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Nos Lecteurs ont la Parole

Considérations autour des FL et des élections législatives de 2022

Les élections législatives libanaises de mai 2022 constitueront-elles un tournant majeur dans la vie politique du pays ? Pour l’instant, rien ne le laisse penser. Néanmoins, des changements dans la composition de la Chambre des députés pourraient quelque peu remodeler la vie politique libanaise.

Concernant les 27 sièges réservés à la communauté chiite, aucune surprise n’est à prévoir, ils devraient a priori revenir au tandem Amal-Hezbollah (à l’exception du siège chiite de la circonscription du Mont-Liban I, pour les cazas de Jbeil et du Kesrouan, où la bataille reste encore incertaine).

Les principales batailles se joueront des côtés sunnites et chrétiens. Le retrait politique de Saad Hariri profitera certainement à ses opposants (Makhzoumi, Mikati...) même si des « faucons » du courant du Futur auraient prévu de prendre part à la bataille, Fouad Siniora en tête. Les alliances n’étant pas encore conclues et les listes étant encore en cours de composition, la scène reste encore très floue.

Intéressons-nous à la « bataille chrétienne ». Explosion du port de Beyrouth, crise économique, vote des expatriés… une partie non négligeable de l’électorat chrétien pourrait voter différemment par rapport à 2018.

Les Forces libanaises (FL) tireront-elles leur épingle du jeu ? Cela reste encore une équation à plusieurs inconnues.

Tout d’abord, le taux de participation. Si celui-ci n’était que de 49 % en 2018, les différents événements ayant secoué le pays ces trois dernières années pourraient entraîner une augmentation de ce taux et un vote sanction envers les partis traditionnels, Courant patriotique libre (CPL) en tête. Les FL pourraient ainsi voir leur électorat augmenter tout comme les groupes issus de l’opposition. Cela pourrait profiter aux FL si l’opposition se présente en ordre dispersé d’autant que les FL appuient les revendications des manifestants. Néanmoins, une partie de l’électorat non acquis de facto aux FL risque de ne pas oublier l’accord de Meerab si facilement.

Ensuite, si les FL et le PSP ont consolidé leur alliance électorale, l’absence du Futur sur des listes communes pourrait compliquer la tâche au parti de Samir Geagea, particulièrement dans des circonscriptions où le vote sunnite est déterminant (Zahlé, par exemple, où le vote sunnite constituait un plébiscite envers le parti bleu).

La nouvelle loi électorale leur étant plus favorable, les FL ont déjà quasiment doublé le nombre de leurs sièges passant de 8 à 15 députés (16 avant le passage du député Henri Chédid, élu au siège maronite de la circonscription de la Békaa-Ouest-Rachaya, du bloc FL au bloc du Futur peu après l’élection de mai 2018 – celui-ci ayant été en partie élu grâce aux voix FL dans cette circonscription). Si les FL s’attendent à devenir le principal parti sur la scène chrétienne à la suite des élections de mai 2022, plusieurs inconnues persistent : vote des émigrés, taux d’abstention, vote sanction après ces trois dernières années, absence d’alliance avec le Futur… Et si les FL ont certainement gagné des points ces dernières années (de leur dénonciation de la corruption au drame de Tayouné), leurs alliances électorales dans les différentes circonscriptions seront déterminantes pour leur future représentation dans l’hémicycle.

Au-delà de ces considérations électorales et plutôt confessionnelles, de quoi les FL sont-elles le nom ? Les Forces libanaises sont passées du stade de milice confessionnelle à un parti politique entre les années 1990 et 2005, avec entre-temps une période de répression intense durant l’occupation syrienne du pays. Mais les FL sont-elles un parti politique au sens moderne du terme ? Rien n’est moins sûr. Les FL disposent aujourd’hui d’un programme politique, certes moins élaboré que celui d’un parti politique occidental, mais leur programme a le mérite d’aborder différents volets : économie, souveraineté, stratégie de défense, etc. à la différence de certains de leurs rivaux sur la scène chrétienne dont le « programme » repose essentiellement sur la popularité d’un zaïm (Marada, Bloc populaire zahliote, Michel Murr au Metn), à l’exception des Kataëb, qui sont en train de prendre un virage social-démocrate, et dans une moindre mesure du PNL (sont abordés ici uniquement les partis « traditionnels » et non les mouvements issus des contestations populaires, ceux-ci ayant pour la plupart élaboré un programme politique en vue des futures élections). Quant au CPL, il semble plus préoccupé à gagner les faveurs de Damas qu’à élaborer un quelconque programme en vue des prochaines élections.

Concernant les FL, leur mue en parti politique doté d’un programme ne saurait nier la réalité politique libanaise, la solidarité communautaire (asabiyya, au sens khaldounien du terme) reste le catalyseur du parti. Presque sept siècles plus tard, la triade khaldounienne asabiyya-daawa-mulk garde toute sa pertinence pour analyser la manière dont le pouvoir s’exerce dans le pays. Dans un lieu donné, à une époque précise, une communauté religieuse (asabiyya), soudée par des liens tribaux et une communauté de destin, use d’une prédication (daawa) politique (également religieuse, mais dans une moindre mesure et de manière décroissante avec le temps) afin de conquérir le pouvoir (mulk). Les FL sont ainsi l’outil de la daawa, dont la fin est l’exercice du pouvoir. La réalité est certes un peu plus complexe et ne peut être décryptée uniquement sous l’angle confessionnel, mais force est de constater que les FL restent une organisation partisane confessionnelle (si la religion n’est plus le moteur principal du discours, elle reste un marqueur identitaire très important chez les partisans FL) et que la mue en parti politique moderne n’est pas totalement achevée. Si certains sunnites semblent adhérer au discours des FL, parallèlement au retrait de Saad Hariri et du courant du Futur d’une part, et aux récents évènements de Tayouné d’autre part, le discours du parti reste construit sur une base confessionnelle.

Néanmoins, on peut longuement palabrer autour d’une hypothétique augmentation du bloc des députés FL de 15 à plus de 20 membres (cf. les estimations de Samir Geagea rapportées dans L’Orient-Le Jour du 12 février), la situation économique, politique et sociale du Liban ne s’améliorera néanmoins pas pour autant…


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

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