Quand ce n’est pas le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar qui fait l’objet de tentatives de déboulonnement, ce sont les magistrats qui ont rejeté les demandes de son dessaisissement qui sont la cible de politiciens mécontents. Ghazi Zeaïter et Hassan Khalil, les deux députés du mouvement Amal mis en cause dans l’enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth survenue le 4 août 2020, ont présenté hier devant la Cour de cassation, toutes chambres réunies, une action en responsabilité de l’État pour « fautes lourdes » commises par le président et les deux conseillères de la 12e chambre civile de la cour d’appel de Beyrouth, respectivement Nassib Élia, Mariam Chamseddine et Rosine Hojeily. Le juge Élia avait déjà fait l’objet il y a quelques jours d’une demande de récusation présentée par les mêmes députés. Le 4 octobre dernier, la cour s’était déclarée incompétente pour statuer sur une demande en dessaisissement présentée trois jours plus tôt par MM. Zeaïter et Khalil contre le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, en charge de l’enquête. La demande avait alors rejoint un recours similaire porté le 27 septembre devant la même cour par l’ancien ministre Nouhad Machnouk, également mis en cause dans l’affaire.
Contactée par L’Orient-Le Jour, une source proche des députés Zeaïter et Khalil a affirmé que le recours se fonde sur une question procédurale, à savoir l’absence de notification tant de la requête judiciaire de MM. Zeaïter et Khalil que de la décision d’incompétence de la cour d’appel. À M. Élia, il est reproché d’avoir d’abord décidé de notifier le juge Bitar, mais de s’être rétracté ensuite, « probablement parce qu’il avait subi des pressions, et après que M. Bitar a demandé à son greffier de ne pas accuser réception de l’assignation », soutient la source interrogée. Une source judiciaire informée réfute cette assertion, affirmant que dès le départ, M. Élia avait jugé inutile de notifier M. Bitar parce que selon lui la juridiction qu’il préside n’a pas « la compétence matérielle » (compétence d’attribution) de se pencher sur une demande de dessaisissement d’un juge d’instruction près la Cour de justice.
Un autre point invoqué contre le juge Élia est qu’il avait réclamé à MM. Zeaïter et Khalil une copie des noms de toutes les parties au procès afin que celles-ci soient notifiées, mais qu’avec ses conseillères il avait rendu sa décision d’incompétence à peine 24 heures plus tard, sans que les plaignants n’aient même eu le temps de lui fournir la liste demandée. Contre cette critique, la source judiciaire précitée rétorque que M. Élia avait accordé aux deux députés ce délai de 24 heures, à l’expiration duquel la cour était en droit d’émettre sa décision sans attendre qu’ils s’exécutent.
Enfin, un troisième grief est cette fois-ci reproché tant à M. Élia qu’à Mmes Chamseddine et Hojeily : la cour qu’ils composent n’a notifié son arrêt définitif ni au juge Bitar ni aux parties au procès. Réponse de la source judiciaire interrogée: c’est aux plaignants de procéder à ces notifications, et non à la cour saisie.
Hier, le président et les conseillères de la 12e chambre civile de la cour d’appel de Beyrouth n’avaient pas encore été notifiés de la plainte portée contre eux. Dès lors qu’ils le seront, ils ne pourront plus statuer sur des questions concernant les deux députés demandeurs dans ce dossier.
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Assouad Fady
16 h 53, le 12 novembre 2021