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Économie - Banques

La mauvaise réputation du Liban complique la vie des déposants

La peine est double pour les clients de la diaspora qui ont encore des comptes ouverts au Liban.

La mauvaise réputation du Liban complique la vie des déposants

Une partie des drapeaux des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Photo d’illustration Volhavolha/Bigstock

Plus le temps passe, plus il devient difficile d’occulter les répercussions des différentes facettes de la crise dans laquelle le Liban s’enlise depuis deux ans sur sa réputation déjà bien écornée à l’étranger.

À la situation financière désastreuse du pays (l’État est en défaut de paiement, les banques n’ont pas assez de devises pour honorer leurs engagements et restreignent l’accès des clients à leurs dépôts, tandis que la banque centrale a beaucoup plus de pertes que de réserves) s’ajoute un véritable catalogue de circonstances aggravantes parmi lesquelles figurent : les salves régulières de sanctions américaines qui ont visé le Hezbollah et d’autres personnalités politiques ces dernières années ; les enquêtes lancées dans plusieurs pays d’Europe ciblant le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé (au-delà même du fond du dossier) ; les procédures lancées par des déposants pour contester les restrictions illégales imposées par les banques libanaises... pour ne citer que celles-ci.

Procédures multiples

Selon plusieurs sources contactées – clients et banquiers qui préfèrent rester anonymes et ne pas diffuser les documents confirmant leurs propos au vu des enjeux pour leur situation personnelle –, cette accumulation a conduit plusieurs établissements bancaires à renforcer les procédures de contrôle de conformité sur les comptes et les transactions ayant un lien de près ou de loin avec le Liban. Selon l’un des banquiers interrogés qui travaille pour une enseigne libanaise, « la tendance ne date pas d’hier, mais, sans avancée réelle sur le dossier des réformes réclamées depuis des années à la classe politique et sur le redressement du pays, elle s’intensifie de mois en mois ». Un autre banquier opérant en France appelle, lui, à distinguer « ce qui relève de la réglementation de ce qui est lié à un désir politique d’aider le Liban ». « Le pays est déjà sur la liste OFAC (Office of Foreign Assets Control du Trésor américain) des pays pour lesquels les transferts doivent faire l’objet d’un contrôle renforcé. Toutes les banques doivent s’y conformer (pour éviter de se retrouver dans le viseur de l’administration américaine, NDLR). Il y a aussi des dispositions issues des réglementations européennes, qui permettent aux banques établies sur le territoire d’ajouter des contraintes », détaille-t-il encore. Le Liban s’est également engagé ces dernières années à appliquer les normes CRS (Common Reporting Standard, ou norme commune de déclaration) imposées par la Convention sur l’assistance administrative mutuelle en matière d’impôts (MAC) et l’accord multilatéral sur l’échange automatique d’informations fiscales (MCAA). Un processus qui permet à tous les cosignataires de transmettre ou demander des informations relatives à la situation fiscale de ressortissants résidents chez eux ou dans l’un des pays partenaires.

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Le Liban peut ainsi obtenir des informations fiscales sur demande sur ses résidents fiscaux aux autres pays signataires de la MAC, ainsi qu’aux pays avec lesquels il est lié par des conventions fiscales bilatérales. Il doit encore passer avec succès une 3e phase de contrôle du Forum mondial sur la transparence fiscale, constitué notamment des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), afin de pouvoir recevoir, automatiquement et sur base annuelle, des informations sur les comptes bancaires et financiers de contribuables libanais ouverts ou établis à l’étranger de la part des autres pays signataires des conventions concernées, qui conviennent donc de devenir à terme partenaires de cet échange automatique réciproque. En revanche, les mécanismes ouverts par la MAC permettent à ces derniers d’envoyer ou de demander spontanément des informations relatives à certains contribuables sur lesquels ils ont des doutes, et ce nonobstant le fait que les conditions d’échange automatique ne sont pas encore réunies.

Marge de manœuvre

« Partant de là, chaque banque dispose d’une marge de manœuvre pour répercuter ces mesures, qui, d’une part, ne concernent pas que les Libanais (le Liban n’étant pas le seul pays dont la réputation financière laisse à désirer) et, d’autre part, n’ont pas forcément un impact significatif sur nombre d’entre eux », rebondit le banquier libanais. Certaines banques à l’étranger, notamment en Europe, ont ainsi bien renforcé leurs procédures de contrôle ciblant les comptes et les transactions réalisées par des Libanais – surtout quand ils sont résidents fiscaux au Liban – ou avec le Liban. « C’est moins une question de nationalité que de résidence (fiscale). Un client de nationalité française mais résident fiscal au Liban peut être exposé aux mêmes contraintes, qui se traduisent généralement par une hausse spectaculaire du nombre de justificatifs à fournir », atteste un des déposants interrogés en parlant de son cas.

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Selon les autres témoignages recueillis – dont certains ont été détectés sur les réseaux sociaux et les groupes de messagerie instantanée –, des déposants libanais résidant au sein de l’Union européenne ont par exemple rapporté que leur banque avait refusé d’exécuter un ordre de transfert vers le Liban. D’autres, résidant initialement au Liban mais venus s’installer en Europe, ont rapporté avoir dû fournir un nombre exhaustif de documents pour valider un transfert en provenance du pays du Cèdre. « Cela se produit même quand le client veut faire passer un transfert entre deux comptes au sein de la même banque, mais entre une agence au Liban et une autre située dans un autre pays », relève un autre déposant entrant dans cette catégorie.

