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Culture - Quoi qu’on en lise

Si le Liban a besoin de nous, nous serons là

Traducteur vers l’espagnol de Wajdi Mouawad, Pablo Martín Sánchez sort, avec « L’anarchiste qui s’appelait comme moi », son premier roman.

Si le Liban a besoin de nous, nous serons là

L’écrivain et traducteur Pablo Martín Sánchez a mené une enquête sur son homonyme amoureux et anarchiste. © Isabel Rodríguez

J’aime ces livres où, lors de leur lecture, je m’arrête une page sur trois et je me mets à rêvasser à d’autres histoires inspirées de celle que je lis, cela m’est arrivé avec L’anarchiste qui s’appelait comme moi de Pablo Martín Sánchez, traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu. J’ai imaginé de jeunes anarchistes libanais qui préparaient en 2021 entre des caves et des cafés parisiens une opération secrète et de grande ampleur pour renverser le gouvernement au Liban. Je n’ai pas trop d’affection pour les anarchistes, non pas que j’aime l’ordre, loin de là me viendrait pareille folie, mais les anarchistes sont souvent décevants, un peu trop sanguinaires, un peu trop bourgeois. Mais ces jeunes Libanais-là, je ne les imaginais ni bourgeois ni sanguinaires, je les imaginais même vouloir rétablir l’ordre. Ils étaient des anarchistes de l’anarchie qui en avaient assez de ce désordre ambulant, de ce pays bordélique qu’est devenu le Liban aux mains de nos chers politiciens et voulaient, non pas qu’on marche tous en rang, mais rétablir le strict minimum, les besoins nécessaires, un peu plus d’eau, d’électricité, d’essence, pour que la vie soit un peu plus clémente au quotidien pour les habitants.


La doctrine de l’amour universel

Dans L’anarchiste qui s’appelait comme moi, ces anarchistes sont espagnols et réellement anarchistes. Le point de départ du livre est futé. Un écrivain, un peu désespéré, en panne d’inspiration, tape son prénom et son nom sur Google : Pablo Martín Sánchez. Il tombe sur un « cocktail de surfeurs, de joueurs d’échecs ou de responsables d’accidents de la circulation poursuivis en justice » et découvre, entre toutes ces réponses, un article sur un anarchiste qui porte le même nom que lui et qui a été condamné à mort en 1924. Il se pique de curiosité pour cet homonyme et se lance dans une enquête sur cet homme. On alterne alors entre l’enfance de Pablo (l’anarchiste) en Espagne à la fin du XIXe siècle, quand on l’imaginait muet et que le premier mot qu’il parvint à dire fut « Belle », et le Paris des années 20, lorsque l’Espagne était dirigée par la dictature de Primo de Rivera et que de nombreux exilés espagnols s’étaient réfugiés dans la capitale française.

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Pablo y travaillait dans une imprimerie et se faisait embrigader par ses camarades. On se retrouve baigné dans cette ville où la brasserie La Rotonde (le QG actuel d’Emmanuel et Brigitte Macron) était un repère de révolutionnaires espagnols mais aussi « une fourmilière d’artistes, de bohèmes, d’étudiants, de travestis, d’indics, de délinquants ». On partage la douleur de l’exilé espagnol quand il se met à penser à sa mère, à sa sœur, à sa nièce qu’il a abandonnées à leur sort en Espagne, on rencontre des anarchistes végétariens, des anarchistes qui répondent à la question « Qu’est-ce que l’anarchisme ? » par cette merveilleuse réponse : « C’est la doctrine de l’amour universel », et on se met à les aimer, ces anarchistes, à vouloir être comme eux et à même se reconnaître en eux. Je me suis même souvenu comment j’ai rejoint, sans même réfléchir un instant, le mouvement révolutionnaire libanais à Beyrouth en octobre 2019. Ma compagne Alma m’avait demandé un jour après le début du soulèvement : « Tu vas y aller ? » et je lui avais répondu avec les mêmes mots que Robinson (l’un des anarchistes espagnols du livre) avant de prendre mon billet Paris-Beyrouth : « Oui, ça va te sembler une folie, mais j’entends comme une voix intérieure qui me dit d’y aller. Si l’Espagne prend les armes et se soulève contre les bandits qui la gouvernent, je n’ai pas l’intention de rester les bras croisés. Si elle a besoin de moi, je serai là. Plus nous serons nombreux, plus nos chances de réussite seront grandes. »

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« L’anarchiste qui s’appelait comme moi », Pablo Martín Sánchez.

Traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu, éditions Zulma & La Contre Allée.

Écrivain, journaliste, photographe et commissaire d’exposition, Sabyl Ghoussoub est l’auteur de deux romans aux éditions de l’Antilope : « Le nez juif » et « Beyrouth entre parenthèses ». Son troisième roman sortira aux éditions Stock courant 2022.

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