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Économie - Concurrence

Le Parlement scelle le sort des agences exclusives

Les députés ont aussi adopté les lois du douzième provisoire et de la levée temporaire du secret bancaire sur les comptes de la BDL et des institutions publiques.

Le Parlement scelle le sort des agences exclusives

Le Parlement libanais réuni hier en séance plénière au palais de l’Unesco. Hassan Ibrahim/Parlement libanais

Réuni hier au palais de l’Unesco, le Parlement libanais n’a finalement pas achevé l’examen des 22 points de l’ordre du jour fixé depuis la semaine dernière. Faute de quorum, le président de la Chambre Nabih Berry a en effet levé la séance en début d’après-midi, avant de confirmer l’annulation de la séance d’aujourd’hui.

Les députés ont néanmoins eu le temps de passer en revue plusieurs textes, dont l’un des plus importants inscrits au programme, à savoir la proposition de loi sur la concurrence au Liban. Un projet en gestation depuis plus de 20 ans et qui avait été largement parasité par le débat concernant l’avenir des agences exclusives – qui détiennent le monopole de représentation d’une ou plusieurs marques sur le territoire libanais. Plusieurs ministres de l’Économie et le Hezbollah avaient déposé des propositions à ce sujet, celles-ci ont servi de base à la version présentée aux députés.

Article 5 amendé

Selon nos informations recoupées avec celles relayées par les agences, les députés ont en effet approuvé le texte qui avait été étudié mais sans être validé par les commissions parlementaires le 7 février. Le très discuté article 5, qui sonne le glas de la couverture juridique que l’État apporte aux agences exclusives au Liban à travers le décret n° 34 de 1967, a finalement été approuvé avec quelques modifications présentées comme mineures.

Selon les informations disponibles avant la promulgation du texte et sa publication au Journal officiel, l’article 5 annule la possibilité pour les agences existantes au Liban d’être les représentants exclusifs de certain(e)s marques et/ou produits, selon les termes de la proposition du député Samir Jisr (courant du Futur). Le même article impose de plus aux nouveaux entrants, qui auraient désormais la possibilité de vendre eux aussi ces mêmes marques et/ou produits, de les garantir et d’assurer un service après-vente.

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Les députés ont également intégré une mesure transitoire supposée limiter les risques que des agences exclusives soient lésées à court terme, notamment en cas de litige avec leurs fournisseurs. Ce garde-fou consiste à empêcher quiconque de commercialiser les références de la ou des marque(s) concernée(s) sur le territoire libanais pendant trois ans à compter de la date du lancement d’une procédure devant une juridiction locale. Les contours de ce dispositif n’ont pas tous été clairement détaillés publiquement hier après la réunion.

Autre point important concernant la loi sur la concurrence qui fait déjà polémique : l’article 9 qui dispose qu’un acteur ne pourra pas être considéré comme étant en position dominante – ce qui est prohibé dans une optique de concurrence libre – s’il possède moins de 35 % de parts de marché sur un produit ou une marque donnée. Un seuil considéré comme trop élevé, notamment par le président de l’Association de protection du consommateur, Zouhair Berro, pour qui ce niveau ne devrait pas dépasser 15 % pour un seul et même acteur. L’association affirme être en train d’étudier les moyens de contester cette loi en justice.

Lors d’une allocution pendant la séance, Nabih Berry a pointé du doigt le fait que le Liban était « le seul pays qui héberge des agences exclusives, alors que l’accord de partenariat avec l’Union européenne impose leur annulation », relevant que le pays en comptait 3 300, dont seulement 313 respectent les règles qui leur sont imposées.

Audit juricomptable

Le Parlement a par ailleurs approuvé lors de la même séance une proposition de loi visant à prolonger la levée temporaire du secret bancaire sur les comptes de la Banque du Liban (BDL) et des institutions publiques. Cette mesure a également été étendue dans la foulée aux comptes des employés de la BDL, un aménagement présenté comme un moyen de lever tout obstacle pour la tenue de l’audit juricomptable initié par le gouvernement de Hassane Diab et soutenu par le président Michel Aoun. Ce point, qui ne figurait pas à l’ordre du jour, a été intégré en cours de séance à la demande du président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan (CPL).

