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Politique - Explosions au port

La poursuite de l’enquête hypothéquée par le départ à la retraite d’un magistrat

Faute de quorum, l’assemblée plénière de la Cour de cassation ne peut plus se réunir pour statuer sur une accusation de « fautes lourdes » contre le juge d’instruction, Tarek Bitar, dont les prérogatives s’amenuisent en l’absence de verdict.

La poursuite de l’enquête hypothéquée par le départ à la retraite d’un magistrat

Les silos du port de Beyrouth, après la double explosion survenue le 4 août 2020. Photo AFP

L’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth conduite par le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, continue d’être entravée tous azimuts. Dernier développement en date : le départ à la retraite mercredi d’un membre de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, qui a fait perdre à la haute instance le quorum requis pour la tenue de ses réunions. Compétente pour statuer sur les actions en responsabilité de l’État contre « les fautes lourdes » des magistrats, cette instance ne peut donc plus désormais se pencher sur de tels recours que ne cessent de porter contre M. Bitar les responsables politiques mis en cause par lui dans cette affaire. L’impact négatif de cette faille judiciaire sur le cours des investigations est considérable : ce n’est qu’après la nomination d’un nouveau membre que l’assemblée plénière de la Cour de cassation pourra se réunir de nouveau et rendre ses verdicts. Entre-temps, le juge d’instruction n’a ni le pouvoir de poursuivre son enquête sur les volets concernant les plaignants, ni même celui de rendre un acte d’accusation portant sur l’ensemble de l’affaire.

Nominations bloquées
Dans les détails, la haute instance composée légalement des présidents des dix chambres de la Cour de cassation fonctionnait jusqu’à mercredi dans sa plus simple expression : le quorum de cinq membres était encore assuré par la présence du premier président de la cour Souheil Abboud, ainsi que par quatre présidents de chambre, Souheir Haraké, Afif Hakim, Jamal Hajjar, et Roukoz Rizk. Le départ à la retraite de ce dernier a réduit à quatre le nombre de membres de l’instance, soit moins que le minimum requis. Cinq autres membres partis à la retraite avant M. Rizk n’ont en effet toujours pas été remplacés pour cause de blocage du projet de permutations judiciaires depuis près de deux ans par le chef de l’État Michel Aoun, qui refuse de signer le décret depuis mars 2020.

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Comme conséquence immédiate, une action en responsabilité de l’État pour « fautes lourdes » déposée contre Tarek Bitar le 3 décembre par l’ancien ministre des Travaux publics Youssef Fenianos, lui-même objet d’un mandat d’arrêt par contumace lancé par M. Bitar, ne peut plus être examinée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Mardi, à la veille du départ à la retraite de M. Rizk, l’instance n’avait toujours pas rendu son verdict et s’était contentée d’émettre une décision préliminaire dans laquelle elle réclame des documents qui lui permettraient de rendre son arrêt final. Il s’agit d’une copie de la lettre qu’avait adressée au Parlement le prédécesseur de M. Bitar, Fadi Sawan, concernant l’implication des responsables, dont M. Fenianos, et une copie de la décision de poursuites contre ce dernier. Interrogée par L’Orient-Le Jour pour savoir si le retard dans la réclamation des documents cités plus haut n’était pas dû à des considérations politiques, une haute source judiciaire rétorque que celle-ci a été décidée à l’unanimité, alors que les membres n’ont pas forcément tous les mêmes sympathies politiques. De plus, poursuit la source, un recours portant sur la responsabilité de l’État nécessite des discussions approfondies, qui ont été par ailleurs décalées en raison de la contamination au Covid-19 de Souheil Abboud. Autant de facteurs qui n’auront pas permis de trancher sur le recours de Youssef Fenianos avant la perte du quorum.

Toujours selon la source précitée, M. Abboud aurait entrepris, bien avant le départ à la retraite de Roukoz Rizk, d’établir un projet de nominations, pour le moins partielles, de sorte à combler la vacance des postes de présidents de chambre de cassation, en vue de ne pas paralyser l’assemblée plénière. À ce jour, ses efforts n’ont pas abouti, sachant que le projet doit obtenir la signature des ministres de la Justice et des Finances, du chef du gouvernement et du président de la République. Autant d’étapes entravées vraisemblablement par des tiraillements politiques entre les diverses composantes de la classe au pouvoir.

