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Nos Lecteurs ont la Parole

Des soleils intérieurs

Le Liban devient malheureusement le pays du manque. Tout genre de manques. On sait bien que les carences qui ne nous mettent pas à terre nous permettent d’avancer dans un élan de dépassement de soi. Cependant, notre vide est tellement immense qu’il déchire l’être et le broie, le rendant impuissant, livré à lui-même, sans aucun espoir pour poursuivre sa lutte. C’est malheureusement notre cas libanais au quotidien.

Mon engagement dans une association libanaise qui vise le développement social m’expose à des situations extrêmes où je côtoie le désespoir à l’état cru. À ces instants cruciaux, il me prend l’envie de baisser les yeux devant tant de détresse pour ne pas offenser la dignité de ces pères qui supplient, de ces mères qui crient leur désarroi, ne pouvant plus assumer leur quotidien absurde ni soutenir le regard interrogateur de leurs enfants.

Puis il me prend l’envie de vous vomir, vous, la cause de ce regard désemparé et déçu de l’enfance spoliée. Pour faire croire au peuple qu’il n’a plus de droits, plus de dignité, quand les seuls à avoir perdu leur dignité, c’est vous ! La dignité ne s’achète ni se vend, c’est pour cela qu’elle vous est inconnue. Ces personnes tourmentées par le manque, endolories, sont en fait de loin plus dignes que vous. Vous qui manquez de dignité par vos choix, par vos actes et surtout par votre indifférence. On n’est pas indigne pour ce qu’on subit, mais pour ce qu’on fait subir aux autres. On est indigne quand on perd son humanité. Seul l’humain est digne.

Vous avez tout autant dénué nos jeunes du sens profond qu’ils sont supposés donner à leur vie faute d’inspiration. Leur pays, au lieu de les inspirer, les « expire », les expulse, les exporte, les exclut… Où sont nos jeunes ? Dispersés aux quatre coins du monde. Chaque famille est marquée par des départs et des séparations quasi forcées, par ces béances et ces dépouillements. Encore des manques qui nous blessent et nous affligent.

Nous sommes un peuple en manque d’inspiration dans un pays qui résonne d’absence.

Mais cette inspiration manquante, il ne faut plus la rechercher ailleurs, en dehors de nous-mêmes, dans un modèle extérieur quelconque ! Il faut la puiser du « dedans », du creux de nos misères et de nos entrailles qui ont porté nos enfants exilés, du fond de nos tripes qui aspirent à la révolte et qui ont osé y croire un jour pour affirmer notre dignité menacée.

Oui, l’épreuve est pénible, mais c’est quand on atteint le fond que des ressources extraordinaires jaillissent, ces soleils intérieurs qui transcendent la réalité et nous poussent, sans peur, à reconstruire et à créer de nouveaux chemins, un nouveau destin.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Le Liban devient malheureusement le pays du manque. Tout genre de manques. On sait bien que les carences qui ne nous mettent pas à terre nous permettent d’avancer dans un élan de dépassement de soi. Cependant, notre vide est tellement immense qu’il déchire l’être et le broie, le rendant impuissant, livré à lui-même, sans aucun espoir pour poursuivre sa lutte. C’est...

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