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Vers un nouveau chapitre


Il faudrait une page blanche. On est toujours un peu cancre la première semaine de l’An. Ne souhaite-t-on pas, après tout, que toute nouvelle année s’ouvre sur une feuille vierge ? Le silence que l’on voudrait partager ici est fait de bruits légers, du crépitement de la pluie sur un jardin désert, de pas lents et feutrés sur une neige intacte, d’une bourrasque indiscrète qui chahute un feu de cheminée. À cela aussi, le ronronnement d’un chat confiant, la respiration d’un potage qui mûrit tranquillement sur un poêle. Murmures qui invitent au murmure par crainte d’en rompre le charme. On voudrait, avec vous, n’écouter que les voix intérieures d’un bon livre ou celles que convoquent un ouvrage, un objet que l’on tente de sculpter, une toile qu’on s’essaie à peindre, une broderie, un tricot... L’hiver est si court.


Mais comment nicher, même en rêve, ce temps volé au temps, dans le réel le plus consternant? Dehors, il fait triste et laid au pays qui s’effondre, emportant dans sa chute tant de vies dévaluées. On voudrait ne plus avoir à entendre ne serait-ce que l’écho des vaines vociférations, des discours sans contenu et concours de mensonges des tenants du « mandat fort », des prédicateurs aux cent mille combattants. Ne plus entendre les clapotis d’eau tiède dans les bassines où ils se lavent lâchement les mains du malheur collectif dont ils sont les principaux responsables. Où que l’on se tourne, il ne se trouve décidément personne dans cette république décomposée pour avancer quelque idée constructive ou ouvrir la voie à une solution. Comment, par ailleurs, attendre quoi que ce soit en ce sens du ramassis de vieux seigneurs de guerre qui se partagent les reliques de l’État, pétris qu’ils sont dès la naissance de leur supériorité et celle de leur clan. Depuis le temps que les portefeuilles ministériels ont valeur de butin, et que les groupes de confessions différentes se traitent mutuellement en ennemis, et que nul n’est capable d’œuvrer au bien collectif, le prestige de chacun et les besoins de son premier cercle étant prioritaires, on ne voit qu’une même partie inlassablement rejouée par les mêmes joueurs. Et nous autres citoyens en sommes les éternels perdants.


La pauvreté qui sera encore à nos trousses en 2022 n’est rien. Une douleur de plus à domestiquer. L’entraide continuera à apporter, ici ou là, un bref soulagement. Rien ne soutient la monnaie nationale, et surtout pas la bande de corrompus qui nous gouverne et escompte remettre le couvert après les élections. En attendant, il serait naïf d’espérer une mise en place des réformes sans lesquelles la solidarité internationale ne pourra rien pour le Liban. Que la livre perde 100 % de sa valeur, ce dont elle n’est pas loin, le régime ne nous fera pas de cadeau sans avoir garanti le renouvellement de sa malfaisance. Déjà, il cherche acquéreur pour notre tunique mitée et cent fois mise au clou. Et l’on sait d’avance que notre peau en sera le prix. Qu’importe. Bien qu’elle nous prive du silence nécessaire à notre quiétude et perturbe les efforts que nous déployons pour faire face à nos multiples épreuves, la foire d’empoigne dont les dirigeants et leurs avatars nous offrent en ce moment le spectacle nous réjouit. Elle annonce les flammes qui commencent à gagner le château. Pourvu que rien n’en reste, que chacun emporte son Anchise et s’en aille. Une page blanche, c’est tout ce dont nous avons besoin.

Il faudrait une page blanche. On est toujours un peu cancre la première semaine de l’An. Ne souhaite-t-on pas, après tout, que toute nouvelle année s’ouvre sur une feuille vierge ? Le silence que l’on voudrait partager ici est fait de bruits légers, du crépitement de la pluie sur un jardin désert, de pas lents et feutrés sur une neige intacte, d’une bourrasque indiscrète qui...

commentaires (1)

Belle référence à Virgile et à la chute de Troie. Mais qui seraient de nos jours les grecs dont ils faudrait craindre les présents? Ne seraient-ils pas bien plus à l'Orient? A l'Iran? Et le cheval (de Troie) ne serait-il pas barbu, avec "cent mille combattants"? En tout cas pour une page blanche, celle-là est bien écrite.

CODANI Didier

08 h 20, le 06 janvier 2022

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Commentaires (1)

  • Belle référence à Virgile et à la chute de Troie. Mais qui seraient de nos jours les grecs dont ils faudrait craindre les présents? Ne seraient-ils pas bien plus à l'Orient? A l'Iran? Et le cheval (de Troie) ne serait-il pas barbu, avec "cent mille combattants"? En tout cas pour une page blanche, celle-là est bien écrite.

    CODANI Didier

    08 h 20, le 06 janvier 2022

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