Dans un cas plus extrême, une banque d’un pays de l’Union européenne a même décidé de clôturer les comptes de plusieurs clients résidents fiscaux au Liban (c’est-à-dire qu’ils y payent leurs impôts ou sont supposés le faire), en gelant de surcroît temporairement leurs avoirs, le temps qu’ils fournissent certains justificatifs prouvant notamment leur conformité fiscale. Enfin, les déposants de la diaspora qui ont encore des comptes ouverts au Liban subissent une double contrainte, avec, d’un côté, les restrictions bancaires qui limitent leur accès à leurs comptes en devises ainsi que la dépréciation de leur valeur dans la mesure où ils ne peuvent pas les retirer en livres au taux du marché ; de l’autre, le resserrement du contrôle exercé par leur pays de résidence sur leur situation fiscale via les moyens prévus par le MCAA (qui englobe 64 pays) qui leur donne accès à des informations sur les comptes bancaires et autres actifs financiers sur une base annuelle. En cas d’infraction, notamment de fausses déclarations sur leur situation au Liban s’ils y sont résidents fiscaux, ils peuvent faire l’objet d’une procédure de redressement assortie de pénalités financières très lourdes. « Vu les moyens de contrôle existants, mieux vaut éviter de prendre ce risque », conclut un des banquiers libanais interrogés.

Autre conséquence possible : la surenchère en matière de contrôle peut pousser certaines banques à se séparer de clients jugés à risque, juste en raison de leurs liens avec le Liban, même si ces derniers n’ont rien à se reprocher. « C’est une question de coût et d’opportunité : alors qu’ils font face à une baisse de leurs revenus liée au maintien des taux d’intérêt directeurs à des niveaux historiquement bas, que ce soit par la Fed ou la Banque centrale européenne, certains établissements préfèrent se séparer des clients pour lesquels la réglementation bancaire – nationale ou internationale – leur impose de renforcer les moyens de contrôler la conformité de leur profil », explique une troisième source bancaire basée au Liban. La décision peut être aussi bien liée à la stratégie de la banque dans tous les pays où elle opère que limitée simplement à une partie d’entre eux.

« Les règles relatives à la conformité (compliance) sont en effet très strictes et imposent à la banque de déployer des moyens pour contrôler chaque transaction, déclaration ou décision d’ouvrir ou de fermer un compte. Plus l’établissement est petit, plus ce fardeau est lourd par rapport à sa voilure financière », relève la troisième source bancaire, avant d’ajouter : « Dans certains cas, les banques vont aussi avoir plus tendance à se poser la question du coût du contrôle de conformité lorsqu’il s’agit d’un client qui effectue moins de transactions via son ou ses comptes, et donc rapporte moins en frais de gestion. »

Elle indique enfin que cette pression croissante concerne aussi et dans un autre registre « les agences et bureaux représentant des enseignes libanaises à l’étranger, dont certaines ont fait l’objet d’audits renforcés, notamment sur les transactions passées par les comptes qu’elles détiennent, de la part des autorités des pays où elles sont établies ».

Plus le temps passe, plus il devient difficile d’occulter les répercussions des différentes facettes de la crise dans laquelle le Liban s’enlise depuis deux ans sur sa réputation déjà bien écornée à l’étranger.À la situation financière désastreuse du pays (l’État est en défaut de paiement, les banques n’ont pas assez de devises pour honorer leurs engagements et...

commentaires (7)

Quand il aurait fallu faire un contrôle strict des capitaux,MR Salamé a laissé nos politiciens et des banquiers sortirent 9,5 milliards de dollars.Ceux là même qui voteront cette loi qui rendra la vie plus difficile aux petits déposants.

Bersuder Jean-Louis

08 h 15, le 06 décembre 2021

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Commentaires (7)

  • Quand il aurait fallu faire un contrôle strict des capitaux,MR Salamé a laissé nos politiciens et des banquiers sortirent 9,5 milliards de dollars.Ceux là même qui voteront cette loi qui rendra la vie plus difficile aux petits déposants.

    Bersuder Jean-Louis

    08 h 15, le 06 décembre 2021

  • Quand il aurait fallu faire un contrôle des

    Bersuder Jean-Louis

    08 h 12, le 06 décembre 2021

  • un pays tordus ce Liban , c est le plus grand scandale financier qui c est opéré, digne du grand banditisme. la confiance est perdu, et le capitalisme se nourrie de la confiance ,nous n avons aucune visibilité pour l avenir , c est à dire que nous revenons à une économie du moyen âge.

    Le juste milieu

    00 h 33, le 06 décembre 2021

  • Les banques européennes et surtout françaises ne veulent pas de mouvements bancaires entre le Liban et la France notamment pas de virements d’argent car ils ont compris la grande arnaque de ce qui a été baptisé fresh money. Donc pour les banques françaises, tout virement provenant du Liban est alimenté par des fonds en espèces ce qui les rend douteux par hypothèse.

    Lecteur excédé par la censure

    21 h 58, le 05 décembre 2021

  • On rend la vie difficile pour les déposants que ce soit au Liban ou ailleurs. Conséquences de l'enfer où l'on est jeté.

    Esber

    18 h 45, le 05 décembre 2021

  • C,EST LE BORDEL MONDIAL AUQUEL ECHAPPE SEULEMENT L,AMERIQUE INITIATEUR DE CETTE IDEE. LE LIBAN, UNE PETITE CATIN DANS CE GEANT BORDEL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 15, le 04 décembre 2021

  • mr. H Boutros, qu'en est il alors des banques de la place qui refuseraient meme a leurs clients piuvoir deposer dans leurs comptes -deja existants- des cheques en $ emis par une tierce personnes sur une autre banque ???? VRAI OU FAUX? COMBIEN DE BANQUES PRATIQUENT ELLES CETTE MESURE ( intutile de preciser ILLEGALE)?

    Gaby SIOUFI

    10 h 50, le 04 décembre 2021

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