
Khalil Farchoukh a été sanctionné après s’être exprimé sur les réseaux sociaux. Capture d’écran
Son histoire a fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours. Khalil Farchoukh, pompier à la caserne de Beyrouth depuis 2017, a écopé d’une sanction disciplinaire après avoir évoqué la maladie de sa fille en ligne et dénoncé le fait que la facture médicale de sa famille, couverte par la municipalité de la capitale, soit toujours calculée par cette dernière au taux officiel, mais désormais irréaliste, de 1 500 livres libanaises pour un dollar (le taux au marché libre oscille actuellement entre 20 000 et 22 000 LL). La plupart des hôpitaux, qui demandent à être payés en dollars « frais », refusent en effet de recevoir la petite Aya, âgée de deux ans, alitée et nourrie par le biais d’une sonde reliée à son tube digestif. Une histoire des plus malheureuses qui relance le débat sur la difficulté d’accéder aux soins de santé en temps de crise, notamment pour les fonctionnaires dont les salaires continuent d’être versés en livres libanaises.
C’est après avoir vendu les bijoux de son épouse, dépensé toutes ses économies et frappé à toutes les portes que Khalil a décidé de s’exprimer publiquement, selon des informations rapportées à L'Orient-Le Jour par un de ses proches, qui a requis l’anonymat. Et ce malgré l’interdiction de ses supérieurs. « Les hôpitaux refusent de faire soigner ma fille lorsqu’ils apprennent que je suis couvert par la municipalité de Beyrouth. La municipalité continue de régler les factures (en livres libanaises), calculées au taux officiel du dollar, à l’heure où les établissements demandent à être payés en dollars frais », a dénoncé Khalil lors d’une interview diffusée fin janvier par la page Facebook Sawt Beirut International. Les pompiers de Beyrouth sont des fonctionnaires qui dépendent administrativement de la municipalité de la capitale, qui leur offre – ainsi qu’aux gardes municipaux, au personnel de la municipalité et aux employés du bureau du mohafez de Beyrouth – une couverture médicale .
« Nous avons toujours été à ses côtés »
« Je prends des risques pour venir en aide aux autres, mais je suis incapable d’aider ma propre fille et de me faire soigner moi-même », poursuit Khalil dans cette interview qui lui a valu d’être condamné à 10 jours de prison ferme. Sa peine a été allégée après le tollé suscité par son histoire. Le pompier a finalement été mobilisé sans interruption pendant une semaine.
« Le problème, c’est qu’il s’est exprimé sans autorisation préalable, alors que le mohafez de Beyrouth Marwan Abboud lui avait promis de remédier à sa situation, explique le colonel Maher Ajouz, directeur de la caserne de Beyrouth. Je comprendrais qu’il enfreigne les ordres si nous l’avions abandonné à son sort, mais ça n’a jamais été le cas. Nous avons toujours été à ses côtés. » Le colonel Ajouz assure par ailleurs avoir « demandé à la municipalité d’octroyer à Khalil une aide de 120 millions de livres (près de 5 700 dollars au taux du marché parallèle) ». Et d’ajouter : « Le nouveau budget prévoit des hausses de salaires pour les pompiers, mais même avec ces augmentations, le problème ne sera pas réglé. »
Si Khalil a décidé de s’exprimer en ligne malgré tout, « c’est parce qu’on lui avait promis qu’Aya serait couverte à 100 % », explique son proche à L’OLJ. « Khalil a découvert que ce n’était pas le cas la dernière fois qu’elle a été hospitalisée, il y a deux mois. L’hôpital a exigé 9 millions de livres libanaises de différence à payer, mais Khalil n’avait pas cette somme. L’établissement a même menacé de ne pas laisser sortir la petite en attendant d’être payé. La famille l’a récupérée de force après avoir payé 3 millions de livres. C’est tout ce que Khalil avait sur lui. La petite a quand même arrêté les séances de physiothérapie, devenues trop coûteuses », poursuit ce proche. « Les soldats du feu ont beaucoup donné à ce pays, surtout lors des explosions au port, mais ils ont besoin d’être aidés en retour », ajoute-t-il.
Une réforme à l’étude
Interrogé par L'Orient-Le Jour, Élie Andrea, vice-président du conseil municipal de Beyrouth, assure pour sa part que « les pompiers bénéficient d’une assurance complète ». Il révèle par ailleurs que le mohafez de Beyrouth (l’autorité exécutive de la municipalité) est en train d’étudier une réforme de la couverture médicale en collaboration avec le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui. « On en saura plus dans une semaine à 10 jours. En attendant, le mohafez est en train d’accorder des autorisations exceptionnelles pour les cas les plus urgents, comme la fille du pompier », affirme M. Andrea. Le mohafez, lui, n’était pas joignable pour un entretien à ce sujet.
Le président de la municipalité de Beyrouth Jamal Itani blâme pour sa part les hôpitaux qui « refusent » de respecter les accords passés avec la municipalité. « De nombreux établissements refusent désormais de couvrir certaines procédures. Ils nous demandent également de payer des différences énormes. La municipalité couvre plus de 10 000 personnes, entre les employés et leurs familles, et nous nous retrouvons à régler des sommes très élevées », se plaint M. Itani. « Le cas de ce pompier est un exemple malheureux de ce que les fonctionnaires endurent. Il va falloir l’aider d’une manière ou d’une autre, souligne pour sa part un responsable au sein de la municipalité qui a requis l’anonymat. Ce problème est dû non seulement à la crise que traverse le pays, mais aussi au gaspillage effectué par la municipalité au cours des dernières années. Nombreux sont les fonctionnaires qui profitaient de la couverture médicale pour se faire rembourser des médicaments achetés par leurs proches. » Il révèle par ailleurs que la municipalité de Beyrouth est aujourd’hui incapable de couvrir les traitements de ses employés après avoir vu ses comptes se réduire comme peau de chagrin. « La municipalité de la capitale dispose d’une certaine somme en livres libanaises déposée à la Banque du Liban. Avant la crise, cette somme équivalait à 500 ou 600 millions de dollars. Aujourd’hui, avec la dévaluation de la livre, elle équivaut à 40 ou 50 millions dollars seulement », soupire-t-il.
Son histoire a fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours. Khalil Farchoukh, pompier à la caserne de Beyrouth depuis 2017, a écopé d’une sanction disciplinaire après avoir évoqué la maladie de sa fille en ligne et dénoncé le fait que la facture médicale de sa famille, couverte par la municipalité de la capitale, soit toujours calculée par cette dernière au taux officiel,...
commentaires (18)
Merci Zeina Antonios d’avoir aussi bien raconté cette histoire, Merci également de m’avoir donné le contact de la famille Le père m’a longtemps expliqué la situation au téléphone et nous avons immédiatement fourni une aide avec Les Petits Soleils Le suivi est long la petite Aya a besoin de beaucoup de soins mais nous les aiderons autant que nous pourrons c’est promis L’humain d’abord le reste .. agir est le plus important
Noha Baz
19 h 09, le 16 février 2022