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Économie - Crise financière

Malgré les promesses de Mikati, l’incertitude règne sur l’adoption du budget 2022

Le Premier ministre a affirmé hier œuvrer avec le ministre des Finances pour que le projet de budget 2022 « soit prêt d’ici à la fin de la semaine », en vue de la tenue d’un Conseil des ministres, « en début de semaine prochaine », consacré à cette question cruciale pour les négociations entre le Liban et le Fonds monétaire international.

Malgré les promesses de Mikati, l’incertitude règne sur l’adoption du budget 2022

Le Premier ministre, Nagib Mikati, n’en est pas à ses premières promesses non tenues. Photo Dalati et Nohra

Près de deux semaines après que le Premier ministre, Nagib Mikati, a affirmé que le budget « sera prêt dans deux jours » et qu’une « invitation à une réunion du cabinet suivra immédiatement », aucune de ces promesses ne s’est concrétisée. Déclenché par l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, le blocage du gouvernement en est à son troisième mois. Toutefois, au cours du week-end écoulé, le Hezbollah et le mouvement Amal ont finalement cédé et annoncé qu’ils étaient prêts à mettre fin à leur boycott du cabinet, ouvrant ainsi la voie à une réunion de l’exécutif « pour discuter de l’amélioration des conditions de vie des Libanais », après une semaine de fluctuations erratiques du taux dollar/livre sur le marché parallèle. Si cette annonce lève un obstacle politique à l’adoption du budget 2022, aucune proposition pour ce dernier n’a encore été présentée.

Hier, Nagib Mikati a reporté la date butoir pour l’achèvement du projet, déclarant qu’il travaillait avec les ministres pour que le budget soit prêt d’ici à la fin de la semaine. Un engagement à prendre avec des pincettes, la primature affichant un certain nombre de ratés en la matière, pourraient noter les observateurs. Il y a deux mois, le 9 novembre, le Premier ministre avait en effet annoncé que le cabinet Lazard, la société de gestion d’actifs qui conseille le gouvernement, était supposée présenter un plan de redressement financier amendé à la fin du même mois et, plus important encore, que le gouvernement avait pour la première fois fourni au Fonds monétaire international (FMI) le montant total et unifié des pertes du secteur financier. Jusqu’à présent cependant, aucun plan Lazard n’a vu le jour alors que le chiffre unifié des pertes du secteur financier a été démenti à plusieurs reprises par le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, qui a déclaré qu’il n’avait pas encore remis les données au FMI. Fin décembre, le vice-Premier ministre Saadé Chami a, lui, déclaré que les pertes s’élevaient à 69 milliards de dollars sans toutefois préciser le mode de calcul.

L’absence de progrès sur de nombreux dossiers critiques met en péril les pourparlers et retarde tout espoir de reprise, pourtant vitale dans un pays en grave crise économique et financière depuis plus de deux ans. Alain Bifani, ancien directeur général du ministère des Finances, a déclaré à L’Orient Today que « la rhétorique émergente autour du budget 2022 n’est qu’une réflexion rétrospective sur l’échec du gouvernement à s’attaquer à la répartition des pertes du secteur financier ».

Celui qui avait démissionné en 2020 de son poste, occupé pendant 20 ans, en invoquant une mauvaise gestion de la crise, a également déclaré qu’« après avoir échoué à cet exercice (la répartition des pertes), le gouvernement a porté son attention sur le second point à l’ordre du jour, non pas parce qu’il le voulait mais parce qu’il y a été contraint par la communauté internationale ».

Seconde chance

L’occasion manquée par le Liban d’obtenir un renflouement indispensable du FMI à l’été 2020 a aggravé les conditions sociales et économiques. Pourtant, tout n’est pas perdu. Le pays a toujours une chance de relancer le processus de redressement, mais seulement s’il adhère aux conditions du fonds. Le budget, élément fondamental d’une politique fiscale saine, en est la principale. Pendant la majeure partie des 20 dernières années, le Liban a réussi à se débrouiller avec une gouvernance financière minimale. Mais aujourd’hui, alors que le pays est au bord du précipice, la situation exige une approche différente.

Ainsi, pour que le budget 2022 soit pertinent, il doit se reposer sur des plans macro et microéconomiques réalistes et intégrer à ses projections les données les plus récentes. La publication du budget révélera également le nouveau taux de change entre la monnaie nationale et le billet vert qui sera utilisé pour toutes les futures transactions officielles du gouvernement.

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Mikati prévoit un Conseil des ministres la semaine prochaine

Il n’est pas encore clair si ces prévisions révéleront un alignement complet sur le taux Sayrafa, la plateforme de la BDL, ou une dévaluation plus progressive par rapport à la parité initiale de 1 507,5 livres libanaises pour un dollar. Le défi auquel est confronté le ministère des Finances est confirmé par le directeur général par intérim de ce ministère, George Marawi, qui déclare que « (la détermination) du taux de change est la tâche la plus critique et la plus difficile à laquelle le ministère des Finances est actuellement confronté », ajoutant que « le projet de budget sera prêt à la fin de la semaine prochaine ou au plus tard à la fin du mois ».