La loi initiale avait été votée fin décembre 2020, après qu’une première tentative de mener cet audit confié au cabinet Alvarez & Marsal (A&M) le 1er septembre de la même année eut échoué, la BDL ayant brandi la loi sur le secret bancaire du 3 septembre 1956 – un argument contesté notamment par la ministre de la Justice à ce moment-là, Marie-Claude Najm. Le texte voté pour lever le secret pendant un an sur les comptes de la BDL et des institutions publiques a finalement expiré sans que ce volet de l’audit ne soit réalisé, malgré un second mandat accordé à A&M, d’où la décision d’entériner une nouvelle levée partielle qui restera cette fois en vigueur jusqu’à la finalisation de l’audit en question. Le député Kanaan a également demandé au président de la Chambre de faire voter la loi visant à lever le secret bancaire sur les institutions publiques.

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L’audit juricomptable, qui doit remonter à la source des transactions enregistrées sur les comptes contrôlés, est l’un des trois volets initiés par le gouvernement Diab. Lancés en même temps que le premier, le volet comptable confié à KPMG et celui visant à contrôler les méthodes employées par la BDL remis au cabinet Oliver Wyman ont été finalisés. Leurs résultats étaient particulièrement anticipés par les soutiens du pays en crise depuis plus de deux ans, et dont le passif des secteurs public et financier se chiffre en dizaines de milliards de dollars.

Douzième provisoire

En outre, les parlementaires ont autorisé le ministère des Finances, en dehors de l’ordre du jour, à poursuivre les dépenses publiques sur la base de la règle du douzième provisoire, dans un autre point qui ne figurait pas à l’ordre du jour. Cette règle, dictée par l’article 86 de la Constitution, permet en principe à l’État de continuer de fonctionner en l’absence de vote d’une loi de finances en se basant sur le « douzième provisoire de l’exercice précédent ». Cette option ne peut cependant être activée pendant le mois de janvier de l’année d’exécution du budget en discussion au Parlement, et uniquement dans le cas où celui-ci ne serait pas parvenu à approuver le budget du projet transmis dans les temps par le gouvernement. Ces conditions ne sont pas actuellement réunies, alors que le projet de budget n’a finalement pas été étudié au Parlement et qu’il sera, de toute façon, adopté hors des délais constitutionnels. Le Liban n’en est d’ailleurs pas à son premier dévoiement de cette règle, qui a servi à couvrir 12 ans d’exercices budgétaires exécutés sans loi de finances entre 2005 et 2017.

Autres points et dollar étudiant

Parmi les autres points de l’ordre du jour passés en revue, les députés ont approuvé plusieurs propositions de loi visant à accorder des promotions aux agents de la Direction générale de la Sûreté générale et à améliorer les conditions de travail de ses inspecteurs. Ils ont en revanche, tout en ôtant le caractère de double urgence, fait l’impasse sur les propositions de loi portant sur la révision des frais de scolarisation dans le secteur privé et la hausse du plafond des dépenses dans les écoles publiques, ainsi que sur la titularisation des enseignants travaillant à temps plein à l’Université libanaise depuis 2014. Idem pour la proposition visant à imposer des restrictions formelles sur la circulation des capitaux (plus précisément des « restrictions exceptionnelles et provisoires sur les transferts et les retraits bancaires », dont le contenu n’a pas fuité et qui n’a pas été votée). La proposition de loi sur l’indépendance de la justice a quant à elle été renvoyée en commission (voir encadré).

Depuis fin 2019, les Libanais subissent les restrictions bancaires unilatéralement mises en place par les banques, des mesures qui ont principalement empêché les déposants libanais d’avoir librement accès à leurs fonds en devise. Une situation qui, combinée aux circulaires de la BDL mettant en place un système de retrait en livres de ces dollars bloqués à des taux de change toujours inférieurs à ceux du marché où la monnaie nationale a perdu plus de 90 % de sa valeur en plus de deux ans de crise, a organisé un « haircut » (coupe) de facto de nombreux dépôts. Si de nombreux recours ont été déposés devant les tribunaux, peu ont réellement abouti.

