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Levez-le, ce doigt

Peu de paysages égalent en grâce un bois de pins. Ceux qui contribuent à la douceur du Liban, pins d’Alep, pins maritimes ou pins parasols, ont des coiffures en nuages et l’humilité des grands sages qui leur donne des gestes penchés. Bousculé par le bitume et l’asphalte, leur peuple se regroupe là où finissent les villes, sur les premiers contreforts du grand nerf montagneux tourné vers la mer. Et la vue de la mer est si belle, son bleu si bleu encadré par leurs branches au bout desquelles frémit au printemps le vert acidulé des sèves nouvelles. Au crépuscule, leurs ombres animent de gracieuses arabesques le rose liquoreux des ciels d’été. La nuit, ils n’ont pas leur pareil pour capturer la lune, l’enrouler dans leurs moelleuses rondeurs avant de la rendre au firmament, légère comme une bulle, tout étourdie de parfums inconnus, de splendeurs terriennes. Gardiens des vacances, complices privilégiés du bavardage véhément des cigales – qui se croient avec eux seules au monde et se taisent en rougissant au moindre bruit suspect –, ils sont aussi dévideurs de brumes, fileurs de silences cotonneux sur les vastes après-midis de septembre. Au plus fort des guerres, dans notre pays tourmenté, leurs bienveillantes frondaisons nous étaient refuge et réconfort, illusion qu’un jour tout irait bien, même si ce jour n’était peut-être que le moment même, un instant pour une éternité, ce luxe des forçats de l’espérance qu’il nous a été écrit d’être.


Nous n’énumérerons plus les malheurs qui s’abattent sur nous depuis plus de deux ans ; « La merde, ça vole toujours en escadrille », disait si justement Jacques Chirac. Mais les derniers incendies, notamment celui qui a emporté les pinèdes de Beit Mery, sont venus ajouter de la tristesse à la tristesse, de l’impuissance à l’impuissance. Ils seraient d’origine « humaine » nous disent enquêteurs et pompiers de la Défense civile. On pourrait se demander quel genre d’humain en qui se logerait encore quelque humanité serait capable de réduire en cendres le dernier reste de beauté d’un pays où le lucre a presque tout dévoré. Ce serait bien naïf. Une volonté occulte semble tabler sur la dégradation de l’environnement, la montée de la laideur, la résignation de la pauvreté pour nous arracher nos dernières amarres. Et si ce n’est volontaire, tout semble procéder d’une spirale infernale qui ne s’arrêtera pas avant d’avoir tout emporté. Quand toute possibilité de solution est refusée ou écartée par ceux qui ont le pouvoir de la mettre en place, il arrive un moment où les choses s’emballent de manière inexorable. Alors on perd toute crédibilité, même en tant que joueur de triangle, dans le concert des nations. Alors l’inflation ne peut plus être freinée, le niveau de vie chute à un rythme exponentiel, entraînant dans son sillage tout ferment d’avenir. Voilà ce qu’est véritablement une terre brûlée. Voilà le projet de certains des nôtres : faire de ce pays un champ de bataille sans identité, sans habitants et sans âme, quitte à régner sur une étendue de cendres.


Nous ne sommes plus à une douleur près, et nos cris ne sont plus, aux oreilles de la terre et du ciel, que les échos de lassantes jérémiades. Nous avons un régime « fort », paraît-il, mais celui-ci est si fort qu’il a anéanti l’État même dont il a prétendument la charge. Non seulement le gouvernail est une fois de plus enrayé par les mauvais capitaines qui se l’arrachent, mais l’eau monte et il ne se trouve personne pour écoper. Pour les pins qui demeurent, frêle promesse de forêts ; pour les enfants sans rêves ; pour les parents rompus, les jeunes sans avenir, les vieux qui n’ont même plus les moyens de mourir… Seules les urnes peuvent apporter un espoir de changement, même congru. Vous qui le pouvez, il vous suffit d’un doigt. Levez-le, ce doigt, remplissez le formulaire pour vous inscrire en tant qu’électeur, pressez, envoyez. Il vous reste deux jours. Faites-le.