Alain Bifani, lui, se montre quelque peu sceptique quant à ce calendrier, citant le récent incident entourant la publication d’un mémo de Louay el-Hajj Chehade, directeur des recettes au ministère des Finances. Ce mémo révélait la décision de commencer à convertir en livres et au taux Sayrafa les droits de timbre sur les contrats libellés en dollars. Une mesure immédiatement suspendue par le ministre des Finances, Youssef Khalil, un ancien cadre de la BDL. Selon Alain Bifani, cela devrait être un signe révélateur de l’état d’avancement du ministère dans la finalisation du projet budgétaire.

Néanmoins, la dépréciation de la livre a eu des répercussions sur le travail des ministères et certains ministres ont déjà fait part de leurs doléances concernant l’écart existant entre le coût de la prestation des services ministériels, qui sont de plus en plus souvent facturés en dollars frais (en espèces ou transférés de l’étranger), et les budgets alloués aux ministères, qui utilisent toujours la parité officielle.

Gestion des finances publiques

Tout d’abord, c’est le ministre des Travaux publics et des Transports, Ali Hamiyé, qui a expliqué lors d’une conférence de presse que, pour l’entretien des routes, son budget est déficitaire de 69 milliards de livres, et que 59 autres milliards étant nécessaires pour l’asphalte et d’autres améliorations. Ce déficit est le résultat des seuls travaux susmentionnés et ne tient pas compte des autres obligations du ministère.

Le ministre des Télécommunications, Johnny Corm, a ensuite annoncé qu’il présenterait le budget de son ministère au ministre des Finances et a révélé que pour que les opérateurs de télécommunications atteignent le seuil de rentabilité, les tarifs doivent être multipliés par six, ce qui signifie que le taux de change doit passer de 1 507,5 à 9 000 livres pour un dollar. Il a également averti à plusieurs reprises que le secteur des télécommunications était en danger imminent de faillite.

L’utilisation de données reflétant la réalité du marché pour les prévisions est cruciale pour faire correspondre les recettes et les dépenses, mais le gouvernement doit également démontrer au FMI qu’il fait preuve de discernement dans l’estimation des recettes et dans la gestion des dépenses. Un exercice d’équilibrisme essentiel pour la crédibilité du gouvernement, étant donné que toutes les tentatives passées des administrations précédentes n’ont pas réussi à maîtriser les dépenses.

Concrètement, les données des dix dernières années mettent en lumière une gestion quelque peu calamiteuse des finances publiques du pays, les gouvernements dépendant plus qu’ils ne faisaient rentrer. Une tendance qui remonte au moins au début des années 2000. Dans un premier temps, les recettes ont pu couvrir les dépenses, générant ainsi un excédent primaire. Et ce sont les paiements d’intérêts qui ont ensuite effacé le solde restant, faisant basculer le budget dans le déficit. Depuis 2018 toutefois, ce n’est plus le cas, les recettes devenant inférieures aux dépenses.

Les coupables de ces déficits récurrents ne sont autres qu’un secteur public hypertrophié après des décennies d’embauches non contrôlées, une dette exponentielle dont le service est de plus en plus lourd, et un fournisseur national d’électricité dysfonctionnel, qui siphonne tout ce qui reste. Ironiquement, les paiements d’intérêts sur les dix dernières années se sont élevés à 47 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB moyen du Liban sur la même période. Cela signifie que les Libanais ont collectivement travaillé l’équivalent d’une année entière juste pour payer les intérêts.

Si Nagib Mikati réussit cette fois son coup et que le cabinet se réunit pour mettre en œuvre sa déclaration ministérielle, il s’agira là assurément d’une bonne nouvelle. Pourtant, pour Alain Bifani, il ne s’agirait pas ici de la bonne approche sur ce dossier.

« Le problème, c’est l’approche fragmentaire. La seule façon de sortir de la crise est de travailler sur un plan global », mais « cela ne va pas se produire. Le gouvernement ne veut pas de réformes, chaque acte de corruption remonte jusqu’à eux, alors pourquoi en voudraient-ils ? » conclut-il.

Près de deux semaines après que le Premier ministre, Nagib Mikati, a affirmé que le budget « sera prêt dans deux jours » et qu’une « invitation à une réunion du cabinet suivra immédiatement », aucune de ces promesses ne s’est concrétisée. Déclenché par l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, le blocage du gouvernement en est à son troisième...

commentaires (4)

LA POULE VA METTRE BAS ? BIZARRE !

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 36, le 18 janvier 2022

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Commentaires (4)

  • LA POULE VA METTRE BAS ? BIZARRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 36, le 18 janvier 2022

  • Toute veritable reforme va couper la voie a la corruption. Et tout veritable audit va en reveler l'ampleur et la complicite de tous. Kellon ya3ne kellon.

    Michel Trad

    12 h 47, le 18 janvier 2022

  • Il est certain que les prix des services déjà prostatiques de l’Etat vont augmenter de façon fulgurante que ce soit l’énergie ou les télécommunications ou l’eau à l’instar de l’alimentation et des carburants … alors Monsieur Mikati, vous qui êtes un brillant hommes d’affaires, expliquez moi SVP comment va faire le citoyen libanais pour faire face à toutes ces dépenses dont le coût a été multiplié par 20 alors que ces revenus ont au mieux été multipliés par 3.

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 20, le 18 janvier 2022

  • Pourris! L' Etat est en ruines à tous les étages, ...et vous en etes à choisir les meubles du dernier...!

    LeRougeEtLeNoir

    10 h 17, le 18 janvier 2022

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