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Lifestyle - Archéologie

Musée de l’AUB : un nouveau souffle pour les verres antiques balayés par les explosions du 4 août 2020

Selon les archéologues, les artefacts brisés lors de cette tragédie constituent « une étude de cas pour les restaurateurs de la culture matérielle ». Un atelier international est lancé depuis hier par l’institution muséale.

Musée de l’AUB : un nouveau souffle pour les verres antiques balayés par les explosions du 4 août 2020

Vue extérieure du musée archéologique de l’AUB. Photo tirées du site officiel du musée

Pour faire revivre autrement les fioles et vases brisés lors du 4 août 2020, le Musée archéologique de l’Université américaine de Beyrouth multiplie les échanges et les expériences, donnant ainsi un aperçu du succès des collaborations interdisciplinaires. Situé à 3,2 km du port de Beyrouth, l’établissement, précieux gardien de l’histoire du Proche-Orient, n’a pas été épargné par la double explosion meurtrière. Outre les fenêtres et les portes, une vitrine abritant 74 objets précieux en verre a été détruite, brisant net des artefacts datés des périodes romaine, byzantine et islamique. Des fioles et des vases antiques qui ont traversé les siècles et les aléas du temps pour venir mourir à Beyrouth… Face à ce désastre culturel, Nadine Panayot, conservatrice du musée, a engagé plusieurs initiatives, déterminée à sauver ce qui peut l’être. Parmi celles-ci, la restauration des artefacts, des formations pédagogiques, ainsi qu’un atelier international axé sur les recherches récentes dans le domaine de l’archéologie expérimentale et l’évolution des études des sciences matérielles.

L’affiche de la conférence. Photo tirées du site officiel du musée

Missions de sauvetage et de formation

En septembre 2020, une coopération étroite entre l’Institut national du patrimoine français (INP) et l’équipe du musée, financée par Aliph (Alliance internationale pour le patrimoine dans les zones en conflit), a permis d’effectuer un premier tri pour récupérer les fragments antiques parmi les milliers de débris de verre provenant des vitrines et des fenêtres. Un véritable travail de puzzle finalisé en juillet 2021, lorsque les tessons archéologiques ont été complétés par leurs morceaux correspondants puis numérotés et stockés séparément. Par ricochet, cette démarche a favorisé la formation et de bonnes pratiques chez les étudiants du département d’histoire et d’archéologie de l’AUB participant à cette opération et qui « ont recueilli les fragments de verre de manière stratigraphique, procédant comme dans le cadre d’une fouille sur un site », souligne Nadine Panayot.

De cette action a découlé la conclusion suivante : les artefacts fracassés ont été jugés « irrécupérables », à l’exception d’une quinzaine pouvant être sauvés, dont huit seulement sont susceptibles d’être transportés « en toute sécurité » au British Museum où ils seront restaurés puis exposés temporairement avant leur retour à Beyrouth. Une mission qui s’annonce toutefois « délicate », car « le verre est un matériau très difficile à reconstituer », a déclaré Sandra Smith, responsable de la conservation au sein de l’institution londonienne. Toujours financée par Aliph, une seconde campagne, menée en juin-juillet 2021, s’est penchée sur la restauration de dix récipients. Travaillant main dans la main avec la spécialiste en « arts du feu » Claire Cuyaubère, les étudiants ont pu profiter d’un nouveau cours de formation.

En 3D pour revivre autrement

Deux autres opérations vont débuter, coordonnées avec deux départements de l’AUB – le Centre du patrimoine culturel numérique de la faculté d’ingénierie et d’architecture, et la faculté de physique – ainsi qu’avec le Centre de recherche en science et technologie en archéologie et culture de l’Institut de Chypre. Elles porteront sur des reconstructions virtuelles en 3D de flacons ou vases brisés et sur l’analyse physico-chimique de leurs fragments sans leur porter atteinte.

Ensuite, un cours pratique intensif suivi d’un apprentissage expérientiel axé sur la restauration des artefacts brisés sera proposé pendant deux semaines par le célèbre érudit Stephen Koob, ancien conservateur en chef du Corning Museum of Glass de New York, détaille Nadine Panayot. Koob participe actuellement à l’atelier multidisciplinaire qui se tient depuis lundi au musée de l’AUB. Organisé autour de l’étude interdisciplinaire du verre expérientielle et plurielle, il réunit nombre de chercheurs et de spécialistes qui donneront aujourd’hui une série de conférences consacrées à la méthodologie appliquée lors du tri et de la collecte des milliers de fragments, devenue, selon les archéologues, « une étude de cas pour les restaurateurs de la culture matérielle ». « Le partage de ces expériences et la comparaison des techniques en cours entre l’Institut national du patrimoine, le British Museum Conservation Unit et le conservateur en chef du Corning Museum of Glass permettront d’enrichir le savoir-faire des experts et des étudiants », indique la conservatrice du musée de l’AUB. « La documentation de la destruction de cette culture matérielle, de sa restauration et de sa nouvelle valorisation à travers différentes approches scientifiques confère aux matériaux archéologiques une mission réparatrice au-delà de leurs valeurs scientifiques et académiques », ajoute-t-elle.

Pour mémoire

Le musée de Beyrouth a désormais son livre de référence

La conférence dédie par ailleurs un volet à l’histoire de la technologie du travail du verre en Méditerranée orientale depuis l’époque phénicienne jusqu’à la période byzantine et islamique. « L’ancienne région du Liban a toujours été connue pour la production de masse de verre brut et son savoir-faire dans ce domaine », rappelle Nadine Panayot. « Dès le Ier siècle avant J.-C., cette technique a permis la production en série de récipients et d’objets divers sous différentes formes, rendant un matériau d’élite disponible pour un usage domestique commun. »

Quelques-uns des participants à l’atelier multidisciplinaire qui se tient depuis hier au musée de l’AUB

Thilo Rehren, directeur du Centre de recherche sur la science et la technologie en archéologie et culture, de l’Institut de Chypre ; Hartwig Fischer, directeur du British Museum; Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine (France) ; James Fraser, conservateur, spécialiste du Levant antique et de l’Anatolie, du département du Moyen-Orient au British Museum; Dominique Pieri, directeur du département d’archéologie et d’histoire de l’Antiquité à l’IFPO ; Bettina Birkenhagen, archéologue et directrice du parc archéologique Roman Villa Borg, en Sarre, en Allemagne ; Jasmina Davidović, conservatrice du musée de Srem, en Serbie ; Andrew Meek, du British Museum ; Nada Kallas, professeur à l’Université libanaise, sans oublier Duygu Camurcuoglu, Joanne Dyer, Loretta Hogan, Zeina Klink Hoppe ou encore la Néerlandaise Marianne Stern, chercheuse indépendante et pionnière de la technique professionnelle de soufflage de verre.

Pour faire revivre autrement les fioles et vases brisés lors du 4 août 2020, le Musée archéologique de l’Université américaine de Beyrouth multiplie les échanges et les expériences, donnant ainsi un aperçu du succès des collaborations interdisciplinaires. Situé à 3,2 km du port de Beyrouth, l’établissement, précieux gardien de l’histoire du Proche-Orient, n’a pas été...
commentaires (1)

Est ce que le musee est ouvert au public ?

Abdallah Barakat

08 h 34, le 18 janvier 2022

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Commentaires (1)

  • Est ce que le musee est ouvert au public ?

    Abdallah Barakat

    08 h 34, le 18 janvier 2022

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