Critiques littéraires Biographie

Alexandra Kollontaï, féministe marxiste assumée

Alexandra Kollontaï, féministe marxiste assumée

D.R.

Alexandra Kollontaï d’Hélène Carrère d’Encausse, Fayard, 2021, 312 p.

Dans Les Cloches de Bâle, Louis Aragon parle en termes élogieux de Clara Zetkin, une des rares femmes à participer au premier plan au congrès de Bâle (1912) aux côtés de Lénine, mais il ne mentionne jamais Alexandra Kollontaï qui était pourtant bien là, et aurait mérité, ne serait-ce qu’en raison de sa carrière politique et de son histoire extraordinairement romanesque, de figurer dans le roman d’Aragon. La spécialiste du monde russe, Hélène Carrère d’Encausse, répare aujourd’hui cette injustice en publiant une biographie passionnante de cette femme au destin si singulier.

Alexandra Domontovitch (1872-1952) est née dans une famille aristocratique et cultivée, d’une mère divorcée (fort rare au XIXe siècle) d’origine finnoise, et d’un père général. Très tôt, elle manifeste des dons pour l’écriture (elle écrira des essais et des romans) et la lecture. Son père la destinait à un beau mariage, mais, à l’âge de vingt-deux ans, elle se rebelle et convole avec Vladimir Kollontaï dont elle aura un fils. C’est sa curiosité intellectuelle et sa sensibilité qui la mènent à la politique ; d’abord vers les anarchistes, puis les mencheviks et enfin les bolcheviks. Elle divorcera à son tour, tout en gardant d’excellents rapports avec son mari et vivra, à travers l’Europe, plusieurs aventures amoureuses qu’elle mêlera à son étonnant parcours politique. Elle sera ministre sous la Révolution puis, dans la maturité, elle poursuivra une brillante carrière diplomatique, devenant une des premières femmes ambassadeur au monde.

Communiste, elle l’est assurément, mais elle est aussi et avant tout féministe. Pour elle, le marxisme ne saurait faire l’impasse sur la condition des femmes davantage opprimées, économiquement, socialement, que les hommes. Pour assurer la liberté des femmes, elle remet ainsi en cause, sans mesurer la cruauté que cela peut impliquer, la notion de famille. L’avenir radieux, pour elle, c’est d’envisager que les enfants soient pris en charge par l’État prolétarien, ce qui laisserait du temps libre aux femmes. Les marxistes purs et durs s’y opposeront.

Elle meurt en 1952, chargée d’années, et se trouve être, avec Staline bien sûr, la seule survivante des bolcheviks historiques de la révolution de 1917, tous les autres ayant été supprimés par les purges. C’est que, plusieurs fois en opposition à Lénine, elle n’a pas osé en faire de même face à Staline, et même en viendra à le soutenir ouvertement, abandonnant une partie de ses idéaux. « Certes, comme l’écrit Madame d’Encausse, son enthousiasme prostalinien –  qu’elle ne partageait vraisemblablement pas avec ses proches  – peut prêter à sourire ou à s’affliger pour ses excès. Mais il contribue à expliquer son destin exceptionnel, la capacité à vivre toute l’histoire de son pays sous Staline, et aussi, car cela a énormément compté pour elle, à rester utile à son pays. »

C’est tout un pan de la révolution russe et de la période stalinienne à (re)découvrir.

Alexandra Kollontaï d’Hélène Carrère d’Encausse, Fayard, 2021, 312 p.Dans Les Cloches de Bâle, Louis Aragon parle en termes élogieux de Clara Zetkin, une des rares femmes à participer au premier plan au congrès de Bâle (1912) aux côtés de Lénine, mais il ne mentionne jamais Alexandra Kollontaï qui était pourtant bien là, et aurait mérité, ne serait-ce qu’en raison de sa...

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