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Selon la même source judiciaire, dans le cas précis du recours présenté par M. Fenianos, ce n’est pas tant l’absence de décision de l’assemblée plénière qui empêche le juge Bitar de poursuivre le dossier concernant l’ancien ministre, qu’une réticence officielle évidente à appliquer la loi. Le juge ayant déjà ordonné l’arrestation de Youssef Fenianos, l’exécution du mandat d’arrêt n’est pas conditionnée. Dans un État de droit, M. Fenianos aurait été appréhendé par les services de sécurité pour être incarcéré au moins jusqu’à ce que l’assemblée plénière statue sur l’action contre le juge d’instruction. Sur base de la décision, Tarek Bitar aurait été soit maintenu dans sa fonction, entamant l’interrogatoire du politicien, soit écarté, ce qui aurait soustrait l’ancien ministre à son enquête.

Un acte d’accusation tardif ?
Le danger du torpillage de l’enquête réside plus généralement dans le fait qu’en dépit de l’impossibilité pour l’assemblée plénière de se réunir, chaque personne mise en cause a désormais la latitude d’intenter une action similaire contre le juge d’instruction, poursuit la source précitée. Il suffit d’inscrire la plainte auprès du greffe et d’en notifier le juge, qui n’aura plus alors le pouvoir de prendre des mesures à l’encontre du plaignant. Ainsi, toutes les personnalités mises en cause dans cette enquête trouveraient un nouveau moyen de s’y soustraire.

Qui plus est, même si le juge d’instruction aura rassemblé tous les éléments de preuve et achevé son enquête, il ne pourra pas rendre un acte d’accusation contre les personnes impliquées tant qu’il fera l’objet d’une action pour « fautes lourdes » non encore tranchée, précise la même source. De quoi s’attendre à ne pas découvrir de sitôt les données que Tarek Bitar détient sur un des cataclysmes les plus meurtriers de l’histoire moderne du pays.

L’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth conduite par le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, continue d’être entravée tous azimuts. Dernier développement en date : le départ à la retraite mercredi d’un membre de l’assemblée plénière de la Cour de cassation, qui a fait perdre à la haute instance le quorum requis pour la tenue de ses...

commentaires (6)

La justice des hommes est là pour permettre aux coupables de se repentir avant d’affronter la justice divine. J’ose à peine imaginer ce qui attend ceux-ci lorsque leur heure sera venue… chaud! chaud! chaud!

Gros Gnon

20 h 44, le 14 janvier 2022

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Commentaires (6)

  • La justice des hommes est là pour permettre aux coupables de se repentir avant d’affronter la justice divine. J’ose à peine imaginer ce qui attend ceux-ci lorsque leur heure sera venue… chaud! chaud! chaud!

    Gros Gnon

    20 h 44, le 14 janvier 2022

  • Une fois de plus commentaire censuré par OLJ. Complicité évidente entre rédaction OLJ et classe politique

    Lecteur excédé par la censure

    14 h 10, le 14 janvier 2022

  • Je dis à toute la classe dirigeante de ce pays et à tous ses politiciens de tous bords: VOUS ÊTES DE VÉRITABLES ORDURES, C’EST TOUT CE QUE L’HISTOIRE RETIENDRA DE VOUS. VOUS ÊTES EN PLUS DES CRIMINELS, DES BANDITS DE GRAND CHEMIN MAIS DE TOUTES PETITES PERSONNES INDIGNES DE FAIRE PARTIE DE LA RACE HUMAINE NI DE LA RACE ANIMALE. VOUS ÊTES TOUT JUSTE BONS À ALLER BRULER EN ENFER NE SERAIT CE QUE POUR LE REPOS DE L’ÂME DES DEUX CENTS VICTIMES DE L’EXPLOSION DU PORT DONT LES FAMILLES VOUS MAUDISSENT TOUTES LES SECONDES DE LEUR EXISTENCE. QUE VOUS ET VOTRE DESCENDANCE SOYEZ À JAMAIS ÉRADIQUÉS DE CETTE TERRE POUR NE PLUS VOUS REPRODUIRE.

    Lecteur excédé par la censure

    13 h 47, le 14 janvier 2022

  • et ilas faisaient quoi ces juges depuis que le recours a été déposé? ça fait déjà un peu de temps...

    Tanios Kahi

    11 h 48, le 14 janvier 2022

  • Quel scandale ?

    Sam

    09 h 08, le 14 janvier 2022

  • Il aurait fallu un tribunal spécial, avec prérogatives et immunités spéciales. Comme à Nuremberg…

    Gros Gnon

    04 h 20, le 14 janvier 2022

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