Le ministre du Travail Moustapha Bayram a défendu hier sa décision, prise il y a deux jours, de permettre aux Palestiniens nés au Liban d’exercer des professions réservées par la loi aux Libanais et/ou réglementées par des syndicats, une décision qui fait polémique. Le ministre est en effet accusé par ses détracteurs de vouloir favoriser la naturalisation des réfugiés palestiniens et de porter préjudice aux travailleurs libanais.
Lors d’une conférence de presse, M. Bayram a estimé avoir « agi en fonction de ce que la loi dicte ». « Nous avons protégé les Libanais dans tous les secteurs avec les décrets émis », a-t-il ajouté, estimant que « 90 % de ceux qui m’ont critiqué n’ont pas lu la décision que j’ai prise ».
La décision ministérielle permettra aux « Palestiniens nés sur le territoire libanais et officiellement enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur » de travailler dans l’administration publique ou encore dans des professions nécessitant l’adhésion à un ordre – comme la médecine, le droit, l’ingénierie ou les transports publics – dont ils étaient auparavant exclus. Toutefois, toutes ces professions ne seront pas immédiatement ouvertes aux Palestiniens en vertu de la nouvelle décision, car certaines d’entre elles nécessitent soit des modifications juridiques, soit des modifications du statut des syndicats pour que les travailleurs non libanais soient autorisés à y travailler.
Au cours de sa conférence de presse hier, M. Bayram a insisté sur le fait qu’en ce qui concerne les Palestiniens, il a utilisé « la même formulation que tous les ministres » avant lui. « Si j’ai publié cette décision concernant les métiers ouverts aux étrangers à ce moment-là, c’est que la loi me dicte de le faire en décembre, a-t-il martelé. Et contrairement à ce que prétendent mes détracteurs, qui n’ont certainement pas lu le texte de la décision en entier, celle-ci protège bien plus les travailleurs libanais que les décisions similaires précédentes. En effet, le critère qui était en vigueur au Liban, c’est que l’étranger travaille dans tous les domaines à condition d’être détenteur d’un permis de travail, à l’exception des métiers que le ministre lui interdit d’exercer. Or, en vertu de cette décision, le critère deviendra le suivant : les métiers seront réservés aux Libanais, à l’exception de ceux que le ministre aura ouverts exceptionnellement aux étrangers. C’est une vraie révolution. »
Le ministre a également précisé que s’il avait détaillé les métiers en cause dans sa décision, c’est qu’une « liste de 600 métiers avaient été ouverts en catimini aux étrangers ces dernières années, ce qui a grandement nui aux travailleurs libanais ».
La décision du ministre Bayram a engendré de vives critiques. Les opposants à l’élargissement des droits des Palestiniens au Liban ont souvent fait valoir que l’octroi de droits de travail ou de propriété plus importants entraverait leur droit de retour dans les régions qu’ils ont quittées au cours des guerres israélo-arabes successives. Sachant que les Palestiniens n’étaient pas seuls mentionnés dans cette décision, qui comprenait également les apatrides et les enfants de mère libanaise mariée à un étranger.
Jeudi, le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a assimilé cette décision à « une implantation déguisée », alors que la Constitution libanaise interdit la naturalisation des réfugiés. Pour sa part, le président de l’ordre des médecins de Beyrouth, Charaf Abou Charaf, s’est dit « surpris » par la démarche de M. Bayram.
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Les libanais avant tous les autres
Eleni Caridopoulou
18 h 37, le 11 décembre 2021