Enfin, parallèlement à la séance, des parents d’étudiants à l’étranger ont tenu un sit-in devant le siège de l’Unesco et bloqué ensuite le croisement de Tallet el-Khayat-Corniche Mazraa, afin de réclamer l’application de la loi n° 193 sur le dollar étudiant, votée fin septembre 2020 et prolongée en décembre 2021. Celle-ci autorise le transfert à l’étranger d’un montant annuel de 10 000 dollars, calculé sur la base du taux officiel (1 515 livres pour un dollar, en comptant la marge autorisée), à tout étudiant inscrit dans une université étrangère dans un contexte de crise économique et de dépréciation de la monnaie nationale.

Dans un communiqué, l’Association des parents d’étudiants libanais à l’étranger a déploré le fait que le président Michel Aoun ait rendu le texte sur le dollar étudiant sans le signer, et dénoncé des « explications non convaincantes ». Réagissant à ces propos, le bureau de presse de la présidence a affirmé que le président « ne s’oppose pas à l’application de cette loi », assurant que le chef de l’État « a renvoyé le texte après y avoir trouvé des failles légales et constitutionnelles ». Les parents ont menacé de recourir à des mesures d’escalade.

L’indépendance de la justice renvoyée en commission

Le Parlement libanais, réuni hier au palais de l’Unesco, à Beyrouth, a renvoyé à la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice une proposition de loi critique sur l’indépendance de la justice, qui vise à empêcher le pouvoir politique de s’ingérer dans le système judiciaire. Figurant parmi les réformes-clés que le pays, en crise, doit lancer pour rassurer ses soutiens internationaux, le texte initial avait été conçu par des acteurs civils mais a été fortement remanié, à leur grand dam, par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice.

Cette proposition prévoit notamment la désignation par le gouvernement de trois membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en l’occurrence son président, le procureur général près la Cour de cassation et le président de l’Inspection judiciaire. Une prérogative critiquée par le Club des juges, qui réclame l’indépendance de la justice à travers une loi prévoyant que les dix membres du CSM soient « exclusivement élus par les juges ». Les rédacteurs du texte initial dénoncent ces amendements et estiment qu’ils vident le texte de son sens. La proposition de loi devra encore faire l’objet de remarques du ministre de la Justice, Henri Khoury, et des membres du CSM. Une proposition de loi visant à modifier les articles réglementant les recours en dessaisissement contre les magistrats, qui figurait dans l’ordre du jour, n’a par ailleurs pas été examinée par les députés. Elle avait été présentée par le député des Forces libanaises (FL) Georges Okaïs il y a deux mois, suite aux abus des responsables politiques mis en cause dans l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth.

Réuni hier au palais de l’Unesco, le Parlement libanais n’a finalement pas achevé l’examen des 22 points de l’ordre du jour fixé depuis la semaine dernière. Faute de quorum, le président de la Chambre Nabih Berry a en effet levé la séance en début d’après-midi, avant de confirmer l’annulation de la séance d’aujourd’hui.Les députés ont néanmoins eu le temps de passer...

commentaires (2)

Le dollar étudiant doit être voté avant tout le reste !

Wow

12 h 27, le 22 février 2022

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Commentaires (2)

  • Le dollar étudiant doit être voté avant tout le reste !

    Wow

    12 h 27, le 22 février 2022

  • Ce que fait Aoun concernant le dollar étudiant à l’étranger est hyper cruel et sournois connaissant le traumatisme et l’inconfort moral que vivent les étudiants. L’incapacité de pouvoir utiliser nos économies pour nos enfants est une autre forme de terrorisme et d’écrasement pervers envers notre société et culture. C’est bestial et planifié très sournoisement par la même bande de traîtres iraniens. Ils veulent casser l’éducation de nos enfants délibérément.

    Wow

    11 h 44, le 22 février 2022

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