
Le bateau recycleur avec ses barrières flottantes qui piègent les déchets et les acheminent vers des bennes. Photo Y.G.
Au bout d’une route étroite et sinueuse, presque sauvage, qui traverse la vallée de Nahr Ibrahim, on tombe sur une découverte improbable, celle d’un petit bateau amarré dans une zone reculée et conçu pour collecter les déchets qui polluent le fleuve. Dans cette vallée riche en vestiges naturels et historiques mais balafrée par de nombreuses carrières, cette invention nous réconcilie avec l’idée de la préservation de la nature.
Le « bateau recycleur » est la première innovation dans son genre au Moyen-Orient et l’une des premières au Liban dans le cadre de la lutte contre les déchets plastiques jetés dans la Méditerranée et ses affluents. L’idée a été développée par Christopher Daccache avec l’aide d’une équipe de jeunes volontaires au sein de l’association Recycler Donation qu’il a fondée.
Christopher Daccache, un ingénieur en informatique passionné d’environnement, inventeur du bateau recycleur. Photo Y.G.
Rien ne prédisposait le jeune Christopher Daccache, ingénieur en informatique de 23 ans, à se lancer dans pareille entreprise, mais c’est sa passion qui l’a mené sur cette voie, étant porté depuis l’enfance sur les questions environnementales et humanitaires. Conçue en collaboration avec l’organisation Youth of Hope et dans le cadre du projet « Bahr bala plastique » (Mer sans plastique), cette initiative est financée par l’Union européenne et est destinée à nettoyer les rivières des déchets plastiques avant qu’ils n’atteignent la mer. Une étape cruciale, étant donné que ces déchets, une fois en mer, se fragmentent et se transforment en microplastiques qui finissent fréquemment dans nos assiettes soit via les sels de table, soit via les poissons qui les ingèrent avant que nous ne les consommions.
Ce bateau modèle est lui-même fabriqué à l’aide de déchets auxquels le recyclage a donné une nouvelle vie. Amarré au niveau du barrage de la Compagnie phénicienne des forces hydroélectriques de Nahr Ibrahim, il est composé de tonneaux de 200 litres recyclés et de plaques formées chacune de 3 500 sacs en plastique réutilisés, rendant l’embarcation totalement écologique.
« Le bateau fonctionne grâce à l’énergie solaire. Cette énergie fait tourner un convoyeur qui, à son tour, transporte vers une benne les déchets flottant sur l’eau à une profondeur maximale de 20 centimètres et recueillis entre les deux barrières flottantes du bateau. Une fois la benne remplie, un message automatique est envoyé à nos volontaires qui s’occupent de la décharger », explique M. Daccache.
« Nous jouons le rôle de l’État »
Comme son nom l’indique, Recycler Donation fait du recyclage une mission écologique et humanitaire, dans le sens où elle emploie les fonds récoltés par la vente des déchets recueillis par le bateau dans le fleuve et recyclés pour venir en aide à des familles dans le besoin. « Notre association, constituée d’une dizaine de jeunes volontaires, a pour but de protéger autant les êtres humains que l’environnement », assure le jeune ingénieur.
Cette initiative lancée par l’association est d’autant plus importante que le nettoyage des fleuves n’est une priorité ni pour l’État ni pour la population. « Je vois de tout dans l’eau… Nous vidons trois fois la benne les dimanches en été ! » déplore l’inventeur du bateau recycleur en référence aux déchets jetés dans le fleuve par les touristes, les cafés et les restaurants situés plus en amont sur les rives du cours d’eau. Des observations qui en disent long sur l’état des rivières et des fleuves excessivement pollués au Liban.
« Nous jouons le rôle de l’État qui n’applique aucune loi pouvant dissuader les pollueurs, une situation aggravée par l’inconscience de la population qui jette les ordures dans la mer et les fleuves sans même réfléchir aux conséquences. Or, l’eau des nappes phréatiques sous le fleuve est bue par les Libanais sur une périphérie qui s’étend de Jbeil à la banlieue sud de Beyrouth. Comment peut-on ainsi jeter ses poubelles dans l’eau qu’on boit ? » s’indigne l’activiste.
Et pourtant, cette invention offre une alternative viable pour nettoyer les cours d’eau. Selon son concepteur, le projet pilote du bateau recycleur peut être facilement dupliqué au niveau de la majorité des cours d’eau libanais à prix minime : il faut compter, outre la matière première principalement recyclée, le coût de la maintenance annuelle. Une broutille, comparée aux millions dépensés sur des projets sur le traitement des déchets, qui n’ont jamais tenu leurs promesses…
Le bateau recycleur est aussi écologique qu’économique et, dans un contexte de crise, pourrait aider à diminuer la pollution des fleuves, des rivières et de la mer, négligés depuis des décennies.
Au bout d’une route étroite et sinueuse, presque sauvage, qui traverse la vallée de Nahr Ibrahim, on tombe sur une découverte improbable, celle d’un petit bateau amarré dans une zone reculée et conçu pour collecter les déchets qui polluent le fleuve. Dans cette vallée riche en vestiges naturels et historiques mais balafrée par de nombreuses carrières, cette invention nous...
commentaires (12)
Un espoir et bel exemple pour le pays !
Wow
15 h 07, le 14 novembre 2021