Le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, a été interrogé pour la seconde fois mardi dans le cadre de l’enquête libanaise dirigée par le procureur adjoint près la Cour de cassation, Jean Tannous, pour « détournement de fonds publics, enrichissement illicite, blanchiment d’argent et évasion fiscale ».
L’enquête libanaise a été ouverte en avril dernier par le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, à la suite d’une instruction judiciaire menée par le ministère public de la Confédération helvétique (MPC) portant sur des transferts suspects de plus de 330 millions de dollars américains réalisés à partir d’un compte de la banque centrale entre 2002 et 2014, dans le cadre d’un contrat de courtage sur des eurobonds et des bons du Trésor, signé entre la BDL et Forry Associates Ltd (Forry), dont le bénéficiaire économique est le frère du gouverneur, Raja Salamé. L’argent a ensuite circulé entre différents comptes de Raja Salamé en Suisse puis au Liban, ainsi que vers des entreprises liées à Riad Salamé.
« L’enquête continue, d’autres interrogatoires sont prévus », dit une source judiciaire libanaise. Les recherches au Liban ont par ailleurs mis au jour l’existence de deux contrats différents de Forry, une version suisse et une version libanaise, dont les signatures ne concorderaient pas. Prochaine étape, selon des sources judiciaires française et libanaise, une réunion prévue en octobre à Eurojust, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, située à La Haye. Son rôle est de coordonner le travail des États membres de l’Union européenne ainsi que celui d’États tiers dans le cas d’enquêtes pénales de criminalité transnationale. Riad Salamé est en effet déjà visé par plusieurs enquêtes en Europe, dont une en France ouverte par le parquet national financier (PNF) en juin dernier, concernant notamment son patrimoine immobilier. « Cette réunion, qui regroupera différents procureurs et responsables d’enquêtes de pays européens, a pour but de coordonner et d’échanger des informations », explique la source judiciaire libanaise.
Blocages locaux ?
Certains juristes craignent cependant que de nouvelles dispositions légales entravent le déroulement du dossier. La Cour de cassation, présidée par le juge Souheir al-Harakeh, a en effet voté le 15 septembre dernier une nouvelle immunité empêchant toute poursuite à l’encontre de Riad Salamé, ou de n’importe quel employé de la banque centrale, pour violation au Code de la monnaie et du crédit, sauf si la banque centrale en fait elle-même la demande. L’arrêt se base sur une interprétation de l’article 206 du Code de la monnaie et du crédit, qui dispose que « les violations de cette loi devront être poursuivies devant les juridictions pénales selon les procédures d’urgence. L’action est engagée par le ministère public à la demande de la banque centrale ».
L’arrêt concerne cependant uniquement les violations au Code de la monnaie et du crédit, qui régule les activités de la profession bancaire, et non les infractions au code pénal, comme l’abus de pouvoir, le détournement de fonds, blanchiment d’argent, trafic d’influence, pour lesquels l’immunité ne s’applique pas. « Cet arrêt n’aura pas d’impact sur l’enquête libanaise actuellement ouverte, puisque les chefs d’accusation relèvent essentiellement du code pénal et ne concernent pas les choix de la politique monétaire réalisés par le gouverneur dans le cadre de ses fonctions à la BDL », explique la source judiciaire précitée.
Nizar Saghié, le directeur de Legal Agenda, se montre lui plus prudent. « C’est une décision très dangereuse et absurde, qui offre une nouvelle immunité dont l’interprétation pourrait être élargie. Elle pourrait, par exemple, s’appliquer pour des faits qui, bien que relevant du code pénal, ont initialement été réalisés dans le cadre du Code de la monnaie et du crédit. Il serait alors par exemple possible d’invoquer cette décision pour échapper à des potentielles poursuites pour trafic d’influence, si les faits ont été commis dans le cadre des ingénieries financières ». Par ailleurs, certains éléments de l’enquête libanaise relèveraient directement du Code de la monnaie et du crédit. Les virements qui ont transité de Forry aux sociétés liées à Riad Salamé peuvent ainsi constituer une infraction à l’article 20 du Code de la monnaie et du crédit, selon lequel le gouverneur ne peut pas toucher des intérêts d’une entreprise privée. Pour Nizar Saghié, c’est enfin le choix du calendrier qui interroge : « L’arrêt coïncide presque avec la signature du contrat pour l’audit juricomptable de la banque centrale (signé le 17 septembre, NDLR), dont le but est notamment de révéler d’éventuelles violations au Code de la monnaie et du crédit, qui viennent donc d’être immunisées. »
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On n’a jamais vu un voleur avéré pris la main dans le sac à fortiori dans un pays européen sans être inquiété mais en plus on le laisse continuer à occuper un poste où on brasse des milliards en lui offrant les clés du coffre et et les dossiers à falsifier qui vont avec pour masquer tous ses coups foireux de tout un pays déjà spolié par ses soins et ceux de ses partenaires qui tout comme lui sont toujours au pouvoir alors que des casseroles retentissantes ont été révélées sur certains et qu’on détient des preuves irréfutables qu’on peine à dévoiler contre d’autres dans les plus hautes sphères européennes mais qu’on hésite à dénoncer et à punir au lieu de quoi, on continue plutôt à les protéger allez savoir pourquoi. Vous avez dit BIZARRE, moi je dis nauséabond.
Sissi zayyat
16 h 16, le 01 octobre 2021