Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Les élections parlementaires sont-elles une voie de salut ?

Un grand nombre d’instances politiques et religieuses s’attendent à ce que les prochaines élections législatives opèrent un changement salvateur dans le pays à travers la production de nouvelles élites. Cependant, une lecture pragmatique de cette attente permettrait d’éviter le piège d’un irréalisme qui exacerberait la frustration déjà généralisée dans le pays. Évidemment, la voie d’un changement positif serait ouverte si l’élitisme en question signifiait un changement dans la perception du pays se démarquant explicitement de la mentalité traditionnelle dépendant du confessionnalisme. Dans ce sens, deux remarques s’imposent. D’abord, ledit changement de perception aurait besoin de points de repère clairs permettant l’élaboration d’un plan d’action réalisable. Ensuite, ce projet national ne peut nullement être la seule tâche de l’élite souhaitée, non seulement à cause de l’envergure de cette entreprise qui requiert la participation de plusieurs secteurs de la société, et notamment le secteur éducatif, mais aussi à cause du pouvoir limité du prochain Parlement. Le rôle de celui-ci, à l’instar de ses précédents, restera en effet amputé. Autant de grandes et multiples ententes et décisions relevant constitutionnellement du Parlement se dérouleront en dehors de son dôme et entre des forces n’ayant aucune représentativité parlementaire.

En premier lieu, la nouvelle perception requise de la nouvelle élite tant espérée est une vision nationale fondée sur les éléments de la démocratie déjà présents en semences dans la société libanaise. Une affirmation naïve au premier abord, mais face au confessionnalisme, elle devient un grand défi. En effet, la puissance du confessionnalisme, toujours en voie de croissance politiquement, étouffe dans l’œuf toute tentative démocratique et la rend un projet chimérique. Mais justement, c’est à cause de cette situation désespérante que la valorisation des éléments démocratiques représentera une culture alternative au confessionnalisme qui ne produit que des conflits et paralyse l’État. D’où la confirmation suivante : toute tentative de réformer le système actuel selon la mentalité confessionnelle est indubitablement vouée à l’échec. La structure identitaire même du confessionnalisme et ses dimensions empêchent catégoriquement l’édification d’un État moderne.

L’identité de l’individu – et l’identité avant tout est un sentiment – est étroitement liée à un ensemble d’éléments qui constituent des identités toutes faites que l’individu endosse automatiquement. L’intégration progressive de l’individu dans sa société, en commençant par la famille puis dans un cercle plus large, produit en lui l’interaction d’un ensemble de facteurs psychologiques, mentaux et sociaux qui déterminent la façon dont il sent son identité propre. De même, cette interaction lie largement la pérennité de l’identité de l’individu aux figures communautaires ; celles-ci l’inspirent et lui permettent une identification. Ces figures modèles ne sont pourtant pas seulement du passé (les fondateurs) ; d’autres figures actuelles se présentent comme étant les porteurs fidèles de la même mission qui s’enracine dans l’histoire, et donc les mieux placés pour garantir l’authenticité de l’esprit du groupe. Il en résulte que la façon dont la conscience de l’individu se développe laisse une marge de liberté individuelle très limitée, car il n’est pas facile pour l’individu de choisir ce qui contredit ce sur quoi il est élevé. Bien au contraire, un lien organique s’établit entre l’identité de l’individu et l’identité collective du groupe qui fait que tout ce qui valorise la première valorise la seconde, et vice versa.

Dans ce moule identitaire, se distingue le rôle des religieux. Ceux-ci, à travers les rites « actualisés » – c’est-à-dire célébrés à la lumière des circonstances présentes de la communauté – et leur discours politico-religieux, contribuent à créer une interaction entre le socio-politique et le théologico-communiel. Ces deux dimensions s’entremêlent ainsi dans l’esprit de l’individu et la conscience du groupe pour créer une formation socio-politique. Cette formation possède des éléments d’homogénéisation et de solidité communautaire qui s’opposent à toute politique visant une union nationale fondée sur le citoyen et le bien commun. Cette base solide comporte en soi tout un bien communautaire propre qui revêt un caractère sacré et favorise la féodalité politique dans le sens moderne du terme, à savoir la subordination souvent inconditionnelle aux chefs.

Rien d’étonnant de voir s’éterniser dans cette culture une personnification de la communauté. Les chefs du groupe trouvent le terrain propice pour réduire le groupe à leur personne. Ils parlent en son nom, déterminent ses intérêts et ses droits sans aucun besoin de le consulter. L’esprit du groupe est donc fondé sur la pure dépendance. Par extension, l’individu qui n’est qu’un sous-citoyen ne regarde ni ses intérêts ni le bien commun qui pourrait l’unifier aux membres des autres communautés. Mais plutôt, il se concentre sur la préservation et la défense de l’identité de sa communauté. Quand les éléments de similitude apparaissent entre les différentes communautés, comme des valeurs communes ou des traditions communes – ce qui représente l’aspect spirituel du bien commun –, leur compréhension et leur actualisation ne dépassent pas le clivage communautaire. En d’autres termes, ces éléments communs ne se transforment pas en culture nationale indépendante du fait confessionnel.

En somme, le confessionnalisme est vécu d’une manière qui contredit complètement les exigences de l’État moderne. Par conséquent, il est impératif de s’efforcer de développer une culture alternative au confessionnalisme afin de faire surgir une nouvelle vision nationale qui renforcerait le sentiment d’appartenance à l’État sur une base individuelle. Ce n’est pas une finalité facile, mais elle n’est pas impossible non plus, étant donné que les éléments de la démocratie existent déjà dans la société et ont besoin d’être relevés, rationalisés et traduits en projets culturels et politiques.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Un grand nombre d’instances politiques et religieuses s’attendent à ce que les prochaines élections législatives opèrent un changement salvateur dans le pays à travers la production de nouvelles élites. Cependant, une lecture pragmatique de cette attente permettrait d’éviter le piège d’un irréalisme qui exacerberait la frustration déjà généralisée dans le pays. Évidemment,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut