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Nos Lecteurs ont la Parole

Mascarade d’un démantèlement « divin »

« Dix-sept réseaux d’espionnage pour le compte d’Israël démantelés », titre L’Orient-Le Jour du 31 janvier 2022. D’autres sources dévoilent que certains agents appartenant à ces réseaux feraient partie du Hezbollah ou même seraient originaires de groupuscules connus pour leur lutte contre Israël. Ainsi, un ancien occupant – en l’occurrence Israël – payerait les services de personnes pour espionner un occupant actuel maquillé de libanité : le Hezbollah… Faisant la politique de l’autruche comme à son habitude, l’État libanais a qualifié d’exploit le démantèlement de ce réseau d’espionnage, glissant comme sur une peau de banane sur le fait qu’encore une fois, face à son impotence à garantir la souveraineté libanaise sur l’ensemble des 10 452 km2 de son territoire, des Libanais ont eu recours/collaboré avec une puissance étrangère pour lutter contre un ennemi gangréné sur la scène locale : compulsion de répétition d’une histoire qui fait trauma. Il manquait juste de qualifier ce démantèlement de victoire divine pour sacraliser, encore plus, la cause de l’occupant…

Le vrai démantèlement à entreprendre, celui de la mainmise politico-militaire irano-syrienne sur le pays, sur l’aéroport de Beyrouth, sur le port de Beyrouth ainsi que sur l’ensemble des frontières terrestre et maritime. Quand nous l’avions tenté, nous l’avions payé de manière terrifiante par l’invasion milicienne armée du Hezbollah sur Beyrouth et la Montagne en mai 2008, invasion qui fut conclue par une capitulation politique lors des accords de Doha.

Le musèlement et la politique de la terreur sont exercés par ailleurs par ce réseau de différentes manières, à l’instar de l’assassinat politique comme le dernier en date, celui de Lokman Slim, en février 2021, ainsi que par la pression perverse exercée par exemple sur les parents des victimes du 4 août 2020 appartenant à la communauté chiite, les amenant à dénoncer et à discréditer l’enquête judiciaire en cours, à échanger le sang de leurs proches contre l’immunité/l’impunité des accusés et à follement ainsi se fourvoyer en se dépossédant de leur cause et en trahissant, brisés, ce qu’il y a de plus sacré et de plus cher.

Sur un autre volet, la manipulation et le détournement des faits sont leur fort. Pour revenir au démantèlement du réseau d’espionnage, « la crise économique » et le « besoin financier » sous-jacents auraient été pointés du doigt pour justifier les enrôlements de ces Libanais devenus « espions ». C’est comme s’il fallait toujours invoquer une raison qui insinuerait une fragilisation du jugement des personnes, un moment d’égarement psychique pour noyer le ras-le-bol sociopolitique qui prend corps de plus en plus contre le Hezbollah en particulier et contre l’establishment politique en général, ainsi que le souhait profond d’ouvrir la voie à des pourparlers avec Israël qui habite de plus en plus des Libanais de tous bords. Ces derniers ont assisté, certes avec envie, aux accords de paix qui se concluaient successivement entre Israël et l’ensemble des pays arabes. Si cet engouement pour la paix était d’abord inenvisageable chez les populations arabes ainsi que chez une bonne faction de Libanais, son tabou a été graduellement brisé par la signature des accords de paix entre l’Égypte et Israël en 1979, par la signature des accords d’Oslo entre l’Autorité palestinienne et Israël en 1993, du traité de paix israélo-jordanien en 1994 puis par la signature des accords d’Abraham conclus en 2020 entre Israël et les pays du Golfe sous l’égide des États-Unis.

Non, je ne m’étendrai pas sur la criminalité de l’État d’Israël à l’égard des Palestiniens, sur sa politique d’apartheid, sur sa colonisation illégale des territoires occupés, sur les check-points et l’humiliation quotidienne que subissent les Palestiniens dans leur propre pays, comme je ne m’étendrai pas non plus sur les liquidations de partisans qui ont eu lieu entre le Fateh et le Hamas, sur le fonctionnement politico-milicien de toutes les factions palestiniennes d’obédience étrangère, sur la présence de Mahmoud Abbas, par exemple, en Israël aux obsèques de Shimon Peres en 2016, non. Car, même si je soutiens la cause palestinienne et que je dénonce avec conviction tous les crimes commis à son encontre, je ne peux en tant que libanaise faire le choix de soutenir la cause palestinienne plus qu’elle ne se soutient elle-même et de continuer d’accepter l’instrumentalisation politique de cette cause au profit de l’occupation iranienne de mon pays.

J’invite par ailleurs les personnes qui boycottent l’État d’Israël par soutien au peuple palestinien, oubliant l’accord d’armistice de 1949 conclu entre le Liban et Israël, de boycotter également les aéroports internationaux où El Al atterrit et décolle, ainsi que les congrès internationaux – où si par hasard elles s’y retrouvent en tant que conférencier(e) ou participant(e), de demander au préalable sa nationalité au collègue qui leur adresse la

parole ; s’il/si elle est israélien(n)e, d’opter alors soit de l’ignorer, soit de quitter la salle sous peine de collaboration avec « l’ennemi(e) ». Je les invite également à faire la guerre, par souci de cohérence, à la Syrie pour faire payer à Assad les crimes commis par son régime contre son peuple depuis des décennies, à la Turquie, la Russie, l’Iran, l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Chine etc., également pour tous les crimes commis par leurs régimes à l’encontre des activistes et des opposants et pour leurs atteintes massives aux droits de l’homme, de la femme et aux droits humanitaires, à l’Europe et aux États-Unis qui sont à l’origine directe ou indirecte du financement des guerres politico-économiques, et de vivre d’amour et d’eau fraîche, à coups de plantations, enfermés dans ce siège étroit et étouffant qu’est devenu le Liban.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

« Dix-sept réseaux d’espionnage pour le compte d’Israël démantelés », titre L’Orient-Le Jour du 31 janvier 2022. D’autres sources dévoilent que certains agents appartenant à ces réseaux feraient partie du Hezbollah ou même seraient originaires de groupuscules connus pour leur lutte contre Israël. Ainsi, un ancien occupant – en l’occurrence Israël – payerait les...

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