Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Houssam Zaki, a effectué lundi une tournée à Beyrouth pour tenter de trouver une solution à la crise diplomatique entre le Liban et les pays du Golfe, déclenchée par les propos polémiques du ministre libanais de l'Information, Georges Cordahi, sur l'intervention de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen. Dans ce contexte, il a déploré que les dirigeants libanais n'ont fait "aucun pas vers une solution" et a plaidé pour une démission du ministre Cordahi.
La visite du numéro deux de la Ligue arabe intervient neuf jours après les mesures de rétorsion prises par les pays du Golfe à l'égard du Liban, notamment le rappel des ambassadeurs à Beyrouth, et l'expulsion de diplomates libanais. M. Zaki s'est entretenu avec le président de la République, Michel Aoun, le Premier ministre Nagib Mikati, et le chef de la diplomatie, Abdallah Bou Habib. Il a également été reçu par le président du Parlement, Nabih Berry.
Dans une émission télévisée enregistrée le 5 août et diffusée le 25 octobre dernier, Georges Cordahi, qui n'était pas à l'époque membre du gouvernement, avait qualifié d'''absurde" la guerre menée depuis 2015 au Yémen par une coalition militaire en appui au gouvernement, et estimé qu'il était "temps qu'elle s'arrête". Il avait ajouté que les rebelles houthis, soutenus par l'Iran, se défendaient "face à une agression extérieure" et que "leurs maisons, leurs villages, leurs mariages et leurs enterrements étaient régulièrement bombardés" par la coalition. M. Cordahi , soutenu par le Hezbollah, refuse de démissionner bien que le Premier ministre Mikati l'ait appelé à "privilégier l’intérêt national". M. Aoun semble, lui aussi, favorable à une démission du ministre de l'Information.
Le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhan, avait déclaré que "le problème va bien au-delà des simples commentaires d'un ministre" et dénoncé "l'hégémonie du Hezbollah sur le Liban". Les responsables du Hezbollah ont intensifié leurs attaques verbales contre le royaume depuis le début de la crise. Le numéro deux du parti chiite, Naïm Kassem, a même déclaré dimanche que c'était "à l'Arabie saoudite de s'excuser".
Visite en Arabie saoudite ?
M. Zaki s'est d'abord rendu à Baabda, lundi matin, où il s'est entretenu avec le président Aoun. A l'issue de leur tête-à-tête, le diplomate égyptien a déclaré que sa tournée "vise d'abord à s'informer de la position libanaise, afin de déployer des efforts pour rapprocher les points de vues et résoudre la crise avec l'Arabie saoudite". "Le but de la Ligue arabe est de (préserver ) l'intérêt du Liban et des pays du Golfe", a-t-il insisté. "En fin de journée, il y aura une idée globale de la trajectoire que nous prendrons", a souligné le numéro 2 de la Ligue arabe. Il a ensuite affirmé qu'il se rendra à Riyad, "si cela s'avère nécessaire (...) Mais nous devons d'abord voir une ébauche de solution".
Pour sa part, le président Aoun a affirmé que la solution à cette crise passe par"un dialogue honnête"entre le Liban et l'Arabie. Plaidant pour "une séparation entre les décisions prises par l'Etat libanais et les positions de certains individus ou groupes, surtout s'ils n'ont pas de poste officiel", le chef de l'Etat a fait savoir que "le Liban n'hésitera pas à prendre toute décision qui contribuerait à créer un climat favorable à un dialogue franc, qui prendrait en compte la souveraineté nationale et une institutionnalisation des rapports" bilatéraux.
Par la suite, le Haut-diplomate arabe s'est entretenu au Grand Sérail avec le Premier ministre Nagib Mikati. Selon un communiqué publié par la présidence du Conseil, le chef du gouvernement a affirmé à son hôte l'attachement du Liban au retour à la normale de ses relations avec les pays du Golfe, ajoutant que Beyrouth déploiera tous les efforts nécessaires pour remédier à toutes les lacunes qui entachent ces rapports, dans un esprit de fraternité et de coopération. Il a déclaré que la Ligue arabe pourrait jouer un rôle pour rapprocher les points de vues. "Un rôle auquel nous nous attachons", a souligné le chef du gouvernement, réitérant le fait que le Liban se conforme aux résolutions de la Ligue arabe, notamment en ce qui concerne la crise au Yémen".
Pour sa part, M. Zaki a réaffirmé que sa tournée vise à "sonder les Libanais afin de voir ce qu'ils peuvent faire pour dépasser cette crise diplomatique et trouver une solution qui convienne à tous". "Tout effort arabe est le bienvenu", a ajouté le diplomate égyptien, alors que le Qatar prévoit d'envoyer un émissaire au Liban. Toutefois, Doha, qui s’est "réconcilié" il y a quelques mois avec ses frères du Golfe, souhaite obtenir en amont un feu vert de l’Arabie saoudite et des assurances de la partie libanaise que les concessions nécessaires à la sortie de crise seront faites.
"Nous avons trouvé une brèche que nous tentons d'exploiter", a encore commenté M. Zaki. "La plupart (des responsables libanais, ndlr) connaissent la voie vers la solution de la crise entre le Liban et l'Arabie, mais personne n'a fait même un seul pas dans ce sens", a-t-il regretté. "Il est clair que la démission du ministre peut désamorcer la crise", a déclaré le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe. "Nous devons obtenir plus d'assurances que cette mesure peut être appliquée", a ajouté le responsable arabe.
"La question n'est pas simple"
Houssam Zaki a également rencontré le ministre libanais des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib. Des propos que ce dernier a tenu et qui ont fuité dans les colonnes du quotidien saoudien Okaz, dans la foulée de l'affaire Cordahi semblent avoir compliqué les choses, et retardé la sortie de crise.
A sa sortie du ministère des Affaires étrangères, le numéro deux de la Ligue arabe a estimé que "la question (la crise diplomatique) n'est pas simple et dépasse les propos d'un ministre sur ce qui se passe au Yémen. Il s'agit d'une prise position globale que l'Arabie a condamnée. Et cette position va à l'encontre des décisions arabes concernant la guerre au Yémen". M. Zaki a ainsi appelé à ne pas traiter "à la légère" ce dossier. De son côté, M. Bou Habib s'est dit "favorable à toute initiative qu'entreprend la Ligue arabe".
A l'issue de son entretien avec le président du Parlement, Nabih Berry, Houssam Zaki a enfin affirmé que la démission de Georges Cordahi "aurait pu désamorcer la crise dès le début". Selon lui, les trois pôles du pouvoir se sont montrés attachés aux bonnes relations entre le Liban et les pays arabes du Golfe. "Mais personne n'a exigé d'excuses de la part de l'Arabie saoudite", a-t-il dit.
Houssam Zaki a enfin démenti les rumeurs qui circulent concernant une possible expulsion des ressortissants libanais se trouvant dans les pays du Golfe. "Ces propos sont dénués de vérité et visent à miner la mission que j'effectue en ce moment", a-t-il dit.
commentaires (6)
Une pierre à deux coups exiger au plutôt la démission de Cordahi et abolir le ministère de l’information
Antoine Sabbagha
17 h 32, le 08 novembre 2021