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Culture - Quoi qu’on en lise

Un écrivain robuste et vigoureux, un père en or

Dovlatov, je l’ai conseillé à mon libraire Luca qui ne le connaissait pas. Dix jours plus tard, Luca avait déjà lu trois de ses livres dont « La valise » réédité par les éditions Baconnière.

Un écrivain robuste et vigoureux, un père en or

Sergueï Dovlatov a mis ses souvenirs dans sa valise. Photos DR

Un écrivain qui répond à la question « Pourquoi écrivons-nous ? » par la réponse « Personnellement, j’écris pour mes enfants, pour qu’après ma mort, ils me lisent et comprennent qu’ils avaient un père en or », on ne peut que l’aimer. Cet écrivain, c’est Sergueï Dovlatov, né en 1941 à Oufa, en URSS. Dovlatov est grand de taille, « robuste », « vigoureux », tellement robuste et vigoureux que le journal pour lequel il travaille le désigne toujours pour aller aux obsèques. Il est le seul à pouvoir aider à porter un cercueil. Dovlatov déteste le journalisme, mais il n’a jamais cessé d’être journaliste car il faut bien gagner sa vie. Si ça ne tenait qu’à lui, il serait seulement écrivain, cette profession qui ne se choisit pas mais qui, elle, vous choisit ; toutefois, personne ne veut de ses écrits. Ou presque. En 1959, il est accepté à la faculté de philologie, ce qui constitue un passage obligé pour celui qui veut devenir auteur en URSS. Après avoir raté quatre fois un examen d’allemand, il est banni de cette même faculté. En 1967, une revue lui refuse la publication de six nouvelles en dépit d’un sens de l’observation dit « impitoyable ». Il parvient néanmoins dans les années suivantes à publier quelques textes courts. Son premier recueil de nouvelles trouve même un éditeur, mais le livre est censuré par le KGB qui détruit le manuscrit. On lui promet de l’éditer de nouveau puis on se retire.

La vie de Dovlatov, c’est des montagnes russes. Dovlatov passera par la case prison, le police parlera « de dissidence mineure », de « rencontres avec des journalistes occidentaux », et l’accusera de proxénétisme et de parasitisme social. Le KGB lui proposera alors de l’aider à quitter le pays. Dans sa biographie, il est inscrit que le 2 février 1970, il effectue un « voyage aller simple de Vienne à New York ». Lors de ce voyage, il emporte une valise dans laquelle huit objets lui rappellent des souvenirs de sa vie passée et sont le prétexte pour raconter, dans la douce-amère ironie qui lui est chère, le quotidien d’un journaliste, d’un écrivain, de femmes et d’hommes en URSS. Ce livre, La valise, les éditions Baconnière ont eu la merveilleuse idée de le rééditer. Dovlatov finira sa vie aux États-Unis où il mourra d’une crise cardiaque à l’âge de 48 ans. Là-bas, il parviendra enfin à éditer ses livres.

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On pourrait croire que Dovlatov était un dissident qui est passé de l’autre côté, mais il n’en est rien, Dovlatov était un homme libre qui serait resté en URSS si on l’avait publié. Je cite : « Je suis parti (en Amérique) pour devenir écrivain (…) L’unique but de mon émigration était la liberté créative. Je n’avais pas d’autres idées. Je n’avais pas même de griefs contre le pouvoir : j’étais habillé, chaussé, et jusqu’au bout, dans les magasins soviétiques, ils vendaient des pâtes, je n’avais pas besoin de penser à la subsistance. Si j’avais été édité en Russie, je ne serais pas parti. » Dovlatov, je l’ai conseillé à mon libraire Luca (voir la chronique parue dans notre édition du 28 septembre 2021) qui ne le connaissait pas. Dix jours plus tard, Luca avait déjà lu trois de ses livres : Le livre invisible. Le journal invisible, La zone et La valise, et il m’a écrit : « Bon, Dovlatov, c’est fabuleux. Merci bien. »

« La valise », Dovlatov, les éditions Baconnière

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commentaires (1)

Sans doute que seuls les écrivains russes parviennent à réconforter ceux qui vivent dans un monde absurde et infernal. C'est là que réside l'incroyable génie de ce peuple increvable.

Nicolas ZAHAR

08 h 53, le 02 février 2022

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Commentaires (1)

  • Sans doute que seuls les écrivains russes parviennent à réconforter ceux qui vivent dans un monde absurde et infernal. C'est là que réside l'incroyable génie de ce peuple increvable.

    Nicolas ZAHAR

    08 h 53, le 02 février 2022

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