terme d’une analyse géopolitique, effectuait un calcul des gagnants et des perdants de la crise ukrainienne. S’il plaçait Israël, la Turquie et l’Europe parmi les perdants potentiels, il évoquait les « bénéfices potentiels » de cette crise mondiale pour l’Iran.

L'édito d'Anthony SAMRANI

La rationalité selon Poutine

Il est important dans ce cadre de rappeler la politique de Moscou au Liban. Une politique qui se veut stabilisatrice, car les Russes regardent le Liban avec des lunettes syriennes. Pour eux, la stabilité du pays du Cèdre est essentielle à celle de son voisin. D’où les « positions favorables » de la Russie à la formation d’un gouvernement sans tiers de blocage, qui inclurait toutes les composantes libanaises. Gouvernement qui a finalement vu le jour en septembre 2021 après de longs mois de blocage. Durant cette période de paralysie institutionnelle, une partie de la classe politique s’était rendue à Moscou : l’ancien Premier ministre sunnite Saad Hariri, une délégation du Hezbollah menée par le député Mohammad Raad, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil et même le conseiller du président Aoun, l’ancien député Amal Abou Zeid. Une situation relevée avec ironie par la publication en ligne Mondafrique qui titrait en avril de la même année « La formation du gouvernement libanais passe par Moscou ».

« Poutine le courageux »

Tout l’establishment politique libanais entretient de bonnes relations avec Moscou, qu’il s’agisse du Liban officiel ou des formations politiques. Alors dès qu’il s’agit de commenter l’invasion de l’Ukraine, la prudence est de mise. Le leader druze Walid Joumblatt a réagi en premier, dans un tweet. « Il semble que l’histoire se répète avec de nouveaux acteurs, mais dans des circonstances similaires, a observé le chef du Parti socialiste progressiste. Les pays sont gouvernés par des individus et tout comportement non calculé ou irresponsable peut exposer l’humanité entière à la disparition. » À L’Orient-Le Jour, il fait le parallèle entre la crise ukrainienne et la crise des missiles de Cuba au plus fort de la guerre froide en 1962 entre les États-Unis et l’Union soviétique. Une crise qui avait alors mené les deux puissances au bord de la guerre nucléaire, avant une désescalade et un accord entre les deux adversaires. Entre Walid Joumblatt et Moscou, les relations sont « historiquement bonnes », malgré un « différend » sur la proximité de la Russie avec le régime syrien, ennemi juré du leader druze. Elles reposaient, notamment lors de la guerre civile, sur des aides scolaires, médicales et militaires au chef de Moukhtara, assurant ainsi sa « survie », raconte-t-il. « Je comprends bien les enjeux géostratégiques de ce qui se déroule entre la Russie et l’Ukraine. Si l’Ukraine adhérait à l’OTAN, l’Alliance atlantique se retrouverait aux portes de la Russie. En même temps, l’Europe craint une Russie trop puissante. Mais ce conflit doit impérativement être réglé par la diplomatie », insiste-t-il.

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« Au Liban, j’ai vécu la guerre, alors je savais quoi faire »

Du côté du CPL, parti fondé par le chef de l’État, c’est le silence radio. « Nous sommes derrière la position officielle libanaise », se contente de répondre le député Alain Aoun. Même mutisme de la part du Hezbollah qui évite de commenter officiellement l’invasion. Mais dans les milieux populaires proches de la formation chiite, on salue « Poutine le courageux » (en référence au titre de carar de l’imam Ali considéré par les chiites comme leur premier imam). Et dans l’entourage du parti de Dieu, on rappelle le « développement de la relation » avec Moscou ces dernières années. Une relation « solide et régulière », ponctuée de visites du Hezbollah en Russie et à l’ambassade au Liban. « Une relation à laquelle s’ajoute une coopération en Syrie », affirme Kassem Kassir, analyste politique proche du Hezbollah. Dans le conflit entre la Russie et les États-Unis, le Hezbollah se positionne d’ailleurs « dans le sens de la position de Moscou face à l’hégémonie américaine », rappelle Fayçal Abdel Sater, journaliste proche du parti de Dieu. Concernant le conflit ukrainien plus particulièrement, « il est évident pour le Hezbollah que l’OTAN et les États-Unis ont poussé les Ukrainiens au suicide, en faisant le ventre mou de la sécurité nationale russe, observe-t-il. Il est donc normal que le Hezbollah se positionne du côté de la Russie, par principe ».

L’invasion, jeudi à l’aube, de l’Ukraine par l’armée russe occupe tous les esprits libanais, population et classe politique comprises. Après de longues heures de silence, le Liban officiel s’est prononcé hier soir, condamnant clairement l’offensive militaire russe, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères. « Le Liban condamne fermement l’invasion du...

commentaires (7)

en tous cas, NOTRE fier pres de la republique aura pu assurer - en fin de mandat- un retournement des positions de tellement de parties, toutes desireuses de le suivre dans toute decision qu'il prendrait, politique soit elle ou financiere, sociale, d'ordre local ou int'l. en voila un nouvel exploit assure.

Gaby SIOUFI

15 h 19, le 25 février 2022

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • en tous cas, NOTRE fier pres de la republique aura pu assurer - en fin de mandat- un retournement des positions de tellement de parties, toutes desireuses de le suivre dans toute decision qu'il prendrait, politique soit elle ou financiere, sociale, d'ordre local ou int'l. en voila un nouvel exploit assure.

    Gaby SIOUFI

    15 h 19, le 25 février 2022

  • imbattable les Libanais. chevalier preux notre ministre bou abdallah ! qui a fait hesiter le pres. neo sauveteur des chretiens du MO- a qui jobrano le tout pti gendre a emprunte cette meme propagande- et donc apres quoi mr poutine revoit son invasion a la baisse , car de nouveaux calculs a envisager deviennent de rigueur.

    Gaby SIOUFI

    15 h 15, le 25 février 2022

  • Inexplicable ! La Sainte Russie qui insiste depuis toujours à rapatrier au plus tôt nos réfugiés syriens qui nous écrasent de leur poids , qui dénonce et condamn inlassablement la mainmise extérieure sur le pays ... Il fallait mieux la traiter .

    Chucri Abboud

    14 h 13, le 25 février 2022

  • Beyrouth, oui Beyrouth, vous avez bien lu, Beyrouth, quantite negligeable, Etat failli, mafieux, Etat hors-la-loi, controle par une milice criminelle, la lie des Etats, Beyrouth ' tance ' Moscou...! hahahahahaha...

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 28, le 25 février 2022

  • « Poutine le courageux ». Il faut en effet beaucoup de courage à un lion (ou un ours!) pour oser s'en prendre à une souris!

    Yves Prevost

    07 h 23, le 25 février 2022

  • Malheureusement encore une position officielle mal calculée et irresponsable, il aurait été préférable de rester dans le vague sans prendre position et appeler au dialogue franc dans l'intérêt des parties impliquées ... pourtant ils étaient tellement forts pour les slogans creux.... Décidément ça promet pour le futur...

    Eid Nasser

    00 h 48, le 25 février 2022

  • Tous les poids légers montent aux créneaux pour jouer dans la cour des grands..!

    LeRougeEtLeNoir

    00 h 17, le 25 février 2022

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