Peu de paysages égalent en grâce un bois de pins. Ceux qui contribuent à la douceur du Liban, pins d’Alep, pins maritimes ou pins parasols, ont des coiffures en nuages et l’humilité des grands sages qui leur donne des gestes penchés. Bousculé par le bitume et l’asphalte, leur peuple se regroupe là où finissent les villes, sur les premiers contreforts du grand nerf montagneux tourné...

commentaires (4)

Chère Fifi Ta merveilleuse plume qui égaye dès l’aube mes jeudis met toujours un baume sur les pires moments que traverse notre pays Le pays est sans gouvernail c’est un fait Mais dire qu’une partie des nôtres en est uniquement responsable c’est diviser encore plus Les élections à venir ? On espère et on fait tout pour Mais avec hélas en arrière pensée que le jeu semble régional et l’enjeu bien plus grand que ce petit pays où quelques gesticulations semblent donner encore signe de vie Mais c’est une mutation totale qu’il faudrait au liban et aux libanais … Elle bêlât pas seulement dans les élections c’est de la volonté de chacun qu’elle dépend Aller vers l’autre et l’accepter dans sa différence est indispensable Les faits et les nombres sont là notre poignée d’irréductibles n’a pas de potion magique et ce qui se passe aujourd’hui pourrissait depuis des décennies tout le monde le savait et ne faisait rien .. Espérons pour ces générations à venir de meilleurs lendemains… !! L’espoir comme je le répète sans cesse est obligatoire Je t’embrasse ❤️

18 h 13, le 18 novembre 2021

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Commentaires (4)

  • Chère Fifi Ta merveilleuse plume qui égaye dès l’aube mes jeudis met toujours un baume sur les pires moments que traverse notre pays Le pays est sans gouvernail c’est un fait Mais dire qu’une partie des nôtres en est uniquement responsable c’est diviser encore plus Les élections à venir ? On espère et on fait tout pour Mais avec hélas en arrière pensée que le jeu semble régional et l’enjeu bien plus grand que ce petit pays où quelques gesticulations semblent donner encore signe de vie Mais c’est une mutation totale qu’il faudrait au liban et aux libanais … Elle bêlât pas seulement dans les élections c’est de la volonté de chacun qu’elle dépend Aller vers l’autre et l’accepter dans sa différence est indispensable Les faits et les nombres sont là notre poignée d’irréductibles n’a pas de potion magique et ce qui se passe aujourd’hui pourrissait depuis des décennies tout le monde le savait et ne faisait rien .. Espérons pour ces générations à venir de meilleurs lendemains… !! L’espoir comme je le répète sans cesse est obligatoire Je t’embrasse ❤️

    18 h 13, le 18 novembre 2021

  • Triste épitaphe de ce pays jadis la perle de l’orient et le symbole de la beauté. Pour ce qui est des élections le taux des inscrits de la diaspora est vraiment décevant et ceux qui l’ont déjà fait sont dans l’attente d’une liste des candidats de la part des opposants qui s’étripent alors en faisant ainsi le jeu des vendus alors que l’enjeu est de taille. Alors qu’attendent ils pour la pondre cette liste afin que les libanais sachent sur quel pied danser et se mobilisent pour sauver enfin leur pays? Serions nous condamnés à être à la merci des égoïstes qui ne voient que leur intérêt et ce, quelque soit le but à atteindre? Sont ils seulement conscients du gâchis que cela engendrerait si par malheur les vendus arrivent à les diviser?

    Sissi zayyat

    11 h 21, le 18 novembre 2021

  • Les forçats de l'espérance...vous saluent!

    ELIAS SKAFF

    10 h 17, le 18 novembre 2021

  • Pour moi, c’est fait. Pas peu fière.

    Marionet

    08 h 26, le 18 novembre 2021

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